Philippe Laval, Chief Technology Officer de Jolt Capital, détaille la façon dont l’intelligence artificielle change le métier des investisseurs et l’élan d’innovation que le secteur observe depuis quelques mois.
>> Cet article est extrait du Carnet d’expériences « Les champions français de l’IA »
Est-il possible de faire de l’investisseur un investisseur augmenté avec de l’IA ?
Oui ! Jolt Capital est un investisseur en private equity européen spécialisé dans les deeptechs, ces sociétés très innovantes, que ce soit en hardware ou software, adossées à une forte propriété intellectuelle. Par exemple, nous avons investi dans une entreprise qui transforme des bois de culture en l’équivalent de bois exotiques pour la construction, ou encore une société allemande qui utilise des lasers pour nettoyer, texturer ou usiner des surfaces en permettant d’économiser énormément d’eau sur ces processus, mais aussi dans une société qui propose des moteurs de recherche sémantique.
Notre conviction profonde est que l’Europe n’est pas en retard en matière de deeptech, en revanche, il s’agit pour les investisseurs de trouver ces sociétés, de les accompagner et de les aider à croître. C’est là que l’IA entre en jeu.
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Nous avons développé en ce sens la plateforme Ninja, une initiative lancée il y a cinq ans. Notre vision est que le vivier des deeptechs européennes est vaste mais que ces sociétés sont mal connues, surtout lorsqu’il s’agit de BtoB. Cela pousse les investisseurs à passer leur temps dans des salons et des conférences, en espérant pouvoir les découvrir et les rencontrer ; mais c’est une méthode très limitée. L’autre possibilité est d’utiliser l’intelligence artificielle pour analyser les immenses masses de données disponibles : les brevets, les profils de dirigeants, les articles de presse, les revues spécialisées… et de les regrouper sur une même plateforme. L’objectif est ainsi de faire remonter les entreprises les plus intéressantes et de permettre à l’investisseur augmenté d’avoir un accès direct au marché.
[bctt tweet= »« Dans nos métiers, l’investissement automatique n’existe pas : il s’agit donc plutôt de rendre les investisseurs humains beaucoup plus efficaces et rapides. » » username= »Alliancy_lemag »]La plateforme propose donc des leads potentiels pour les investisseurs en apprenant des données qu’elle récolte ?
Est-il vraiment facile de trouver ce qui intéresse un investisseur sur cette plateforme ?
Le moteur de recherche thématique est une part importante de l’intérêt de cette plateforme. Il y a toute une partie d’analyse de langage grâce à l’IA qui permet d’aller au-delà de la façon dont les entreprises se décrivent, pour en extraire les concepts profonds de leurs activités à travers du traitement automatique du langage pour les classer. Ainsi, si l’on s’intéresse au thème passionnant de l’informatique quantique, on pourra trouver toutes les entreprises européennes qui se développent actuellement sur le sujet. Puis on pourra comprendre quels sont leurs clients, la nature de leur propriété intellectuelle, leur vitesse de croissance… Et ainsi pouvoir nous consacrer à la partie la plus profonde de notre métier d’investisseur, à savoir, accompagner les entrepreneurs et équipes de direction dans leur projet d’hyper-croissance de la deeptech européenne.
[bctt tweet= »« Il y a toute une partie d’analyse de langage grâce à l’IA qui permet d’aller au-delà de la façon dont les entreprises se décrivent, pour en extraire les concepts profonds de leurs activités. » » username= »Alliancy_lemag »]Ce genre d’initiative est-il de nature à se multiplier dans les entreprises ?
Oui, absolument. En tant qu’investisseur BtoB, non seulement nous utilisons l’IA en interne de cette façon, mais nous la retrouvons partout aujourd’hui. L’IA prend une part croissante dans quasiment toutes les sociétés au capital dans lequel nous investissons, que ce soient les exemples que j’ai cités précédemment ou dans d’autres secteurs, comme la fabrication des capteurs optiques ultrapuissants des téléphones portables par exemple. En 2022, l’IA est partout.
Comment s’assure-t-on d’avoir les bonnes compétences pour développer de telles innovations ?
Nous ressentons très fortement la tension que provoque la pénurie de compétences quand on regarde notre portefeuille d’entreprises. La concurrence avec les pure players du digital comme Google et Facebook est très forte. Pour attirer et garder ces talents dans l’entreprise, je pense que l’une des priorités est de travailler sur des technologies enthousiasmantes, modernes et véritablement utiles. Ces talents veulent être à la pointe de ce qui se fait technologiquement et donner du sens à leur engagement. L’une des façons d’y parvenir est d’avoir une équipe technique qui se retrouve réellement immergée au milieu des utilisateurs et qui va constater en boucle courte les usages qui vont être faits de leurs algorithmes par les équipes opérationnelles.