Connaisseur de l’état d’esprit entrepreneurial qui règne à San Francisco, Philippe Jeudy dresse un constat d’échec à propos des formules imaginées dans la Silicon Valley sur le développement d’une méthode à la « French Tech », basé sur l’omniprésence des administrations et la distribution de subventions.
« Des mesures sont à trouver d’urgence pour permettre aux start-up de se développer. »
Si je salue le principe d’aider les start-up françaises à s’implanter dans la Silicon Valley américaine, je reste dubitatif sur l’impact des mesures annoncées lors du voyage de François Hollande aux Etats-Unis en février dernier. La création d’un « hub » pour les entreprises françaises revient pour moi à injecter de l’argent public dans une structure semi-publique, qui existe déjà à San Francisco. Un « pavillon français » est certes nécessaire, mais ce n’est pas le type de structure que recherchent nécessairement les entrepreneurs français désireux de développer leur business outre-Atlantique. La mise en place d’un écosystème afin d’aider à pénétrer plus rapidement ce marché devrait pouvoir se faire sans appliquer les méthodes pratiquées sur le territoire national, c’est-à-dire l’omniprésence des administrations et la distribution de subventions.
Swissnex SanFrancisco, l’exemple à suivre
Les autorités françaises devraient s’inspirer de la méthode suisse développée par Swissnex SanFrancisco. Cette plate-forme d’échanges de connaissances et d’idées en sciences, art et innovation, a pour objectif de mieux faire connaître les réalisations suisses auprès d’acteurs locaux, notamment par le biais d’organisation d’événements. C’est également un espace flexible à la disposition des entrepreneurs qui viennent y travailler ou développer leur carnet d’adresses…
Depuis mon arrivée à San Francisco, j’ai vu émerger de belles réussites, qui ont attisé la gourmandise des investisseurs, les Venture Capitalists (VCs). Si l’argent coule à flots, bien plus qu’il y a six ans, ces succès compensent aussi les très nombreuses pertes pour les VCs, même si leur nombre s’est considérablement réduit depuis la bulle Internet. Parmi eux, certains Français ont tiré leur épingle du jeu, et ceci, sans avoir bénéficié d’aides spécifiques localement. C’est le cas de Criteo, entré au Nasdaq fin 2013. Ou d’autres en devenir comme Talend, une plate-forme de relation client en mode open source.
Un état d’esprit bien différent
L’entrepreneuriat est bien plus encouragé à San Francisco : c’est l’essence même de ce qui rassemble tout l’écosystème qui englobe les entrepreneurs, les investisseurs, les gestionnaires d’espaces de co-working et d’incubateurs, et même les élus locaux. Pour exemple, le maire de San Francisco mène une politique fiscale très agressive vis-à-vis des villes de la Silicon Valley, comme Palo Alto et Mountain View, pour retenir les entreprises de hautes technologies.
Des mesures sont à trouver d’urgence pour permettre à une multitude de start-up de se développer à l’international. Il faut soulager les jeunes entreprises de la surcharge administrative existante en France à tous les niveaux et, surtout, mettre en place des incitations fiscales suffisantes pour que l’épargne des Français finance davantage les innovateurs. Sans attendre la fortune de Xavier Niel ou encore celle de quelques Business Angels français, qui se cachent par crainte d’une trop grande exposition fiscale. Pour toutes ces raisons, il sera toujours compliqué de créer un leader mondial depuis Paris. Les difficultés de Deezer ou de Viadeo le prouvent et, dans une moindre mesure, celle de DailyMotion suite à l’intervention d’Arnaud Montebourg.