Minalogic n’a pas attendu que le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et la ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie digitale, Fleur Pellerin, décrètent la mobilisation générale des pôles de compétitivité, appelés à devenir des « usines à produits », pour amorcer sa mutation. Nombre de ses projets collaboratifs ont déjà connu des retombées significatives. Quarante-trois d’entre eux ont été finalisés depuis la création de Minalogic. Ils ont débouché sur le dépôt de 148 brevets et généré un chiffre d’affaires cumulé de 95 millions d’euros, et de près de 2 milliards au terme des cinq prochaines années [lire encadré].
Ce bilan prometteur a facilité la signature rapide du nouveau contrat de performance du pôle qui a présenté sa feuille stratégique 3.0 pour les années 2013- 2018, le 4 juillet au World Trade Centre grenoblois. Désormais, il est clairement énoncé par le président Loïc Liétar que les technologies développées en son sein doivent être « plus proches du marché ». Ce qui implique que la labellisation des projets ne sera plus seulement examinée en fonction de critères technologiques, mais aussi en tenant compte de leurs perspectives économiques et commerciales.
Santé, énergie et mobilité en ligne de mire
En d’autres termes, l’objectif est de conquérir de nouvelles parts de marché : « De mieux comprendre les besoins du marché et les usages, d’élargir les débouchés applicatifs, de renforcer les relations d’affaires entre grands groupes intégrateurs, ETI (entreprise de taille intermédiaire) et fournisseurs de technologie, de savoir combiner dans la chaîne de valeur les technologies de la microélectronique et du logiciel, et de les industrialiser. »
Trois marchés sont particulièrement visés : la santé, l’énergie et l’environnement, la mobilité et la connectivité. Dans le domaine de l’e-santé, il s’agit autant que possible d’assurer le suivi des patients à distance plutôt qu’à l’hôpital en associant le traitement de l’information, la communication et différents composants (senseurs, capteurs d’image, gyroscopes), de favoriser la médecine préventive avec de nouveaux systèmes de diagnostic au plus près du patient, de concevoir de nouveaux dispositifs de délivrance de médicaments, de chirurgie augmentée, d’imagerie médicale. En matière d’énergie et d’environnement, l’accent est mis sur l’efficacité énergétique, sur des smart grids et des datacenters économes en énergie. Dans le domaine numérique, les développements s’orienteront vers une convergence des plates-formes, des applications nomades, quel que soit le support (smartphone, tablette, etc.), le calcul haute performance basse consommation.
Une ambition logicielle renforcée
« Nous restons forts sur notre cœur technologique, focalisés sur les solutions miniaturisées intelligentes intégrant le logiciel et les infrastructures de communication nécessaires à la mise en œuvre de telles technologies », résume le délégué général de Minalogic, Jean Chabbal, qui met en avant une plus forte ouverture aux logiciels. Qu’ils soient embarqués, associés directement au cœur des composants électroniques pour assurer leur fonctionnement et leur gestion, ou plus axés métier ou « service client », pour offrir à leur clientèle – industriels ou particuliers – une solution complète avec une plus forte valeur en termes de services relatifs à la programmation de composants électroniques, au traitement de données liées aux capteurs, à l’interface homme-machine, au suivi des consommations énergétiques, etc.
Depuis sa création, Minalogic repose sur la combinaison des micro et nanotechnologies avec les technologies microélectroniques et logicielles. Mais la communauté d’agglomération grenobloise, la Métro, et le conseil général de l’Isère, d’une part, la Région et l’Etat d’autre part, ont souhaité que le pôle engage une réflexion sur le périmètre de son activité logicielle, la plus à même d’apporter une plus-value en articulation avec les autres acteurs régionaux, notamment avec le cluster Edit et le pôle Imaginove. Minalogic définit ainsi le logiciel relevant de sa compétence comme étant « un logiciel qui présente des contraintes telles que son auteur doit se préoccuper du matériel sur lequel il s’exécute ». Qui concerne, en clair, les contraintes de temps de réponse, d’encombrement mémoire, de parallélisation, de sûreté de fonctionnement, contraintes ayant des impacts sur l’implémentation d’un logiciel.
Les ESN (ex-SSII) bienvenues
Un tel périmètre exclut a priori les pure Web players, les acteurs spécialisés dans l’informatique de gestion ou l’informatique transactionnelle, mais il inclut les ESN, les sociétés de services en ingénierie informatique, dès lors que leurs réalisations entrent dans le cadre de la définition énoncée. « La pleine association de la filière logicielle est indispensable afin de permettre à nos smart solutions de se déployer pleinement dans un monde “ultra-connecté” », estime Jean Chabbal. L’intégration de logiciels est vecteur de plus forte croissance. Comme en témoigne Schneider Electric qui intègre davantage de logiciels dans ses produits.
Cap sur le mentoring et le branding
Dans la même optique, Minalogic s’implique dans le programme régional « Ambition logicielle » mis en oeuvre avec l’Inria et qui vise à accélérer la croissance des entreprises du logiciel à fort potentiel, en partenariat avec le cluster Edit, centré sur les logiciels et services, et avec le pôle Imaginove, spécialisé dans les contenus et usages numériques. Déjà associés dans la colabellisation de projets, Imaginove et Minalogic prévoient d’organiser conjointement des événements, project booster, ou journée de travail thématique, pour démultiplier les fertilisations croisées entre leurs adhérents, les apports de ceux d’Imaginove étant particulièrement probants en matière d’interaction homme-machine, d’ergonomie, de technologie de réalité augmentée.
