Rebondissant sur le climat politique actuel, notre chroniqueur Henry Schwartz s’interroge sur la façon dont formation et partage du savoir jouent un rôle dans les grands axes de transformation de notre société et de ses territoires. Avec un exemple : la planification écologique.
Oui, mais ici, la passante est multiple, elle change de traits. Les messieurs les saluent toutes. La planification écologique séduit, se démultiplie et se teinte au gré des protagonistes, des groupes et des inter-groupes.
La planification écologique face à la planification écologique
La planification écologique rassemble autant qu’elle fracture. Louée par Jean-Luc Mélenchon et arrimée au gouvernement du second quinquennat d’Emmanuel Macron, elle a participé à orienter les bulletins de votes dans l’urne lors des élections législatives et à dessiner le nouveau paysage de l’Assemblée qui affecte la composition du gouvernement dont le remaniement est à ce jour officiellement connu. Aux ministres du gouvernement Borne 1 s’ajoutent par exemple – par renouvellement ou création – un ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, un ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, un ministre de la Santé et de la prévention ou encore un ministre de la Ville et du Logement, une secrétaire d’état à l’écologie : tous auprès de la Première ministre Elisabeth Borne, chargée de la planification écologique. Quelle que soit la répartition des compétences entre les différents ministères et l’ordre protocolaire, la planification écologique chapeaute tout.
Loin d’être nouvelle, sauf à la considérer sous le prisme de l’irruption d’un nouveau concept, c’est sa manifestation, avec ses nuances ou ses radicalités faussement nouvelles, ainsi que son affirmation qui se veut globale, qui a évolué. Plusieurs versions de la planification écologique cohabitent, une dizaine, à minima.
L’Assemblée « a le visage de la France » et « les Français nous enjoignent de travailler ensemble, de débattre plutôt que de nous battre » a pu souligner la Présidente de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet, après son élection.
La planification écologique peut nous être salvatrice
Débattre sans se battre. Et j’ajouterai « débattre sans se débattre ». Le défi est palpitant et les difficultés réelles. La situation est-elle pour autant insoluble ?
Il apparait intéressant à ce titre de souligner deux réalités. L’intérêt général et l’intelligence collective nous y invitent ; la planification écologique étant autant un levier qu’un obstacle :
- Tout d’abord, l’entreprise consistant à vouloir qualifier de bonne ou mauvaise la planification, est accessoire et même superflue, comme il en est de savoir s’il faut ou non planifier. L’exercice de la planification est en effet séculaire. Par contre, pour paraphraser Friedrich Hayek, la planification est intrinsèquement conflictuelle dans la mesure où elle fait surgir, d’autant plus chez ceux qui la promeuvent bruyamment, des oppositions qui pouvaient demeurer masquées quant aux buts. Sa présence est aujourd’hui nouvellement ancrée. Elle n’est ni à prendre ni à laisser, elle est. Quelle que soit la relation que l’on établit avec la planification, sa résurgence réorganise et explicite le conflit et peut nourrir le dialogue. Elle peut nous être salvatrice.
- Ensuite, l’écologie a moins gagné la bataille des idées que celle des mots et de l’engagement. Tout le monde est engagé…. S’il est possible d’affirmer spécieusement qu’elle a remporté celle des idées, je crois bien que c’est dans le sens où les mots deviennent des idées, comme je l’ai d’ailleurs exprimé simplement auprès d’un membre du gouvernement – un mal qui nous ronge. Prenons brièvement l’exemple des marques : nous savons qu’une marque engagée, figurant sur le podium à la suite d’un classement, peut disparaitre le jour d’après dans l’indifférence (quasi) générale.
Face à une planification, autrement dit une méthode, qui par essence ne peut et ne sait offrir une vue d’ensemble mais peut s’y efforcer sans le promettre, et des conceptions de l’écologie engagée, toutes deux toujours sujettes à des appréciations critiques, une des réponses proposées aujourd’hui est la formation, et par conséquent, celle des savoirs et des grilles de lecture.
Les savoirs (dé)connectés font nos territoires
Avec les buts, le moins que l’on puisse dire c’est que les points d’appuis sont l’objet de controverses. Nombreuses sont les réalités qui ont égrené les actualités : une école qui annonce revoir ses enseignements sous l’angle climatique lui-même appréhendé sous tous ses angles, des étudiants qui désirent interpeller les alumnis de leur école, annonce de la formation des équipes ministérielles et des hauts-fonctionnaires aux enjeux environnementaux, etc.
« Savoir c’est pouvoir » aime-t-on reprendre avec raison. Certes mais savoir peut aussi étouffer comme le soulignait avec justesse Nietzsche.
Des savoirs et de leurs déploiements suit naturellement le développement de dynamiques aux conséquences économiques, sociales, environnementales, sanitaires, organisationnelles.
A l’aune de cette réalité, la question des assises a toute son importance. La 5G offre en ce sens des exemples intéressants. Ainsi nous pouvons constater que :
- « l’ensemble des parties prenantes identifient des problématiques fortes qui sont des obstacles à la diffusion des territoires intelligents. Elles restent à travers ce diagnostic sans réponse. Elles concernent (…) l’acceptabilité sociale, à terme, de certaines innovations technologiques comme le démontre les controverses sur le Linky et la 5G.» (DataPublica/KPMG, 2021)
- Le débat sur la 5G, qui est la manifestation d’une entrée concrète des problématiques technologiques dans la discussion publique, s’est construit en 2020 autour de la question du moratoire. La discussion autour d’un moratoire n’est pas synonyme d’un positionnement « pour » ou « contre » la technologie en elle-même (The Shift Project, 2021)
Mais qu’en est-il si face à ces considérations inscrites dans ces études enrichissantes, il est énoncé que ces deux diagnostics sont erronés ?
A l’importance des directions s’associe donc celle des points de départs. La planification écologique, avec sa composante numérique devenue sociétale, s’appuiera sur des savoirs. Mais au final, elle n’en illustrera seulement une sélection. A débattre…