Face à une pénurie croissante de talents IT, le no-code émerge comme une alternative salvatrice. Réputé plus rapide, moins onéreux et plus accessible que la programmation, le no-code représenterait-t-il l’avenir de la gestion des besoins digitaux de l’entreprise ?
Derrière l’enjeu de la digitalisation des entreprises, le manque de talents et de compétences IT se fait sentir. L’absence de profils adaptés sur le marché, notamment très expérimentés, le manque de formations existantes ou encore l’inadéquation entre compétences et besoins les plus récents des entreprises ralentissent le développement des projets numériques.
Se démocratisant depuis quelques années, le no-code apparaît comme une alternative prometteuse : en simplifiant le développement d’applications, il permet à des non-spécialistes de concevoir des solutions « visuelles », sans programmation. La barrière technique n’est plus un frein à l’innovation.
« Le no-code est une méthodologie de développement qui permet de créer des sites et des applications en manipulant une interface visuelle sans écrire du code sous format texte » explique Valentin Bert, fondateur de l’agence Nocode Factory. « C’est une révolution qui permet à tous les individus à l’aise avec une interface de comprendre et créer de la tech. Les 0,3% de la population qui connaissent la syntaxe du code n’ont plus le monopole du savoir-faire technique. »
« Le no-code est accessible pour ceux qui ont des appétences informatiques. Il peut résoudre en partie la pénurie de profils IT» complète Jean-Philippe Bossi, responsable financier et informatique de la Fédération Nationale des Ecoles de Production. « Tous les projets n’ont pas besoin d’avoir de « grands développeurs » pour des projets sans grosse complexité. »
Alternative prometteuse et accessible
Le no-code offre une agilité se traduisant par une réduction significative des coûts et des délais de développement. Il permet d’itérer rapidement sur les produits pour mieux répondre aux attentes du client et de ses utilisateurs.
« Le no-code permet de réduire les durées de développement et donc de tester plus vite, d’apprendre plus vite de ses utilisateurs.» affirme Simon Olivier, fondateur de l’agence no-code Bienfait. « Ce qui est un résultat ‘’acceptable’’ en programmation ne l’est pas forcément en no-code : plus le développement coûte cher, moins nous avons envie de revenir dessus, car l’attachement émotionnel lié au budget consommé est trop fort. En no-code, comme le projet coûte généralement moins cher, en temps comme en argent, le client n’hésite plus à faire remodeler tout le projet pour qu’il corresponde encore mieux à ses besoins. »
Adaptabilité, personnalisation, appropriation sont les maîtres mots des adeptes du no-code : la mise en place, la maintenance et le changement d’outil ne rendent plus l’entreprise dépendante d’un développeur.
«Il est possible, moyennant une petite formation, de déléguer l’évolution de choses simples à des personnes non tech » ajoute Romain Féré, CTO de Roole. « Aujourd’hui, dans mes équipes techs, en plus de chercher des gens qui sont bons techniquement, je cherche des gens qui seront intéressés et impliqués dans les produits qu’ils conçoivent. C’est beaucoup plus le cas dans les communautés de Makers que dans les communautés développeurs qui parfois sont plus concentrés sur l’exploit technique que sur la valeur ajoutée apportée au client ».
Parfois simple étape, le no-code peut être un outil pour tester de nouvelles idées, et réaliser ainsi un premier exemple pour donner la main à un développeur. Le cadrage du projet prendra alors toute son importance pour structurer les données et les process. Un chef de projet en interne devra être nommé pour s’y dédier et faire avancer le projet.
« Avant, dans notre organisation, tout était géré dans des fichiers Excel. La phase de cadrage a permis de faire ressortir nos besoins, et des outils no-code nous ont été proposés afin d’être modulables, adaptables, faciles à mettre en place et à maintenir avec des coûts limités » illustre Jean-Philippe Bossi « Le no-code a permis de contribuer à notre développement afin de centraliser, structurer, affiner nos données. Sans lui, nous aurions dû augmenter nos effectifs administratifs, alors que ça n’a pas été le cas.»
