Pour sa chronique dédiée à la transformation des entreprises de services du numérique (ESN), Sylvain Fievet met en lumière une dirigeante qui allie expertise technique, sens du collectif et ambition claire. À la tête de Thales Services Numériques (TSN) depuis janvier 2025, Hélène Bringer incarne un nouveau chapitre pour cette entité du groupe Thales, au croisement des enjeux de souveraineté, de performance et de sécurité numérique. Dans un contexte de forte attente sur la cybersécurité et la confiance dans les infrastructures critiques, elle fait le choix de l’écoute, de l’humilité et du pragmatisme pour poser les bases d’un projet d’entreprise durable et crédible.
Dès notre première rencontre, j’ai été marqué par la précision de son discours, sa capacité à exposer sans détour les priorités comme les tensions. Sans effet de manche, elle partage une vision structurée, pleinement ancrée dans la réalité opérationnelle. Cette lucidité, alliée à une volonté manifeste d’embarquer ses équipes dans une dynamique collective, donne à sa prise de fonction une tonalité particulièrement sincère.
Un parcours solide, une prise de fonction assumée
Hélène Bringer n’est pas une novice du secteur. Forte de 27 années chez Bull, Atos puis Eviden, elle a évolué au cœur des systèmes critiques et des environnements technologiques de haut niveau. Elle a dirigé des activités structurantes, dans le HPC comme dans la cybersécurité, avant de prendre la tête d’Eviden France. Ces expériences l’ont préparée à relever les défis d’une ESN adossée à un grand groupe industriel comme Thales.
Chez Thales, elle assume un double défi : accélérer la transformation de l’organisation vers plus de compétitivité et de modernité, tout en respectant l’ADN du groupe. Le chantier est vaste : renforcer la profitabilité, structurer une stratégie de delivery élargie, initier l’internationalisation, et accompagner la montée en compétences sur le cloud et les environnements « souverains ».
Un style clair, orienté efficacité collective
Hélène déploie un mode de leadership direct, ancré dans la réalité des équipes et des clients. Elle revendique un attachement fort à la voix du client. Elle défend une gouvernance fluide, un management de proximité et un usage systématique du feedback pour ajuster le cap et ne laisser personne décrocher en route.
Elle ne cache pas que plusieurs transformations en cours bousculent les habitudes : choc culturel entre la culture industrielle de Thales et les réflexes d’une ESN, nécessité de gagner en agilité et en rigueur économique, enjeu de modernisation des méthodes de delivery. Mais son approche est méthodique : pas de rupture brutale, mais des ajustements ciblés, nourris par l’écoute du terrain et l’expérience.
Une dirigeante investie dans les dynamiques collectives de la profession
Hélène Bringer ne limite pas son action à la seule transformation de TSN. En tant que membre de l’équipe de France du numérique, portée par Numeum et Véronique Torner, elle s’engage en faveur d’une vision plus partagée et structurée de la souveraineté technologique. Elle défend un numérique d’écosystème, où la coopération entre acteurs publics, privés et industriels est clé.
Elle est également attentive aux complémentarités dans l’écosystème ESN, revendiquant des logiques d’alliances et de partenariats sur les domaines d’innovation. Elle cite notamment les projets menés autour de l’IA, du stockage ADN ou encore de la gouvernance data, portés par les équipes TSN, qu’elle juge à la fois « créatives, engagées, et profondément attachées au sens de leur mission ».
S3NS : un levier stratégique, soutenu par un investissement hors norme
En parallèle de Thales, Hélène Bringer préside S3NS, co-entreprise entre Thales et Google Cloud. Ce projet incarne une vision ambitieuse du cloud souverain : gouvernance locale, maîtrise complète des flux, déconnexion opérationnelle de Google, et montée en puissance progressive d’un opérateur de confiance.
Le soutien massif de Google positionne S3NS comme un pari structurant à l’échelle européenne. Il ne s’agit pas d’un geste symbolique, mais d’un engagement stratégique d’un hyperscaler mondial pour répondre aux attentes de souveraineté, de sécurité et de conformité du marché européen. Cet investissement hors norme permet à Thales et S3NS d’aller bien au-delà du cadre “SecNumCloud” et de poser les bases d’une nouvelle génération d’infrastructure cloud de confiance.
Pour Hélène Bringer, S3NS est un levier puissant de transformation pour les activités services numériques de Thales : montée en compétences des équipes, évolution des modèles de delivery, et capacité à répondre aux besoins d’intégration autour d’une technologie hyperscale souveraine. Cette aventure l’oblige aussi à faire converger deux cultures : celle de l’ingénierie sécuritaire et celle du service numérique distribué. Une hybridation stratégique, au service d’une ambition européenne.
Une feuille de route lisible, sans effet d’annonce
Avec une grande honnêteté, elle rappelle qu’il est trop tôt pour parler de transformation accomplie. Le cap est fixé, les premières actions enclenchées, mais l’essentiel reste à construire. Renforcer l’agilité sans perdre la rigueur, améliorer la rentabilité tout en sécurisant les expertises, renforcer l’international sans se disperser : le chemin est exigeant, mais assumé.
Ce que je retiens de notre échange, au-delà du propos, c’est une posture rare : une dirigeante qui connaît ses forces, identifie ses marges de progression, et assume de construire avec ses équipes et partenaires. Une dirigeante qui incarne, sans jamais surjouer. Et c’est sans doute ce qui rendra sa trajectoire chez Thales particulièrement intéressante à suivre dans les mois à venir.