Pour la troisième année consécutive, la Cloud Week Paris Region, initiée par l’association Eurocloud France et événement dont Alliancy est partenaire, se tiendra du 3 au 7 juillet prochains dans différents lieux des Hauts-de-France. Entretien avec Pierre-José Billotte, président d’Eurocloud France, à quelques jours de l’édition 2017.
Alliancy. Peut-on dire que le Cloud se porte bien en France ? Ou pouvons-nous encore mieux faire ?
Pierre-José Billotte. Le marché est dynamique. Les chiffres des divers cabinets d’analystes le prouvent. Au-delà, mon sentiment, en tant qu’observateur de terrain, c’est que ce phénomène est d’abord lié aux grands comptes et aux jeunes entreprises innovantes. Parfois, cela va même trop vite… Ce qui peut paraître paradoxal.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Pierre-José Billotte. On voit vraiment des grands comptes qui basculent assez rapidement sur des plateformes Cloud, sans trop se poser de questions, notamment du point de vue de la sécurité.
Voyez-vous d’autres points faibles ?
Pierre-José Billotte. Il y en a clairement deux, l’administration qui pourrait basculer énormément de services dans le cloud ; et les PME, au travers de la distribution. Le cloud pour irriguer l’économie doit passer par un réseau traditionnel de distribution et il y a clairement un goulot d’étranglement de l’accès au cloud pour ces entreprises. Bien sûr, il y a quelques sociétés de services liées au cloud qui se sont lancées, mais c’est très difficile pour elles de se financer. C’est un vrai point de faiblesse en Europe.
Mais ces PME ne sont-elles pas « frileuses » d’aller dans le cloud ?
Pierre-José Billotte. Si elles le sont, c’est parce qu’on ne leur explique pas bien le sujet. Elles n’ont pas vraiment d’interlocuteurs… ou alors ces derniers n’ont pas intérêt à ce qu’elles basculent dans le cloud. Certains ont parfois même un discours contre-productif, concernant la localisation de l’hébergement des données ou la sécurité. Tout ceci bloque le système sur les PME, voire même les ETI.
La Cloud Week Paris Region se tiendra du 3 au 7 juillet dans la région francilienne. Inscrivez-vous !
Concernant l’e-administration, le changement de gouvernement peut-il avoir un impact ?
Pierre-José Billotte. Le gouvernement a la main sur une partie de la commande publique… Et il pourrait agir rapidement sur ce point, clairement. Ce serait même un formidable levier d’actions pour le marché et l’emploi… que nous réclamons depuis longtemps. Maintenant, nous devons attendre de voir ce que va faire le nouveau Président et Mounir Mahjoubi pour juger des actes. Ce qui est intéressant, c’est que ce dernier, Secrétaire d’Etat chargé du Numérique, est rattaché au Premier Ministre, ce qui n’était pas le cas précédemment. On monte dans la hiérarchie protocolaire… Mounir Mahjoubi a une capacité à agir en transversal pour basculer sur le numérique et donc dans le cloud, c’est un point fort, mais il n’a pas d’armée, encore moins de budget… Ce qui veut dire que ce ne sera pas facile au niveau du Modus Operandi.
La sécurité, la souveraineté numérique… sont-ils encore des sujets qui freinent l’adoption du cloud ?
Pierre-José Billotte. Je n’y crois pas, c’est un faux problème pour les PME. Certes, il peut y avoir des enjeux de souveraineté, mais ils concernent surtout les entreprises stratégiques, l’Etat, voire même le grand public. Mais, aujourd’hui, le patron d’une TPE-PME utilise déjà internet tous les jours, notamment il consulte son compte en banque dans le cloud… Cela ne lui pose aucun problème. Pour moi, c’est d’abord un problème de développement du business sur les PME, un problème de croissance.
En Europe, OVH est le seul acteur du Cloud en matière d’hébergement. Peut-on le déplorer ?
Pierre-José Billotte. Tout dépend de quoi on parle. Si c’est sur l’infrastructure, c’est sûr qu’aujourd’hui face aux grands acteurs américains, il n’y a aucune concurrence européenne. Le nordiste OVH est un très bel acteur et c’est une très belle réussite, mais il reste très spécialisé TPE-PME et grand public. Tout ceci fait que, si demain, le client final a un problème avec son hébergeur, il est soumis à des conditions générales de vente qui le renvoient à des tribunaux américains… Ce n’est plus possible d’être soumis à un tel diktat. C’est un vrai problème.
Les Etats ont-ils un rôle à jouer à ce sujet ?
Cloud privé : de plus de 1 milliard d’euros en 2015, ce marché devrait atteindre les 2 milliards en France en 2019 (source IDC).
Pierre-José Billotte. Oui, car les entreprises ne le font pas. Même sur des domaines où elles peuvent avoir le choix – dans les applications métiers par exemple-, elles se laissent embarquer sur des plateformes américaines et c’est une erreur. Les conditions générales de vente sont souvent complexes et seuls quelques très grands acteurs peuvent faire le poids face aux juridictions dont ils dépendent en cas de problème. Aujourd’hui, la juridiction applicable devrait être celle de l’utilisateur ! En tant qu’acteur français, si vous avez un problème avec un fournisseur, vous devriez pouvoir déposer plainte en France. Le gouvernement, et notamment Emmanuel Macron, devrait pouvoir imposer la juridiction du lieu de l’usage.
La CloudWeek arrive juste après un tournant politique majeur en France. Vous avez des attentes particulières vis-à-vis du nouveau gouvernement ?
Pierre-José Billotte. Cela fait deux ans que nous militons pour avoir un président « numérique ». Aujourd’hui, on peut dire que les choses se sont nettement améliorées de ce point de vue. A voir maintenant quelles seront ses priorités, l’impulsion qu’il donnera au numérique… Le sujet de l’inclusion a déjà été évoqué, comme les zones blanches. Pour autant, cela ne me semble pas être prioritaire. Les enjeux ne sont pas là…
Où sont-ils ?
Pierre-José Billotte. D’abord sur l’emploi et la croissance économique au travers du numérique ; la sécurité avec les problèmes d’usurpation d’identité sur les réseaux sociaux par exemple ; la cybercriminalité et l’urgence d’une quatrième armée numérique ; ou encore l’e-administration pour les citoyens… L’inclusion numérique se fait aussi par le biais économique. Il faut que la France trouve une place majeure sur tous ces sujets au niveau mondial.
Cloud public : le marché français passera de 1,8 milliard d’euros en 2015 à presque 3,8 milliards en 2019 (source IDC).
Mounir Mahjoubi a également évoqué l’intelligence artificielle. N’est-ce pas un sujet important également ?
Pierre-José Billotte. On a déjà des scientifiques de pointe sur ce sujet et pourtant on est à la rue comme toute l’Europe… Qu’est-ce qu’on fait ? On continue à produire de brillants scientifiques pour les autres ? La question est aujourd’hui de savoir comment on arrive à créer des « Gafas » en France. J’ai bien dit en France, pas même en Europe. C’est cela que j’attends de notre Président, car derrière c’est de l’emploi, de nouveaux services, de la souveraineté… Tout le reste suivra.
Ne pensez-vous pas tout de même que cela se joue au niveau européen ?
Pierre-José Billotte. Non, je n’y crois pas du tout. Renvoyer sur les autres, c’est aussi montrer son impuissance ! Il n’y a aucune raison que l’on ne crée pas de leaders mondiaux en France. Ce que fait Spotify, Deezer aussi doit pouvoir le faire ici !
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