En quatre ans, les Deeptech ont creusé leur sillon. La France, qui en compte 1 800 aujourd’hui dans des secteurs stratégiques, ne compte pas s’arrêter là. Explications.
« C’est l’un des plans les plus structurants de Bpifrance. On crée l’amorçage de la ré-industrialisation, lance d’entrée Paul-François Fournier, directeur exécutif Innovation de Bpifrance. Ce qui nous paraissait deux mondes distincts, le digital et l’industrie… Au final, ils se marient très bien et semblent être l’invention de la ré-industrialisation du pays. »
Depuis quatre ans, l’Etat réoriente les financements de l’innovation vers la deeptech, après avoir consacré beaucoup de fonds à la FrenchTech. « Le digital n’est pas une filière à part entière comme l’automobile ou l’aéronautique : il se diffuse désormais dans tous les secteurs traditionnels et renouvelle l’industrie française », poursuit l’expert.
L’objectif de la France de créer 500 start-up par an est donc en bonne voie (200 en 2017-2018), de même que les 100 sites industriels par an et les 30 licornes de la deeptech d’ici à 2030. Et ce après quatre ans de ce plan, renforcé par le plan France 2030 et un supplément de 500 millions d’euros ajouté récemment pour mieux s’allier à la recherche française et fluidifier les transferts de technologie.
En 2022, 320 start-up de la deeptech ont été créées, soit 27% de plus par rapport à 2021. Les 1 800 start-up de la deeptech que compte aujourd’hui la France sont ainsi présentes sur tout le territoire et traite des enjeux de société très forts comme la santé, la transition écologique et énergétique, la robotique, le quantique… « On voit l’alignement de plus en plus avec les enjeux économiques que porte la France ».
Forte montée en puissance des financements
Toutefois, il faut encore donner l’impulsion de croissance à cet écosystème pour créer des effets de levier. « Notre volonté est très forte pour initier les conditions d’un changement de paradigme et créer cette cohorte d’entreprises qui servira de terreau pour le deuxième volet de notre stratégie qui est l’adaptation de notre écosystème privé du capital-risque à cet enjeu de la deeptech. »
Bpifrance souhaite ainsi être en avance de phase pour indiquer au marché que l’établissement bancaire met les moyens financiers d’amorçage. « Petit à petit, ces efforts pour booster cet écosystème commence à porter ses fruits : le marché du capital investissement deeptech a confirmé sa croissance pour atteindre les 2,6 milliards d’euros investis dans ces start-up en 2022 (+ 10 %), même si 2023 ne sera pas identique. »
Pour y parvenir, il faut une mise en réseau de tous les acteurs, très divers… et très localisé (PUI). Pour autant, il faut une cohérence d’actions, autant dans le monde économique que financier, ne serait-ce que pour faire connaître notre écosystème. « Nous lançons donc la V2 de notre plateforme LesDeeptech.fr, un outil commun pour que ces acteurs puissent capitaliser entre eux, notamment en publiant également des données précises via un Observatoire de la Deeptech (refondu d’ici à 2 mois)… Nous voulons que ces acteurs travaillent mieux ensemble à tous les niveaux, à commencer par la recherche de talents (tandem pour constituer son équipe, et tango pour trouver des personnalités qualifiées à grande expérience).
Un deuxième volet vise l’écosystème des start-up de la deeptech pour mieux les valoriser et les faire connaître en animant cette communauté, via le Deeptech Tour (19 étapes en 2022), ou encore avec l’i-PhD, un concours qui vise à récompenser les jeunes chercheurs porteurs de projets entrepreneuriaux mobilisant des technologies de rupture, et dont 46 % des lauréats des deux premières éditions ont créé leur start-up. « Nous voyons aujourd’hui le changement d’échelle : ces 250 start-up à vocation industrielle bénéficient à toutes les filières traditionnelles ! », se félicite Paul-François Fournier.
En conclusion, « les outils de Bpifrance peuvent faire la différence pour renforcer notre écosystème, même s’il y a aura de la casse… Il faut accepter l’échec, mais le maximum aura été fait pour faire effet de levier sur l’argent privé. »
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Un Meetic pour l’industrie en gestation
Côté relations grands groupes/start-up de la Deeptech, des projets également sont en cours pour améliorer les rapprochements potentiels : « Pour un grand groupe, faire un partenariat avec une deeptech n’est pas si simple… Différence culturelle, niveau de risque élevé, d’où l’importance d’aller jusqu’à cet effort de capacité pour intéresser les grands groupes avec des premières usines de démonstration. Et même si les frontières disparaissent peu à peu entre le digital et l’industrie, dans le cadre du Hub Bpifrance, on se veut les plus créatifs possibles. Nous allons ainsi créer un accélérateur des acheteurs à l’attention des grands groupes pour accélérer sur les meilleures pratiques des uns et des autres. » De quoi animer un écosystème plus vertueux à l’image du site lesdeeptech.fr, qui teste actuellement le transfert de compétences entre des cadres de grands groupes industriels et des Deeptech, un « Meetic » pour l’industrie en quelque sorte. »
Bpifrance estime en effet que l’ensemble de tous ces outils à disposition de l’écosystème (privé ou public), notamment des partenaires académiques, est une sorte d’espace back-office visant à les faire mieux collaborer afin d’initier ensemble des services… « L’année 2022 a vu la bascule de l’appropriation de ce plan Deeptech par différents écosystèmes à l’échelle locale (PUI, Satt…). Aujourd’hui, chacun doit s’organiser et aller au-delà du concept national ! », conclut-il.
- 320 start-up deeptech créées en 2022
- 673 millions d’euros de financements en faveur de 870 start-up
- 670 millions d’euros déployés par Bpifrance (dont 318 millions en direct et le reste en Fonds de fonds)
- A ce jour, on compte 5 licornes parmi les deeptech (OVHCloud, Ledger, Owkin, Exotec et Shift Technology) : 24 start-up deeptech dans le FrenchTech 120 et Plus de 30 acteurs de plus de 250 salariés (Cailabs, Pasqal, TreeFrog…)