L’association patronale Croissance Plus, qui regroupe quelque 400 entreprises de forte croissance, vient d’élire à sa tête et pour deux ans Stanislas de Bentzmann, le coprésident et fondateur de l’ESN Devoteam. Un passionné de l’entreprise, prêt à en découdre.
Une chose est sûre, Stanislas de Bentzmann ne sera pas un président de Croissance Plus à la langue de bois. A peine élu, il se paie la pauvre Sylvia Pinel, ministre du Commerce et de l’Artisanat. A l’Université d’été du Medef, il stigmatise le « divorce complet » entre le gouvernement et les chefs d’entreprise. Et raille les ministres fiers de ne jamais avoir investi dans des actions : « Nous avons les meilleurs spécialistes du placement sans risque ! Aucun n’a misé un euro dans une entreprise pour créer de l’emploi. » Il faut que les politiques prennent garde à cet ancien champion de judo !
La qualité numéro 1 d’un judoka est de savoir anticiper avec sang-froid les réactions de son adversaire. « Je me mets rarement en colère. En réalité, je suis calme, mais dans l’énergie », dit-il avec un air de Darry Cowl. Le président de Croissance Plus veut être un « militant » de l’entreprise : « Quand on est chef d’entreprise et Français, on ne peut être qu’abasourdi par le fossé entre la vie de l’entreprise et la perception qu’en ont les élites politiques ou la vision qu’en donnent les médias. Je ne fais pas ça pour me distraire de mon groupe. Mais pour mieux transmettre ma passion de l’entreprise. »
Son groupe, Devoteam, est devenu depuis sa création, en 1996, un acteur de poids des ESN (entreprises de services du numérique). Spécialiste des infrastructures et des systèmes de télécoms, il offre des expertises pointues pour des architectures de grande taille qui doivent assurer de front sécurité, rationalisation et performance. L’entreprise est organisée en deux pôles : un pôle conseil (pour l’organisation) et un pôle solutions (pour l’intégration des systèmes).
En dix-sept ans, Devoteam a tout connu des montagnes russes du numérique. La croissance rapide, l’euphorie portée par la folie Internet, le passage à l’an 2000 et la Bourse où la société est entrée très tôt (60 % de flottant aujourd’hui) : « La Bourse, c’est important, mais ça doit rester à sa place. Ça permet de lever des fonds. Ça donne un effet richesse, y compris pour les salariés, une grosse caisse de résonance. Mais c’est secondaire par rapport au projet industriel. »
Visionnaire technophile
Chez Devoteam, on vit tout de même aux premières loges les bulles et leur éclatement. Premier choc en 2000-2001, violent. Autre traumatisme, celui-là inventé par les Français : les 35 heures qui fragilisent le business model : « Pour nous, c’est – 10 % en chiffre d’affaires et – 30 % en profit. » En 2009, nouvelle crise globale : un bouleversement structurel du modèle, une accélération de la transformation des usages, entre cloud et mobilité. Des opportunités, mais aussi ce que Stanislas de Bentzmann appelle pudiquement « un environnement économique très compliqué ». Devoteam se coupe un gros bras : « Quand il y a un incendie, vous ne refaites pas le plafond. »
Le fruit d’un travail collectif mené en 2005 : « Nous étions déjà 2 500. Toute organisation fabrique sa culture. Il faut nourrir les salariés avec un projet et les aider à partager une passion professionnelle. Et formaliser certaines choses : le respect est une valeur universelle. Tout cela se transmet dans les comportements managériaux. Regardez le nombre d’énarques malheureux dans certains ministères qui ne savent pas pourquoi ils travaillent. Nous, nous avons la passion de construire une aventure humaine, d’aller à l’international. Et la technologie est passionnante ! »
Dans ses valeurs personnelles, le patron assume son goût pour la réussite financière. « Oui, c’est un des moteurs de ma vie. Ce n’est pas un but en soi, mais cela donne le levier pour faire bouger les choses : être mécène de Beaubourg comme nous le sommes, soutenir des start-up ou des projets de membres de ma famille. L’argent, c’est l’outil d’une ambition. »
Cet homme que certains, dans son entreprise, peuvent trouver froid, veut porter cette passion à Croissance Plus. « Nous devons devenir encore plus un acteur crédible dans la communication et le lobbying de l’entreprise. L’entreprise est un levier d’ascension sociale et de création de richesse. On esquinte ce levier. Il faut montrer comment cette aventure humaine peut être passionnante. Un regard positif sur l’entreprise peut rassembler les Français. »
Cet article est extrait du n°5 d’Alliancy, le mag – Découvrir l’intégralité du magazine
Photo : Gilles Vautier pour Alliancy, le mag