Dans ce nouvel épisode de CIO Revolution « Les DSI face à la Guerre des Talents » mené par Bertran Ruiz, CEO d’Airsaas, nous retrouvons Gilles de Richemond, ancien DSI du groupe Accor, le premier groupe hôtelier européen. Ensemble, ils échangeront sur les enjeux qu’a vécu le secteur de l’hôtellerie en matière de recrutement, de réorganisation et de management face à des transformations numériques majeures.
Le secteur hôtelier, un secteur « percuté » par les révolutions digitales
Accor, c’est un groupe que tout le monde connaît, qui rassemble 35 marques comme Novotel, Mercure, Ibis… Des marques luxueuses ou abordable… Mais c’est aussi un groupe qui a vécu beaucoup de transformations ces dernières années, dû aux révolutions digitales telles que la distribution en ligne avec Expedia, Booking par exemple mais aussi avec le sharing comme l’entreprise AirBnB.
Des évolutions qui impactent la place et l’importance des enjeux gérés par la DSI au sein de groupe international.
Pour gérer ces missions la DSI du groupe compte près de 1400 personnes, réparties dans différents sièges à travers le monde avec des missions variées comme le support client que ce soit l’infrastructure dans les hôtels mais aussi la satisfaction des propriétaires des hôtels. Avec cette révolution, ce sont créés de nouveaux enjeux liés au digital comme la relation client, des problèmes de fidélité et la distribution également, dans un objectif que l’ensemble des hôtels du groupe soit vendu sur tous les canaux digitaux.
Gilles de Richemond rappelle que « Accor est un prestataire de services pour les hôtels. Il y a des franchisés et des propriétaires pour qui, on fait tourner l’hôtel. Il faut donc l’assister dans tous ces enjeux. Et puis, convaincre aussi de nouveaux propriétaires de mettre l’enseigne Accor sur le fronton de l’hôtel. Donc, les enjeux technologiques sont une partie de la différenciation vis-à-vis des clients. »
Présent pendant près de trois ans, la stratégie digitale du groupe s’est mise en place bien avant que Gille de Richemond n’y soit : « Même si c’est assez brutal et rapide, ça s’étale quand même sur un certain temps. » Lorsque la distribution est arrivée, c’était tout nouveau pour le groupe Accor de dévoiler l’offre entière au client sans passer par un appel téléphonique ou par un agent de voyage : « Il y a quand même toute une époque où, pour réserver un hôtel, il fallait téléphoner à l’hôtel, tout simplement. […] La plateformisation du monde, c’est aussi pouvoir accéder à une offre visible, centralisée, qui a ses avantages et ses inconvénients à un seul endroit. Et ça, c’est pour tout le monde de l’hôtellerie. »
Pour ce qui est du sharing, Gilles de Richemond parle de challenge : « Le sharing challenge les hôtels, pas seulement sur le moyen de l’exposer, mais aussi sur la nature de cette offre-là. ». Ce qui est compliqué pour le groupe Accor, c’est le positionnement et la différenciation qu’ont les entreprises du sharing. Mais cela reste stimulant pour Gilles de Richemond.
Ces deux enjeux ont impacté le marché hôtelier mais ne l’ont pas empêché de croître puisque Expedia et Booking distribuent des offres hôtelières et prennent une marge pour leur communication.
La Tech au cœur du business d’Accor ?
Pour Gilles de Richemond, c’est certain, la tech n’est pas l’objet social du groupe Accor. L’objet social est d’accueillir des clients, d’être hôtelier. Il faut juste une nouvelle capacité, de nouvelles compétences pour entrer la tech dans la stratégie initiale du groupe. C’est une réorganisation qui passe par des compétences humaines et techniques, qui n’étaient pas utiles avant. Gilles de Richemond part du principe qu’il faut s’entourer et s’intégrer dans un écosystème. Il prend l’exemple de la distribution : « C’est un enjeu qui oblige à bouger, dans le sens où, on doit être plus ouvert aux besoins de l’écosystème dans lequel on est. C’est-à-dire leur présenter les API, leur présenter le moyen d’utiliser l’offre ou de s’y connecter. […] Cela consiste également à s’intégrer dans les offres des autres. Et ça, c’est un exercice nouveau, ce qui n’est pas très facile. »
Gilles de Richemond est persuadé qu’il est préférable de s’inscrire à un écosystème innovant plutôt que partir dans l’idée qu’on peut tout faire soi-même. Pour lui, penser de cette façon est quelque chose de récent. « Même les techs eux-mêmes avaient tendance à dire « mais ça je sais le faire », « mais moi aussi » sans que personne ne se doute que toi aussi tu sais le faire. » La question pour lui, n’est pas à ce niveau là mais au niveau de « qu’est-ce qu’on va choisir de faire nous-mêmes ? ».
Des choix sont à faire pour chercher à avoir une différenciation sur le marché, savoir s’il faut se fondre sur un outil ou faire refaire son ERP. Face à des entreprises qui ont toujours plus d’idées que de moyens, Gilles de Richemond pense que la difficulté de priorisation est permanente. Et l’enjeu de management est primordial : « Il faut essayer de s’organiser pour saucissonner la priorisation, c’est-à-dire donner une part d’autonomie à ceux qui exécutent un projet pour qu’ils le fassent dans un cadre bien identifié, avec la marge de manœuvre qui va bien pour qu’ils fassent des choix à leur niveau et que, justement, on ne fasse pas une centralisation des choix qui bloque tout. » D’après lui, c’est la partie la plus délicate dans une grosse entreprise.
