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Portrait – Pierre Barnabé de Bull – Dirigeant du futur

Pierre Barnabé, directeur général délégué chez Bull

Pierre Barnabé a pris, cet été, les fonctions de directeur général délégué chez Bull, auprès de Philippe Vannier, le PDG. Un groupe actionnaire, avec SFR, de Numergy, en charge de la construction du cloud souverain du même nom.

Ils ont gagné une guerre ensemble. Anciens alliés, voilà Philippe Vannier et Pierre Barnabé embarqués dans le même vaisseau. Leur « Blitzkrieg » a donné naissance en six mois à Numergy, une alliance pour un cloud souverain sécurisé, avec l’appui du groupe Caisse des dépôts (CDC) *. Un enjeu national. « Le résultat d’un travail d’équipe au service du pays », dit Pierre Barnabé, avec l’accent de son Gers natal. Un mélange étonnant de fraîcheur et de détermination chez le nouveau patron opérationnel de Bull.

Joli travail : le chiffre d’affaires de Numergy aura triplé l’an prochain, en moins de dix-huit mois. « Le jour de cette signature est un de mes plus beaux souvenirs professionnels. » Pierre Barnabé dirigeait SFR Business Team, la branche entreprise de l’opérateur. Philippe Vannier était le PDG, alors très opérationnel, de Bull.

Les deux hommes s’étaient manqués quand ils travaillaient chez Alcatel dans des divisions éloignées. Ils se sont donc jaugés dans l’aventure Numergy. Puis, les choses se sont faites naturellement. Philippe Vannier, le secret redresseur de Bull, devenu son premier actionnaire, voulait prendre du recul. Il séduit Barnabé. « Philippe combine, ce qui est rare, les qualités d’un entrepreneur rigoureux et celles d’un ingénieur passionné par la techno. Et il a un vrai sens humain. » D’autant que SFR, son ancienne société, n’était plus très sûre de son avenir dans la galaxie un peu compliquée de Vivendi.

La proposition en main, Pierre Barnabé fonce tel un rugbyman du Sud-Ouest. « Bull est une marque extraordinaire, présente dans l’inconscient collectif européen. » Le voilà numéro 2 d’un acteur mythique de l’informatique française en passe de réussir sa mue après une longue histoire de (quelques) hauts et de (nombreux) bas. « Philippe se concentre sur les projets de croissance et la stratégie du groupe. Je manage le comité exécutif. Et nous formons un trio avec John Selman, le CFO [directeur financier, ndlr]. »

 

Snowden : le coup de pub inattendu
Bull, c’est aujourd’hui 1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires (27 % dans le secteur public) et 9 300 salariés dans plus de 50 pays… Des chiffres pas négligeables pour un revenant. Le groupe doit poursuivre son repositionnement dans un univers qui change d’une année sur l’autre. Gérer et valoriser les données des entreprises publiques et privées, tel est le « motto » de Bull qui veut se positionner de plus en plus sur la sécurité, un peu la tarte à la crème du moment.

Barnabé a eu de la chance. Son arrivée coïncide avec deux tendances lourdes. D’abord l’explosion des données, ce que tout le monde appelle les big data : « On ne savait pas ce que l’on ne savait pas. On saura ce qu’on n’imaginait pas. Nous passons du What au Why. Le taux d’erreurs va diminuer. » Autre tendance : l’impératif absolu de sécurité des systèmes d’information. L’affaire Snowden n’avait pas éclaté quand il a signé pour Bull. Plus que jamais, mieux vaut stocker – et plus encore protéger ! – ses données sur le sol français ou européen.

Le groupe se décrit à travers quatre métiers, à la fois distincts et entremêlés : la fameuse « coopétition » où le concurrent d’un côté est partenaire de l’autre : valoriser les données, les traiter et les analyser (le fameux calcul), les stocker et les sécuriser. Bull a toujours eu pour vocation de gérer des énormes flux, à travers les supercalculateurs. Il est le « Dernier des Mohicans » européen dans un métier dominé par les américains HP et IBM, expert pour construire des infrastructures informatiques de nouvelle génération, héberger et opérer. A charge d’y mettre désormais le plus de valeur ajoutée. Le groupe intègre des applications de tiers, en assure la maintenance.

Mais Bull se veut surtout expert de la sécurité des entreprises, un métier qui requiert une expertise à la fois du hard et du soft. Un produit spectaculaire résume cette ambition : un smartphone sécurisé, le Hoox, avec des « chipset » maison, protégé par empreinte cryptographique, qui sera vendu environ 2 000 euros. « La sécurité va devenir notre marque de fabrique partout. Nous devenons un expert de la gouvernance des données. » Pierre Barnabé aime son pays, qu’il sert en dirigeant Bull : « J’aime le côté rebelle des Français. Mais il faut le canaliser : c’est une valeur qui peut être créatrice ou destructrice. » Il est à la fois passionné et soigneusement maîtrisé. Il parle beaucoup, mais en dit peu sur lui-même : deux enfants, le goût du marathon, une vie de famille équilibrée. « J’ai un process management serré, mais j’aime l’aventure collective humaine. Susciter un collectif tendu vers des objectifs pour obtenir des résultats. Même chez Alcatel où c’était très tendu, on peut créer des liens par un projet partagé. Et le collectif doit retrouver ses valeurs incarnées dans les leaders. » Un patron normal : Pierre Barnabé serait presque une sorte d’extraterrestre. Ou bien l’incarnation des managers de demain.

 

* Le capital de Numergy est détenu à 46,7 % par SFR, 33,3 % par CDC et 20 % par Bull.

 

 Cet article est extrait du n°6 d’Alliancy, le mag – Découvrir l’intégralité du magazine

Photo : Olivier Roux pour Alliancy, le mag

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