Projets IA : un manifeste pour plus de dialogue social 

 

Porté par l’IRES et soutenu par plusieurs organisations syndicales et professionnelles, le projet « Dial-IA » explore le rôle essentiel du dialogue social dans l’intégration de l’intelligence artificielle au sein des entreprises et administrations. Après 18 mois d’échanges, un manifeste commun a été rédigé, insistant sur l’importance d’une collaboration dès l’amont des projets d’IA pour garantir des usages éthiques et un partage équitable de la valeur créée. 

 

Du fait même des impacts organisationnels majeurs et de l’incertitude qui accompagnent le déploiement des projets d’IA, les représentants du personnel et le dialogue social ont un rôle majeur à jouer. Telle est en tout cas la vision de quatre organisations syndicales nationales et interprofessionnelles (CFDT, CFE-CGC, FO-CADRES et UGICT-CGT) et d’organisations aussi diverses que l’UNAPL, Solidaires Finances Publiques, CINOV DIGITAL, CGT Santé Action Sociale, FEC FO (section Pôle Emploi), FBA CFDT, FCE CFDT, Interco CFDT, UFFA CFDT, CFDT HDF, F3C CFDT, CFE-CGC Métallurgie et CFTC Média+. À travers un projet baptisé « Dial-IA » (DIAloguer sur l’IA), porté et coordonné par l’IRES (Institut de Recherches Économiques et Sociales), une cinquantaine de personnes ont échangé pendant plus de 18 mois pour faire émerger une « grammaire commune » de leur appréhension des spécificités de l’IA comme objet socio-technique impactant le monde du travail. Elles ont aussi œuvré à prendre la mesure du levier puissant qu’offre le dialogue social technologique pour exploiter pleinement les opportunités du déploiement de l’IA dans les organisations, et concevoir des outils et leviers pour accompagner et favoriser le déploiement opérationnel de ce dialogue social technologique.

 

Impliquer l’ensemble des parties prenantes du dialogue social dès l’amont

 

Leurs travaux ont débouché sur la rédaction d’un manifeste commun pour un dialogue social au service des bons usages de l’IA. Les participants au projet ont porté la conviction que les systèmes d’IA ne sont pas des technologies « finies » quand ils rentrent dans une entreprise ou une administration. Ils ont des impacts organisationnels potentiellement majeurs, et, pour certains, inédits. Il en résulte fondamentalement que les impacts d’un système d’intelligence artificielle ne sont pas « prédéterminés » et dépendent crucialement des conditions de déploiement, des règles métiers qui seront appliquées, de l’’interfaçage avec l’organisation du travail. Les participants au projet Dial-IA ont également porté la conviction que l’implication de l’ensemble des parties prenantes du dialogue social, dès l’amont, et tout au long du « cycle de vie » du projet, est une condition essentielle de sa réussite, et que parler collectivement d’IA dans l’entreprise ou l’administration est crucial tant les impacts sur l’organisation du travail et sur les métiers peuvent être forts. Ils ont été confortés dans cette conviction par les études, désormais nombreuses, qui mettent en évidence le fait que la consultation des représentants des travailleurs conduit à de meilleures performances économiques et à de meilleures conditions de travail en cas de déploiement de systèmes d’intelligence artificielle.

 

Un partage de la valeur créée dans les organisations

 

« La création de valeur, tant économique que sociétale, permise par l’IA est potentiellement de grande ampleur. Pour être pleinement effective, cette création de valeur doit prendre en compte l’impact des changements induits par l’IA sur le travail. Car c’est d’abord au travers de la transformation des activités, des qualifications, des organisations, des manières de travailler que cette valeur se crée dans les organisations. La part conséquente des gains de productivité permise par l’IA doit garantir un partage équitable de ces avantages entre travail et capital », affirment les auteurs dans le manifeste. Ces derniers soulignent néanmoins que, pour l’heure, « en ce qui concerne le partage de cette valeur créée, ce sont surtout les fournisseurs d’IA et ceux qui collectent et valorisent les données qui en tirent le bénéfice économique. Le risque est également fort de voir cette valeur captée par quelques acteurs dominants. Les moyens des utilisateurs, notamment les TPE/PME, que ce soit au niveau d’un secteur ou d’une filière, pour exploiter et tirer tous les bénéfices de l’IA, sont très inégaux. Il en va de même dans l’administration ».

Les auteurs du manifeste appellent donc à un partage de la valeur créée dans les entreprises et organisations qui recourent à l’IA. « Il est indispensable de réduire et limiter les asymétries entre les acteurs et les parties prenantes de la transformation permise par l’IA. L’intelligence artificielle, comme toute autre technologie, ne peut avoir comme seule finalité la rationalisation économique. L’IA ne doit pas être cantonnée à des stratégies visant uniquement à la productivité ou la réduction des coûts. Il faut s’assurer de règles loyales d’affaire. Il faut pouvoir garantir qu’elle pourra contribuer à produire des solutions technologiques au service de l’intérêt général. Il faut permettre l’émergence de produits alternatifs, respectueux des droits de la protection des données, des droits fondamentaux et d’une déontologie garantissant que l’humain prend toujours la décision in fine ». 

 

Une boîte à outils pour tous les acteurs susceptibles de s’emparer de ces sujets 

 

Pour répondre aux partis pris et permettre au dialogue social technologique de se déployer, l’outil Dial-IA met par ailleurs à disposition de tous les acteurs susceptibles de s’emparer de ces sujets en entreprise ou dans une administration des ressources pour équiper les acteurs et les aider à développer un dialogue social technologique, ainsi que des outils opérationnels « prêt à l’emploi » pour permettre aux acteurs du dialogue social de déployer un dialogue social technologique itératif à même de tirer le meilleur parti des potentialités de l’IA dans les entreprises et les administrations.  

Au carrefour des potentialités ouvertes par le règlement européen sur l’IA, le RGPD, le code du travail, et deux accords-cadres européens, c’est donc un cadre de réflexion co-construit par une large communauté de participants, qui a permis de déboucher, in fine, sur l’outil Dial-IA.