Pour sa chronique dédiée à la transformation des entreprises de services du numérique (ESN), Sylvain Fievet met en lumière un dirigeant qui allie ambition stratégique, fidélité aux valeurs d’entreprise et pragmatisme opérationnel. À la tête de HN Services depuis 2015, Antoine Hennache trace un chemin singulier pour cette ETI indépendante, entre croissance maîtrisée, ouverture technologique et engagement humain. Dans un contexte de pression concurrentielle, de montée des enjeux de souveraineté et de mutation des modèles, il garde le cap, sans renier ce qui fait l’identité de son entreprise.
J’ai rencontré Antoine Hennache pour mieux comprendre ce qui fait qu’en 2024 une ESN qui continue d’avancer là où tant d’autres marquent le pas. Comment la pilote-t-il ? Ce que j’ai trouvé, c’est un dirigeant calme, déterminé, à l’opposé de la gesticulation managériale. Pas de posture, pas de langue de bois. Mais une lucidité et une constance qui forcent le respect.
Il assume ses choix, sans effet de manche. « Piloter une ESN aujourd’hui, c’est arbitrer sans perdre le lien. On ne promet pas la Lune, mais on tient le cap – et on reste fidèle à ce qu’on est. » Cette « fidélité », je l’ai perçue dans chaque réponse. Elle traverse sa stratégie, son rapport aux équipes, sa manière d’aborder le marché. Et elle donne à HN Services une force tranquille, peu commune dans l’écosystème des ESN.
Une trajectoire qui confirme un cap stratégique
2024 aura été une année clé pour HN Services : 161 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit +14 % de croissance, dont plus de 9 % en organique, et le cap symbolique des 2 000 collaborateurs franchi. Ces résultats ne sont pas anecdotiques. Ils confirment une trajectoire posée dès 2021 : atteindre 200 M€ de chiffre d’affaires et 2 500 collaborateurs d’ici 2026.
Ce qui m’a frappé, c’est la façon dont Antoine assume ce cap : ni surjoué, ni sous-estimé. Il s’appuie sur des faits solides : deux acquisitions stratégiques en moins de six mois (INFOCOM Groupe fin 2023, ST Groupe début 2024), une dynamique organique soutenue, et une progression de +62 % du chiffre d’affaires entre 2020 et 2023.
Dans un marché ESN qui, selon Numeum, n’a progressé que de +0,7 % en 2024, la trajectoire de HN Services prend une tout autre portée. Elle illustre un pilotage discipliné, appuyé sur un modèle d’actionnariat 100 % familial, sans levée de fonds ni dépendance extérieure. Dans un environnement incertain, cette stabilité devient un levier différenciant.
Résister à la massification, sans se replier
Le marché des ESN se durcit. Je le constate à travers de nombreux échanges avec les DSI : concentration des panels, standardisation des offres, essor des modèles de plateformes. Antoine Hennache le dit clairement : « On est pris entre la massification des grands comptes et l’ubérisation via le freelancing. »
Sa réponse est stratégique. Il revendique une position médiane assumée : celle d’une ETI européenne, indépendante, familiale, capable d’allier proximité, engagement humain et robustesse opérationnelle. J’y vois une voie de plus en plus crédible pour les clients, qui cherchent à sortir d’une relation purement transactionnelle. Et Antoine a compris que cette proximité pouvait devenir un levier de différenciation fort, face à des géants parfois trop éloignés du terrain.
Construire une alternative souveraine crédible
La question de la souveraineté numérique n’est plus marginale. Elle revient dans presque toutes mes discussions avec des décideurs IT. Ce qui m’intéresse chez HN Services, c’est que la réponse ne se limite pas à un discours. Antoine a choisi d’agir : en nouant des partenariats avec des éditeurs français comme Centreon ou ipLabel, il structure une offre autour du monitoring et de l’observabilité, qui dépasse la simple mise à disposition de compétences.
Il me parle de cette alliance avec une conviction claire : « Nos clients attendent plus que des profils. Ils veulent des solutions complètes, fiables, souveraines. On peut les leur proposer, sans dépendre des géants américains. » Cette logique d’intégration m’apparaît essentielle : elle positionne HN comme un acteur capable de contribuer à une nouvelle forme de chaîne de valeur européenne, à la fois technologique et industrielle.