Cette stimulation de la croissance des entreprises dans le cadre du programme « Ambition logicielle » participe du renforcement des dispositifs d’accompagnement des entreprises, axé également sur des transferts technologiques plus rapides et efficaces, sur le rapprochement entre grands groupes et PME et sur la construction de parcours personnalisés. « Nous n’allons pas réinventer ce que d’autres font bien, assure Jean Chabbal, mais utiliser toutes les ressources disponibles de l’écosystème » en matière de formation, de recherche, de financement. Et de mentoring, par l’accompagnement de dirigeants de start-up ou de PME dans leur réflexion stratégique. A l’image de cet ancien patron d’une business unit de Hewlett Packard qui met son expérience au service de patrons d’entreprises en devenir, de la définition de leur projet jusqu’au choix de la structure la mieux adaptée pour se développer.
Accroître la visibilité internationale
Le délégué général du pôle insiste aussi sur la nécessité de mieux qualifier et cibler la relation avec les financeurs : banques, capitaux-risqueurs, Bpifrance). Parce qu’il y a aujourd’hui un vrai problème de financement de la phase de croissance des start-up, leur démarrage se fait souvent a minima. « Il est souvent très difficile de décrocher les moyens nécessaires et suffisants au développement de nouveaux produits », souligne celui qui fut le premier patron de Trixell durant la phase de prototypage et d’industrialisation de ses premiers détecteurs numériques pour l’imagerie médicale, une entreprise iséroise devenue depuis leader mondial de sa spécialité. Pour consolider l’assise financière des sociétés innovantes, il compte en particulier sur la venue de capitaux-risqueurs et de fonds corporate, à l’image de ceux de groupes comme Seb, 3M, Samsung, Bosch ou Sony, invités et présents lors du dernier Forum 4i à Grenoble, dédié au développement et au financement d’entreprises innovantes. Trente-cinq start-up du Sillon alpin avaient été sélectionnées pour présenter leur projet à des venture capitalists.
Autre leitmotiv du nouveau contrat de performance : Minalogic doit accroître sa visibilité au plan mondial, et, plus globalement, celle de l’écosystème grenoblois par une politique de branding plus affirmée. Pour que se reproduise plus régulièrement ce qui est arrivé à un adhérent du pôle qui vient de conclure un marché en Chine après avoir été identifié par une entreprise chinoise sur le site Internet de Minalogic. L’ambition est de projeter les entreprises à l’international. 2013 est l’an I d’un plan de développement qui comprend une promotion internationale plus soutenue, des actions d’accompagnement à l’export, la mise en place de ressources commerciales mutualisées à l’étranger pour les PME du pôle, le développement de l’interclustering européen. Ainsi qu’une coopération engagée en complémentarité avec les clusters de Dresde (Allemagne), Louvain (Belgique) et Eindhoven (Pays-Bas) dans le cadre de Silicon Europe. Une nécessité pour rester dans le peloton de tête mondial.
Le pôle en bref 300 entreprises, dont 80 % de PME, devraient être adhérentes du pôle de compétitivité grenoblois en 2018, qui devrait avoir fait émerger deux ETI de plus de 250 salariés, selon le contrat de performance conclu cette année. 13 000 salariés de 340 entreprises relèvent de l’informatique et du logiciel, hors EDA (Electronic Design Automation) dans l’agglomération grenobloise, 2 000 de la recherche publique en informatique, notamment à l’Inria (650 emplois) et au Laboratoire d’informatique de Grenoble (500 emplois). |
Des réalisations concrètes En partenariat avec Floralis et e2v, la société prévoit de commercialiser entre 400 et 1 500 de ces produits d’ici à 2015. La croissance du chiffre d’affaires cumulé de ce trio devrait se situer entre 8 et 25 millions d’euros et le nombre d’emplois créés de 40 à 150 pour la même période. La nouvelle génération de capteurs inertiels, objet du programme MAX6, a boosté le décollage de Movea. Ce spécialiste de la capture du mouvement travaille aussi bien dans la Silicon Valley que pour Decathlon, Free, la SNCF ou Babolat afin de rendre communicantes les raquettes de tennis du groupe lyonnais et de permettre aux joueurs de connaître en temps réel le nombre de coups droits et de revers réalisés, la vitesse de la balle, etc. Les essais concluants de premiers démonstrateurs dans le domaine de l’électronique organique imprimé, au confluent de l’électronique, de la chimie de spécialité et de l’impression, ont mis sur orbite Isorg (photo). Cette start-up issue du CEA-Liten est la première société au monde de photo-détecteurs de grande surface qui transforment des supports verre ou plastique en surfaces intelligentes, réagissant notamment à des mouvements en 3D. Isorg a décidé d’investir 11 millions d’euros dans une première unité de production de ces capteurs d’image localisée dans l’agglomération grenobloise. |
Cet article est extrait du n°5 d’Alliancy, le mag – Découvrir l’intégralité du magazine