Passeport numérique des produits : un renfort de poids au service de l’économie circulaire

Alors que la réglementation s’étoffe chaque année un peu plus, la Commission européenne a lancé l’an dernier une nouvelle proposition de règlement. Elle vise à créer un « Digital Product Passport », véritable carte d’identité numérique des produits. Une étape décisive pour la traçabilité de l’origine, de la composition et des options de réparation et de démontage d’un bien.

L’économie circulaire réduit la pression exercée sur les ressources naturelles et constitue une condition préalable indispensable pour atteindre l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 et mettre un terme à la perte de biodiversité. La moitié des émissions totales de gaz à effet de serre et plus de 90 % de la perte de biodiversité et du stress hydrique résultent en effet de l’extraction et de la transformation des ressources.

L’économie circulaire devient progressivement une réalité. Les plans d’actions au niveau français et européen se multiplient. En 2019, par exemple, le pacte vert pour l’Europe, présenté par la Commission von der Leyen, a établi une feuille de route ambitieuse en faveur d’une économie circulaire neutre pour le climat, dans laquelle la croissance économique est dissociée de l’utilisation des ressources.

Pour cela, la Commission européenne met l’accent sur les secteurs utilisant le plus de ressources et dont le potentiel de contribution à l’économie circulaire est élevé. C’est le cas notamment des matériels électroniques et TIC, pour lesquels une initiative d’économie circulaire pour le matériel électronique a été mise en place, afin de disposer de produits qui durent plus longtemps et d’améliorer la collecte et le traitement des déchets. Les batteries et véhicules disposent quant à eux d’un nouveau cadre réglementaire visant à renforcer la durabilité et à stimuler leur potentiel de contribution à l’économie circulaire.

La loi AGEC pour accélérer le changement de modèle de production et de consommation

En France, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi AGEC du 10 février 2021) entend accélérer le changement de modèle de production et de consommation afin de limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. Ses 130 articles visent à transformer notre économie linéaire (produire, consommer, jeter) en une économie circulaire. Elle se décline en cinq grands axes : sortir du plastique jetable, mieux informer les consommateurs, lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée et mieux produire.

La loi AGEC impose notamment aux producteurs, importateurs ou responsables de la mise sur le marché de produits générateurs de déchets de mettre à disposition des consommateurs des « fiches produit des qualités et caractéristiques environnementales » de manière dématérialisée et accessible sans frais. Il s’agit d’informer les consommateurs sur la compostabilité, la présence de matière recyclée, la recyclabilité, la présence de terres rares ou de substances dangereuses ainsi que la traçabilité géographique.

Les produits concernés par cette obligation sont nombreux : appareils électriques et électroniques, matériaux de construction, piles, meubles, textiles, voitures, motos… Cette obligation s’applique au premier janvier 2023 aux producteurs dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros et qui commercialisent plus de 25 000 unités. L’obligation s’étendra aux producteurs de plus petite taille jusqu’au 1er janvier 2025.

Passeport numérique des produits : une véritable fiche produit numérique

Pour accompagner les entreprises dans leurs démarches, mais aussi pour accélérer la transition vers plus de circularité, la Commission européenne a lancé une autre initiative. Celle-ci consiste à créer un Passeport numérique des produits (en anglais « Digital Product Passport »).

Cette proposition de règlement sur l’écoconception pour des produits durables, publiée le 30 mars 2022, est l’élément central de l’approche de la Commission en faveur de produits plus circulaires et plus durables sur le plan environnemental. Cette proposition s’appuie sur la directive sur l’écoconception en vigueur, qui ne couvre actuellement que les produits liés à l’énergie.

La proposition de la Commission doit permettre de fixer des exigences en matière de performance et d’information pour presque toutes les catégories de biens physiques mis sur le marché de l’UE. Pour les groupes de produits qui partagent suffisamment de caractéristiques communes, le cadre permettra également d’établir un certain nombre de règles, notamment en ce qui concerne :

  • La durabilité, le réemploi, la mise à niveau et la réparation des produits ;
  • La présence de substances entravant la circularité ;
  • L’efficacité dans l’utilisation de l’énergie et des ressources ;
  • La teneur en matériaux recyclés ;
  • La refabrication et le recyclage ;
  • Les empreintes carbone et environnementale ;
  • Les exigences en matière d’information, y compris un passeport numérique des produits.

Le Passeport numérique des produits est en quelque sorte une fiche produit numérique fournissant des informations sur l’origine, la composition, les options de réparation et de démontage d’un produit ainsi que la manière dont les différents composants peuvent être recyclés. Il permettra aux parties prenantes de l’ensemble de la chaîne de valeur (producteurs, importateurs, distributeurs, réparateurs, recycleurs, consommateurs, etc.) de partager et d’accéder plus facilement à ces données.

Il devrait aider les consommateurs à faire des choix éclairés lorsqu’ils achètent un produit, faciliter la réparation et le recyclage, et améliorer la transparence en ce qui concerne l’incidence de l’intégralité du cycle de vie d’un produit sur l’environnement. Il devrait également aider les autorités à mieux exécuter leurs tâches de vérification et de contrôle.

D’ici à 2030, ce nouveau cadre pour des produits durables pourrait permettre d’économiser 132 Mtep d’énergie primaire, soit environ 150 milliards de m³ de gaz naturel, ce qui équivaut pratiquement aux importations de gaz russe par l’UE. Par ailleurs, une étude du World Economic Forum estime que la transition de nos économies vers plus de circularité représente une opportunité de croissance mondiale de 4 500 milliards de dollars d’ici à 2030, tout en contribuant à restaurer nos systèmes naturels.