Le président de la République, à six mois de la présidentielle, annonce les contours et le calendrier budgétaire de son programme d’investissement sur cinq ans, intitulé « France 2030 ». Objectifs : préparer l’avenir du pays et renforcer sa compétitivité internationale.
Une trentaine de milliards d’euros pour 2030 et dix grands objectifs afin d’éviter le déclassement économique de la France et créer de la valeur dans la durée ! C’est l’objectif du plan stratégique « France 2030 » annoncé ce jour par Emmanuel Macron depuis l’Elysée, devant un parterre de 200 étudiants et chefs d’entreprise. Dans un pays où l’industrie ne représente plus que 13,5 % du PIB (contre 22 % en Allemagne), l’objectif est également de « retrouver le chemin de l’indépendance française et européenne », au moment où la crise a montré la forte dépendance de notre industrie (automobile, pharmacie…) à l’égard de l’Asie pour de nombreux produits et composants stratégiques. Emmanuel Macron veut ainsi réconcilier cette France des start-up et cette France de l’industrie.
Pour y parvenir, il faut donc faire émerger les champions de demain et accompagner les transitions écologique, énergétique et numérique… auxquelles nous avons à faire face, l’idée étant aussi d’être capable de rivaliser avec les géants chinois et américains.
La France doit « redevenir une grande nation d’innovation », a insisté le chef de l’Etat. A ce jour, la France est en effet, parmi les pays industrialisés, celui qui a subi la plus forte désindustrialisation durant les dernières décennies avec le Royaume-Uni. D’où l’idée d’investir massivement dans notre stratégie d’industrialisation, pour que le pays « retrouve un cycle vertueux: innover, produire, exporter, et ainsi financer (son) modèle social » et le « rendre soutenable », a-t-il ajouté.
Concrètement, dix objectifs sont fixés, qui porteront tout d’abord sur l’énergie nucléaire avec un investissement de 1 milliard d’euros pour développer des réacteurs nucléaires de petite taille et ainsi réussir à mieux gérer et réduire les déchets.
Un deuxième objectif est de faire de la France un « leader de l’hydrogène vert » pour remplacer les énergies fossiles et décarboner l’industrie (8 milliards). « C’est normal, les industriels sont des émetteurs de CO2. Entre 2015 et 2030, nous nous sommes engagés à baisser de 35 % les émissions de gaz à effet de serre. C’est une révolution productive. Aujourd’hui, en 2021, nous avons fait 4 %, donc nous devons investir massivement. Sans investissement public, c’est insoutenable », at-il déclaré. Les secteurs prioritaires visés : les productions d’acier, de ciment, ou chimiques, « ainsi que l’alimentation des camions, bus, trains et avions.
D’ici à 2030, la France doit pouvoir compter sur son sol « au moins deux giga-factories d’électrolyseurs », transition qui sera complétée par la robotisation et la numérisation de l’industrie.
Pour un changement de culture dans l’automobile
Le président souhaite également produire en France « près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides à l’horizon 2030 ». Un objectif atteignable, à condition d’avoir une vraie stratégie coopérative, « en particulier de nos grands constructeurs ». La révolution du véhicule électrique est en marche et « nous devons y prendre part tant sur le segment véhicule que batterie pour lequel nous développons actuellement trois giga-factories ». Dans l’aérien, le président souhaite aussi un effort massif « pour permettre de déployer, d’ici à 2030, le premier avion bas carbone qui doit être un projet français, mais dont l’objectif est de l’européaniser au maximum ». Au total, ce sont près de 4 milliards d’euros qui seront investis dans ces deux industries.
Comment les industriels gagnent en compétitivité en 2021 ?
Deux milliards d’euros seront destinés à accélérer la révolution agroalimentaire pour aller vers une alimentation « saine, durable et traçable », en misant sur « le numérique, la robotique et la génétique ». Ces investissements doivent permettre une fois encore de décarboner la production agricole, sortir de certains pesticides, améliorer la productivité et développer des productions plus résilientes et plus solides dans les bio-solutions, selon lui.
L’exploration des grands fonds marins fait aussi partie des priorités pour ne pas « laisser dans l’inconnue la plus complète une part si importante du globe »… Tout comme l’espace, devenu le terrain de conquête de nouvelles puissances et d’entreprises privées (SpaceX)… «Un new space est en train de se construire», estime-t-il d’où l’objectif d’épauler l’industrie française dans le développement de mini-lanceurs réutilisables ou de microsatellites.
Pour une médecine prédictive innovante
Ont suivi ensuite des annonces pour renforcer la souveraineté de la France, notamment ses chaînes d’approvisionnement dépendantes de fournisseurs étrangers et mises à mal durant la crise sanitaire. Aussi, près de 6 milliards d’euros serviront à doubler la production électronique de la France d’ici à 2030. Le président souhaite construire une feuille de route vers des puces électroniques de plus petite taille pour rester un des leaders du domaine.