Piloter, c’est aussi écouter et ancrer
Ce que j’ai apprécié tout au long de notre échange, c’est la relation qu’Antoine entretient avec ses équipes. Il n’en parle pas pour faire joli. Il me raconte ses déjeuners réguliers avec des collaborateurs en mission ou en intercontrat. Un jour, l’un d’eux, présent depuis dix ans, lui dit : « J’espère qu’on va garder nos valeurs. ». Une telle phrase, il ne la prend pas à la légère.
Dans une entreprise qui vient de dépasser les 2 000 collaborateurs, cet ancrage humain devient un actif stratégique. Il garantit que la croissance ne se fait pas au prix de la culture. Ce lien personnel, incarné, structuré dans le temps, c’est aussi une forme de résistance à la volatilité ambiante du secteur.
Capitaliser sur 42 ans d’expérience
HN Services, c’est 42 ans d’histoire, et un enjeu structurant : préserver et transmettre un savoir accumulé dans la durée. Plutôt que de céder à la course aux profils “plug & play”, l’entreprise a choisi d’investir dans une logique de capitalisation active. Cela passe notamment par la plateforme Skills, qui outille l’onboarding, la formation continue, et le partage de méthodologies métiers.
Mais cela s’inscrit aussi dans une démarche plus profonde : former par soi-même. Depuis sa création, le HN Institut a formé plus de 8 000 jeunes, et diplôme aujourd’hui plus de 100 ingénieurs chaque année. Une infrastructure RH qui alimente directement la robustesse du modèle.
Dans un secteur marqué par le turnover, l’éclatement des missions et la standardisation des parcours, ce choix me semble à la fois différenciateur et visionnaire. Il traduit une conviction forte : la performance d’une ESN ne repose pas seulement sur sa capacité à recruter vite, mais sur sa capacité à faire circuler un savoir utile, vivant, pérenne.
Des choix technologiques assumés, sans dispersion
Là où d’autres se dispersent pour suivre toutes les tendances, Antoine fait le choix de la clarté. Sur l’IA, HN Services avance par l’usage : copilotes, dev augmenté, outillage des équipes. Sur la cybersécurité, il préfère rester en retrait. « On ne peut pas tout faire. Notre métier, c’est d’être là où on est crédible. »
Cette lucidité me frappe. Elle tranche avec la tentation, très répandue dans le secteur, de vouloir tout adresser. Elle témoigne d’un pilotage réaliste, capable de dire non à ce qui n’est pas aligné. Et c’est souvent ce qui manque aujourd’hui dans les comités stratégiques des ESN.
Une vision du numérique responsable, portée dans les actes
Loin de limiter sa transformation à des enjeux économiques, HN Services renforce aussi ses engagements RSE. L’ESN a obtenu le label Gold Ecovadis et le label Greenly Silver en 2023, qui attestent de sa démarche en faveur d’un numérique plus responsable.
Elle structure également une politique active de mécénat de compétences : plus de 100 collaborateurs se sont engagés en 2024 dans des missions solidaires, aux côtés d’associations comme les Restos du Cœur, la Croix-Rouge ou via la plateforme Day One.
HN Services soutient par ailleurs l’athlète paralympique Rémy Boullé, et affirme une volonté forte : faire de ses engagements une part intégrante de sa culture. Une posture cohérente avec un pilotage de long terme, et un actionnariat 100 % familial qui permet de penser au-delà des cycles financiers.
Ce que je retiens : une ligne, une fidélité, une responsabilité. En sortant de cet échange, je n’ai pas simplement vu un dirigeant performant. J’ai vu un homme qui, dans un environnement bousculé, tient une ligne, sans surenchère ni compromis inutile. Ce que propose Antoine Hennache avec HN Services, ce n’est pas une alternative marketing. C’est une trajectoire crédible, incarnée, portée par une vision claire du rôle d’une ESN dans l’économie numérique d’aujourd’hui.
Croître sans se trahir. Innover sans s’éparpiller. Assumer une responsabilité sociale, technologique et culturelle. Voilà, peut-être, le vrai luxe d’un dirigeant aujourd’hui.