Avec 250 millions de dollars échangés en 2013 et un objectif d’1 milliard pour 2014, la start-up Kantox bouscule le marché des changes. Créée en 2011 à Barcelone, cette plateforme permet aux entreprises d’échanger directement des devises entre-elles. Philippe Gelis, CEO et co-fondateur de la jeune pousse évoque l’avenir du secteur bancaire.
En tant qu’entreprise, que dois-je faire pour pouvoir utiliser votre plateforme ?
Pour commencer, vous devez vous enregistrer sur la plateforme et fournir des documents administratifs. Ensuite, l’équipe de support s’occupe du dossier et en moins de 48h vous pouvez commencer à échanger des devises. C’est aussi simple que ça ! Quand vous achetez ou vendez des devises, l’argent est transféré sur des comptes séquestres*. Pour des questions de régulation, nous sommes systématiquement obligés de séparer les fonds de nos clients de nos propres fonds. Ainsi, s’il y a un problème chez nous, vous pourrez récupérer tous vos fonds et les créanciers ne pourront pas y toucher. En plus d’être sécurisée, notre solution est transparente car nous faisons payer une commission séparée du taux de change. Celui-ci oscille entre 0,09 et 0,29 % alors que les banques facturent entre 2,5 et 3,5% !
Vous êtes donc un concurrent des banques sur le marché des devises. Pensez-vous qu’elles finiront par contrattaquer ?
Non, je ne crois pas que les banques vont réagir. Certes, elles font des profits gigantesques sur le marché des devises mais elles préfèreront perdre une partie de ce marché plutôt que de perdre une marge de profit considérable sur l’ensemble du marché. C’est un peu ce qui s’est passé avec les compagnies aériennes et l’arrivée du low cost. Les grandes compagnies aériennes ne pouvaient pas baisser massivement leurs tarifs. Alors, elles ont dû s’adapter et développer de nouvelles offres pour faire face à cette nouvelle concurrence.
Comment expliquez-vous le succès de la Fintech, cette famille de start-up spécialisées dans les technologies financières ?
Ce succès vient des banques elles-mêmes ! Elles nous démontrent depuis huit ans qu’elles continuent à recourir à des pratiques douteuses. On l’a vu avec le scandale du Libor en 2012 ou plus récemment avec celui des taux de change. L’utilisateur, qu’il soit professionnel ou personnel, s’est rendu compte que la banque s’intéresse uniquement à son profit et ne répond pas vraiment à ses besoins. Il ne voit plus la banque comme un partenaire solide et cherche désormais des alternatives. La Fintech, elle, démontre que l’expérience utilisateur online est bien meilleure que celle que proposent les banques.
Comment voyez-vous l’avenir des agences bancaires ?
Je pense que dans 20 ou 30 ans, 90% des agences bancaires auront disparu. Je dis bien 90% car l’agence bancaire sera toujours nécessaire pour certains produits spécifiques. De plus, les anciennes générations, plus habituées à se rendre dans leur agence, vont être remplacées peu à peu par les jeunes générations nées avec le numérique. Pour moi, c’est donc un phénomène inéluctable ! La relation client en face-à-face va se perdre au profit d’une relation exclusivement online. C’est d’ailleurs le futur challenge que les banques doivent relever pour faire face au tout numérique.
Les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) proposent désormais des services bancaires. Selon vous, pourront-ils, à terme, concurrencer les banques ?
Il faut rappeler que le métier de la banque c’est de collecter des dépôts pour financer des prêts. Je ne pense pas que les GAFA vont aller vers ce service. En plus, ils détestent la régulation ! Je les vois donc mal dans le secteur bancaire. Enfin, c’est un segment beaucoup moins rentable que leurs secteurs respectifs. Ils finiront tous par se positionner sur des moyens de paiement mais cela restera un service parmi tant d’autres.
*Un compte séquestre correspond à un compte ouvert dans une banque qui permet de déposer des acomptes. Les sommes restent en attente d’encaissement définitif ou de reversement.