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Idem dans la santé, secteur qui bénéficiera de 7,5 milliards d’euros d’investissements pour faire de la France la première nation innovante en santé en Europe à l’horizon 2030, notamment dans la recherche pour des traitements innovants (vaccins, bio-médicaments contre les cancers, les maladies émergentes et les maladies chroniques…). Le président a appelé à une « révolution médicale » grâce à la « convergence des innovations de rupture dans la santé, mais aussi la convergence avec le quantique, l’intelligence artificielle et tout ce qui nous permet de faire converger des familles technologiques jusqu’alors séparées ».
La culture est le huitième objectif de ce plan. Sans chiffrer les investissements, Emmanuel Macron a appelé les professionnels du secteur à « bâtir l’imaginaire français et européen de demain », notamment face à la concurrence américaine des Netflix, Disney+, Amazon et Apple.
Industriels et Deeptech : de nouveaux outils à foison
Au-delà de l’aspect purement « industriel », le gouvernement souhaite aussi mettre l’accent sur la productivité du pays, d’où les mesures annoncées portant sur les compétences et métiers afin d’assurer la transmission des savoirs et l’engagement des jeunes.
Deux milliards d’euros de ce plan France 2030 seront donc consacrés à l’adaptation des formations aux priorités affichées, a indiqué le ministère du Travail en marge des annonces d’Emmanuel Macron. Un appel à manifestation d’intérêts sera en ce sens lancé d’ici la fin de l’année. La cible sera tous les niveaux de qualification, formation initiale ou continue.
En outre, 500 millions iront à l’enseignement supérieur pour créer notamment des écoles formant à l’intelligence artificielle. Il faut « nous doter d’une stratégie à dix ans de prévision des besoins, de concentration des moyens sur ces nouvelles filières et de définition des stratégies des nouvelles filières », a-t-il ajouté.
Enfin, a rappelé le président, rien ne peut fonctionner sans « une sécurisation de l’approvisionnement en matériaux », notamment dans l’approvisionnement en plastique et métaux, la consolidation de la filière bois, le recyclage et l’économie circulaire afin de « réduire la dépendance ».
L’industrie française doit rattraper son retard sur le 4.0
Concernant les composants physiques et électroniques (semi-conducteurs), le chef de l’Etat a indiqué que l’Europe doit multiplier par deux sa production et innover pour être moins dépendants (6 milliards d’euros). Il souhaite ainsi une feuille de route pour aller vers des puces électroniques de plus petite taille et ainsi rester un des leaders du domaine.
Les acteurs du numérique ont été également interpellés sur l’avenir du cloud en France : « Est-ce que nous aurons un cloud totalement souverain à cinq ans ? Non, je crois que ce n’est pas vrai parce qu’on a pris beaucoup de retard et parce que la différence d’investissement entre la place européenne et la plaque américaine, c’est un facteur 10 chez les acteurs privés. Par contre, on doit sécuriser les briques les plus sensibles et nous devons investir sur les éléments les plus souverains pour sécuriser nos écosystèmes. » Et de rappeler la place majeure de l’intelligence artificielle, de la cyber-sécurité, du cloud et du quantique…
« Le plan France 2030 est une bonne nouvelle pour les acteurs français de la Tech, commente Fabien Bréget, entrepreneur qui vient de regrouper trois entités pour créer Nomadia, le 1er éditeur français de solutions dédiées aux professionnels mobiles à même de rivaliser avec les grands éditeurs internationaux.
Sur un marché numérique dominé par des géants américains et chinois, la diversification de l’offre, avec la proposition de solutions alternatives françaises qualitatives et légitimes, est primordiale.
Ce n’est pas le savoir-faire qui nous manque en France, ni la dynamique entrepreneuriale. Mais, pour tirer profit de ce riche patrimoine, il faut faire les bons choix stratégiques. Le rapprochement entre les mondes des start-up et de l’industrie est une réponse à ce défi et un vecteur du rayonnement de notre savoir-faire sur la scène mondiale. »
Rappel des 10 objectifs du plan France 2030
➜ Objectif 1 : Faire émerger en France des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets
➜ Objectif 2 : Devenir le leader de l’hydrogène vert
➜ Objectif 3 : Décarboner notre industrie
➜ Objectif 4 : Produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides
➜ Objectif 5 : Produire le premier avion bas-carbone
➜ Objectif 6 : Investir dans une alimentation saine, durable et traçable
➜ Objectif 7 : Produire 20 bio-médicaments contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge et de créer les dispositifs médicaux de demain
➜ Objectif 8 : Placer la France à nouveau en tête de la production des contenus culturels et créatifs
➜ Objectif 9 : Prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale
➜ Objectif 10 : Investir dans le champ des fonds marins