Alliancy

Pour attirer les développeurs, le secteur public peut-il gagner en agilité et montrer son potentiel d’innovation ?

Cet article fait partie de l’enquête spéciale d’Alliancy
« Pour préparer le monde de demain, le secteur public sait-il séduire les développeurs ? »
réalisée en amont de l’édition 2025 du Master Dev France, dont Alliancy est partenaire. Vous souhaitez témoigner de votre expérience sur la question ?
Répondez à notre appel à témoignage.

 

La mue digitale des organisations et de nombreux volets de notre vie administrative (renouvellement de passeport, paiement des péages autoroutiers en flux libre, transmission des bulletin de paye via des coffres-forts numériques, etc.) s’accélère. A cet égard, entreprises publiques et privées sont logées à la même enseigne mais ne se battent pas toujours avec les mêmes armes, notamment en matière de rémunération, quand il leur faut étoffer les rangs de leurs équipes de développeurs.

Le niveau de rémunération : une faiblesse certes mais pas rédhibitoire !



En 2019, un référentiel de rémunération des 55 métiers de la filière numérique a été élaboré conjointement par la direction interministérielle du numérique (DINUM) la direction générale de l’administration et des finances publiques (DGAFP) et la direction du budget (DB), en lien avec les acteurs RH et SI de la filière numérique. Il définit des valeurs de salaires sur l’ensemble des métiers de la filière numérique, avec des fourchettes basses et hautes, en fonction du métier et de l’expérience de chaque candidat ou agent déjà en place. Il est par ailleurs applicable à l’ensemble des administrations étatiques.

Le document nous apprend que la fourchette de rémunération d’un développeur ayant moins de 5 ans d’expérience, par exemple, est comprise entre 44,2 à 57,2 K€ (voir tableau). Dans une circulaire du 3 janvier 2024, Elisabeth Borne, alors à Matignon, préconisait la primo-CDIsation pour les métiers les plus en tension afin de « renforcer drastiquement l’attractivité de la filière numérique de l’Etat et répondre à l’enjeu de fidélisation des agents et de souveraineté numérique ». Dans la même circulaire, les organismes publics de l’Etat ont été invités par le Premier ministre « à adapter leur cadre de gestion à celui du présent référentiel interministériel ».



En comparaison, dans le secteur privé, la théorie veut que les salaires augmentent de 2 000 à 4 000 € annuel brut par année d’expérience pour les développeurs, si l’on en croit le site Licorne Society. Un développeur confirmé, fort de deux à trois ans d’expérience en CDI peut ainsi prétendre percevoir un salaire brut compris entre 45 et 55 k€/an, indique, sur son blog, la société spécialisée dans le recrutement en startup, scale-up et dans la Tech. Les caisses de l’Etat étant vides, loi de finances spéciale oblige, la problématique actuelle de certaines structures publiques n’est pas de trouver les moyens de s’aligner avec le privé mais tout simplement de continuer de recruter !

Si le niveau de rémunération sur des métiers déjà en tension, comme celui de développeur, constitue un point faible pour les recruteurs du secteur public, « la possibilité d’avoir un impact concret tout en s’impliquant dans un projet porteur de sens motive les développeurs sur le marché de l’emploi ou à l’écoute de nouvelles opportunités » souligne Julien Broue, cofondateur d’Easy Partner, cabinet spécialisé dans le recrutement IT, l’assistance technique et la formation. Nombre d’entre eux souhaitent, toutes générations confondues, prendre part à des projets à la dimension citoyenne – voire souveraine – affirmée.

Les exemples en l’occurrence ne manquent pas. On peut citer ainsi « Albert », le grand modèle de langage (LLM) lancé par l’Etalab de la Direction interministérielle du numérique (DINUM) en avril 2024 pour mettre à disposition des agents de la fonction publique des modèles d’IA générative. Citons encore les projets d’intérêt commun du programme 10%. Porté par l’Insee et la DINUM, il permet à ses participants, des experts publics de la donnée et de l’IA de l’Etat, de consacrer 10 % de leur temps de travail à des projets d’intérêt général, tout en développant leurs compétences et en partageant leurs pratiques. Dans le cadre de la Saison 3, le projet Cartiflette visait à fluidifier l’acquisition des contours géographiques officiels de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) avec des métadonnées de l’INSEE.

Le secteur public doit montrer ses muscles…cérébraux

 

« Avoir une idée précise des projets à mener et du périmètre sur lequel déployer sa créativité est essentiel pour capter et retenir l’attention d’un développeur IT intéressé par une offre d’emploi. La sphère publique doit plus communiquer sur sa capacité d’innovation. Un développeur veut savoir s’il va pouvoir tester des choses, aller vite », analyse Julien Broue. En bref, les entreprises publiques doivent se donner les moyens de leurs ambitions en travaillant leur agilité et en simplifiant et accélérant leurs processus d’embauche. « Un jeune développeur s’attend à travailler avec Slack et Notion pas avec Word et Excel. Il ne regardera pas une offre d’emploi ne répondant pas à ces standards minimaux », prévient Francis Lelong, CEO d’Alegria, société spécialisée dans le no-code, une compétence en forte demande, tous secteurs confondus.

Master Dev France 2025 : la volonté de rassembler un écosystème

 

Les développeurs et développeuses occupent une place importante dans la Tech française. L’ambition de Docaposte avec le Master Dev France, créé en 2013 sous le nom de « Meilleur Développeur de France », est d’élargir la portée de cette compétition aux enjeux de la communauté et de l’écosystème de la Tech  française dans son ensemble. « Cette année, nous repositionnons l’événement autour du sujet de l’intelligence artificielle. Une IA, qui, selon Docaposte, est une technologie qui ne peut pas exister sans l’humain », souligne Smara Lungu, directrice stratégie, communication, marketing et relations institutionnelles chez Docaposte, filiale du groupe La Poste. Suspense ! Les noms des intervenants sont peu à peu divulgués. Jean-Gabriel Ganascia, chercheur et président du comité éthique du CNRS, tentera ainsi de répondre à une question qui taraude bien des esprits : « Les IA sont-elles éthiques ? »

Opposer secteurs privé et public serait une erreur selon elle. « Une même vision partenariale lie ces deux mondes » Les process dans la sphère publique ne souffrent-ils pas d’une certaine lourdeur ? « L’agilité des acteurs publics est une réalité. L’Etat a une vraie volonté d’agir pour la renforcer », affirme-t-elle. L’attractivité du secteur public n’est pas non plus qu’une question de chiffres en bas d’une fiche de paie. « Les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus pilotés que par le salaire. Ils veulent du sens, des valeurs et un parcours de carrière motivant », assure-t-elle.

Autre préoccupation clé de Docaposte et du groupe La Poste : l’autonomie stratégique et les sujets de confiance numérique. « C’est une conviction très forte au cœur du plan stratégique du groupe La Poste : ces sujet sont clés pour le développement de notre société et des territoires », conclut-elle. Le sujet devrait donc être sur la table le 12 mars aussi.

Quitter la version mobile