Les enjeux du recrutement, comment définir son mixte séniors ou juniors ?
L’équipe de Gilles de Richemond comptait environ 600 personnes dont une partie de prestataires. Le recrutement était mixte puisque le groupe cherchait des compétences variées. « Cela fait des équipes mixtes, mais qui restent des équipes homogènes. Dans le modèle, nous sommes avec des prestataires, mais ce sont des prestataires qui restent avec nous pour mener le projet ». Les projets avec des enjeux clés, pour Gilles de Richemond, sont ceux autour de la distribution, de la relation client et du programme de fidélité qui a été refondu car il a été lancé juste avant la crise sanitaire.
Pour lui, la question se pose : Etant donné que l’équipe est déjà grande, que tout évolue avec une grande rapidité, est-ce tous ces facteurs influent le recrutement ? C’est un vrai un sujet de réfléchir à s’il va recruter un sénior qui a déjà une expérience versus un junior qu’il faudra sûrement former. Mais il reste impartial sur le fait qu’il faut « un bon mix puisque si on a un bon Leadtech dans une équipe, il peut tout à fait entraîner avec lui des plus juniors ». Et pour cela, il conseille d’abord de pondérer les compétences déjà présentes avec la disponibilité de chacun.
Pour ce qui est de la concurrence face au GAFA ou au start-up, Gilles de Richemond affirme qu’il n’y en a pas puisqu’ils ont des objectifs différents, que le fonctionnement de l’entreprise est différent et chacun à ses forces et faiblesses. C’est une question de préférence. Il y a une différence entre ce qu’ont à offrir les grandes entreprises et les plus petites.
Dans l’expérience de recrutement qu’a vécu Gille de Richemond pour le groupe Accor, l’objectif était de recruter des prestataires donc, pour lui, il y une différence avec ce qui a été dit plus tôt car c’est un cadre différent. D’après lui, c’est option intéressante de prendre des prestataires car ils ont travaillé pour différentes industries et dans pleins de cadres différents. Il trouve cela enrichissant. Il ne compte plus le nombre d’embauches qu’il a mené lors de ses trois années chez Accor mais il y avait des plans de recrutements de plus de 100 techs avant la crise sanitaire.
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Le rôle central du manager dans le processus de recrutement
Pour Gilles de Richemond, un axe trop souvent sous-estimé dans les organisations c’est le rôle central que doit prendre le manager dans le processus de recrutement, et du temps qu’ils doivent y consacrer « il faut faire mentaliser par les managers que les recrutements ce ne sont pas les RH qui vont les faire ».
Car même si les RH et autres fonctions supports vont aider le manager dans son recrutement, notamment par des actions de visibilités, c’est à lui de maintenir un « flux continu » de visibilité et d’envie de rejoindre l’entreprise, au-delà de besoins ponctuels de recrutement, qui permettra de générer le flux de candidature nécessaire le moment voulu.
Organiser le mouvement des collaborateurs au sein et en dehors de l’organisation
Ce qu’il trouve intéressant et bénéfique à une stratégie de management, c’est de ne pas essayer de retenir, de « fossiliser » les employés et son organisation, et de se concentrer sur la sympathie des projets. De cette façon, l’employé une fois qu’il décidera de partir dans une autre entreprise, il aura tout de même vécu une bonne expérience dans celle-ci. Il ira donc parler de ce retour d’expériences autour de lui, faire du bouche-à-oreille.
« La marque employeur se cultive évidemment par les réseaux sociaux, par tous les moyens digitaux qu’on peut imaginer mais aussi par le bouche-à-oreille. […] Quand une boîte est recommandée par quelqu’un qu’on estime ou qu’on connaît c’est différent que d’aller sur des sites connus lire le pitch de ces boîtes en question. »
C’est pour cette raisons que Gilles de Richemond souhaitait que les projets soient intéressants, que le cadre de travail le soit tout autant, pour que le bouche-à-oreille fonctionne bien. C’est évident que pour lui, les personnes sont attirées par les entreprises qui sont sollicitées, dont ils entendent parler de leurs projets. Cela ne l’empêche tout de même de faire des recrutements classiques, qui pour lui, sont complémentaires au fait de communiquer sur des projets intéressants.
Et il souligne l’importance de ne pas survendre et d’adopter un langage de vérité auprès d’eux, d’être ouvert sur les difficultés même si cela doit rendre plus complexe et long le processus de recrutement.
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Découvrez mardi prochain, le dernier épisode de CIO Revolution dans la saison « Les DSI face à la Guerre des Talents » présenté par Bertran Ruiz, Il reçoit Olivier Colly, DSI du groupe Samsic, pour échanger sur la mutation constante de la DSI et le recrutement qu’a mené ce groupe. Si vous n’avez pas vu les deux premiers épisodes, c’est le moment ! (Re)écoutez l’épisode 1 de cette saison avec Sébastien Louyot de Doctolib sur les conséquences de l’hypercroissance de la plateforme sur son équipe IT Services. Retrouvez également l’épisode 2 avec Jacky Galicher de l’Académie de Normandie et Anthony Hié d’Excelia Group dans lequel ils se sont intéressés au domaine de l’enseignement. Enfin, découvrez l’épisode 3 avec Eric Tinoco, DSI de LittleBIG Connection, une plateforme devenue internationale dû en partie à leur recherche de talents. |