Difficultés potentielles d’intégration
S’il est plus accessible que la programmation, penser que le no-code est accessible pour tous relève du mythe. Sa mise en place et son utilisation nécessitent des compétences en gestion de projet, en gestion de produit et des connaissances informatiques pour comprendre comment fonctionnent les applications digitales. Une étude des besoins, des formations et un accompagnement sont nécessaires avant, pendant et après l’implantation. Ces étapes sont généralement menées par des experts no-code externes à l’entreprise.
« Tout projet no-code commence par une identification des besoins métier qui créent des frictions en interne, puis une cartographie des projets en fonction de leur compatibilité avec le no-code/low-code et de leur importance pour le business » affirme Valentin Bert, fondateur de l’agence Nocode Factory. « Ensuite, il faut avancer rapidement sur des premières versions afin d’être le plus vite possible proche de la vraie vie des utilisateurs. »
« Si vraiment le projet ou le produit rencontre un franc succès, il faudra certainement coder par la suite la solution pour des raisons de robustesse, de performance, de spécificités » rappelle Romain Féré, CTO de Roole. « De plus, il ne faut pas sous-estimer la charge de maintenance qu’il peut y avoir sur la correction de données. Par exemple, sur un formulaire avec un champ email, un développeur va avoir le réflexe de mettre un contrôle de format, quelqu’un de moins technique ne va pas forcément y penser. Au fur et à mesure des correctifs, cette charge disparaît bien sûr. »
Lorsque la résistance à l’adoption du no-code provient de la direction, le risque que l’entreprise « subisse » le no-code émerge : à cause de « Shadow IT », des fonctions opérationnelles de l’entreprise peuvent être tentées de créer leurs propres outils. Les DSI des entreprises doivent se poser la question de l’adoption et du no-code en amont, avant que cette problématique ne s’impose à eux. La mise en place d’une direction claire, de ressources et d’équipes transverses qui connaissent les dépendances outils permettra d’encadrer son usage.
Cette problématique est d’autant plus importante qu’en matière de sécurité, de maintenabilité et d’intégration avec les systèmes existants, les solutions développées doivent répondre non seulement aux besoins immédiats, mais doivent également être durables sur le long terme.
« Sur l’aspect sécurité, on pourrait penser que les solutions délivrées via du no-code sont moins sécurisées mais pour le moment, je n’ai pas d’exemple qui vont dans ce sens » précise Romain Féré. « Les solutions que nous développons en no-code sont également soumises à des audits de sécurité, de la même façon que nos solutions codées. »
Vers l’avènement du low-code
Le no-code ne permet pas de remplacer totalement la programmation classique : quatre demandes utilisateurs des entreprises sur cinq seraient réalisables en no-code, selon Simon Olivier. Pour les autres, le low-code représenterait-il le chaînon manquant entre la rigueur de la programmation traditionnelle et l’agilité du no-code ?
En mélangeant la programmation « classique » avec des outils issus du no-code, il permet aux équipes opérationnelles de prendre en main des outils digitaux, tout en permettant aux développeurs de se focaliser sur les développements techniques et ainsi créer des liens entre les différentes solutions no-code. Il permet de pallier la pénurie de profils IT en reliant les compétences des développeurs et les utilisateurs de solutions visuelles.
« Grâce au no-code, on peut arriver le matin avec une idée, et repartir le soir avec une solution. Évidemment, le produit sera dégradé. Mais il sera en ligne et répondra à une partie du problème initial. En revanche, il faut combattre l’idée reçue selon laquelle le no-code est magique » conclut Valentin Bert, fondateur de l’agence Nocode Factory. « la vraie révolution ce n’est pas le no-code, c’est le low-code ! En no-code, très peu de choses sont en réalité réalisables aussi bien qu’en code. En revanche, en low-code, l’immense majorité des produits et apps développés en code traditionnel peuvent être répliquées. Il n’y a pas de solution absolue, chaque business a ses contraintes, chaque business mérite une solution adaptée ».