Ce ne sont pas ses 70 printemps qui freinent la RATP ! La maison-mère des transports parisiens innove à tous les niveaux dans un monde où l’on ne parle plus de transport, mais de mobilité partagée dans la ville, et dans lequel la concurrence se fait de plus en plus féroce.
Catherine Guillouard, PDG de la RATP, était entourée de toute son équipe rapprochée en ce premier « Media Day », organisé dans son hub d’open innovation parisien Urbanopolis, situé près de la Gare de Lyon, en ce vendredi 19 octobre.
Ce fut certes l’occasion de présenter la nouvelle stratégie de marque du groupe autour de RATP Group (Travel Retail, Real Estate, Smart System…), mais surtout une armée de projets en vue de l’ouverture prochaine à la concurrence de ses marchés (les bus en 2024).
« La part urbaine de la population mondiale passera de 50 % en 2025 à 70 % en 2050. En 2030, 35 % des voyages devraient se réaliser dans un véhicule partagé, soit un marché évalué à quelque 1 300 milliards d’euros », a rappelé la dirigeante en préambule.
Le groupe doit donc se mettre en ordre de bataille pour tenir en bonne place sur ces deux marchés porteurs que sont la mobilité et le transport partagé. Ce qui implique de nouvelles solutions de mobilité, flexibles et sans couture, intégrant de plus en plus le numérique. La PDG tient surtout à développer les forces de son groupe (La RATP est déjà champion mondial dans de nombreux secteurs), que ce soit dans la gestion d’infrastructure, la construction de nouvelles lignes (30 km sont en cours de construction) ou la valorisation immobilière et patrimoniale…
Mais, qu’on ne s’y trompe pas : le groupe est d’ores et déjà international, avec une présence dans 14 pays répartis sur 4 continents. Un aspect qui va continuer à se renforcer : RATP Dev, la filiale dédiée aux métropoles régionales et à l’international, vise à doubler son chiffre d’affaires d’ici à 2022, à plus de 2 milliards d’euros. Le groupe vise en effet à devenir un leader MONDIAL de la mobilité urbaine, durable et connectée et s’imposer comme le partenaire privilégié des villes. En 2015, le groupe compte atteindre 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires (contre 5,5 milliards aujourd’hui), dont un tiers hors Ile-de-France.
L’expérience client au cœur des préoccupations
Cette stratégie s’appuie d’ores et déjà sur quatre grands programmes de transformation, que sont l’expérience client (« nous souhaitons devenir une entreprise customer centric d’ici trois à quatre ans ») ; les nouvelles technologies ; la compétitivité et la gouvernance. « Nous sommes dans un secteur en pleine révolution technologique », a-t-elle rappelé, avec l’explosion de l’électrique, de l’électrique-hydrogène… mais aussi de l’intelligence artificielle. « Le marché pour les systèmes avancés d’aide à la conduite pourrait atteindre 35 milliards de dollars en 2021. La maintenance prédictive permettra alors des gains de 30 % sur les coûts de maintenance, une baisse de 75 % des pannes… Ce qui aboutira à un accroissement de 45 % de la disponibilité des matériels ».
Concernant l’expérience clients, Hiba Fares directrice en charge du pôle Expérience clients, marketing et services, est revenu sur l’importance pour le groupe d’écouter au plus près ses voyageurs à travers de nombreuses études. « Nous comptabilisons 12 millions de voyages par jour sur notre réseau en Ile-de-France, dont 10 % de touristes. Chaque année, 60 000 voyageurs sont interrogés sur leurs attentes et 35 000 voyageurs mystères par an se déplacent sur notre réseau avec une liste de critères à analyser. »
Si le taux de satisfaction des clients atteint les 81,4 %, le groupe souhaite tout de même passer à un autre stade : « De référence, nous voulons être une préférence ! Notre clientèle a un très large spectre d’attentes et de besoins, mais avec un socle commun : l’information voyageurs et la relation humaine », poursuit-elle.
Pour une information de plus grande qualité, RATP Chatbot sur Facebook Messenger, Alexa X RATP ou WeChat RATP (en mandarin) sont mis au service des voyageurs, en plus des 2 700 agents mobilisés tous les jours dans les 368 points de contact du réseau… « 3 100 écrans donnent de l’info continue et en temps réel sur l’état du réseau », précise Hiba Fares.
Par ailleurs, le groupe vient de lancer également l’achat de titre de transport avec le smartphone (Android pour commencer, IOS en 2019 !), et la nouvelle appli RATP (visitée par 8 millions de personnes chaque mois) sera disponible dès janvier prochain, avec l’intégration de nouveaux modes de transport (trottinettes, vélos électriques…), mais aussi musique, lecture, infos, vidéos, localisation des commerces dans les différents espaces, culture… Le groupe compte également expérimenter prochainement de nouveaux comptoirs d’accueil et un service de retrait de colis.
Pour avancer plus vite sur tous ces sujets, le groupe renforce son innovation interne et collaborative (lire encadré sur Urbanopolis) et compte dupliquer et industrialiser les bonnes idées, repérées et développées partout dans le monde. « En Italie, notre société de bus autour de Rome a mis en place une application pour les enfants pour suivre le trajet entre parents et enfants (quand et où descend l’enfant) », illustre Hiba Fares.
Catherine Guillouard a terminé par la présentation du Projet Smart : « Nous allons nous appuyer sur nos jeunes talents pour explorer les pistes de croissance pour le groupe ». La direction a ainsi fait plancher start-up et grands groupes français (Suez, Engie, Banque Populaire…) sur des pistes de croissance par rapport à ses savoir-faire existants. Treize pistes ont été arrêtées, notamment dans le travel retail, la transition énergétique ou la valorisation des données. « Nous souhaitons travailler sur un temps court, environ six mois sur chacun de ces projets, tous challengés par le Top 100 du groupe, explique la PDG. La cinquantaine de personnes mobilisées y consacre 20 % de son temps. Ce sont toutes des idées réalisables à horizon 2025. »
Par cette initiative, le groupe souhaite surtout casser les silos, sortir de ses process traditionnels et élargir son horizon tout en s’appuyant sur son cœur de métier « Je porte le programme avec le Comex, conclut la dirigeante. Il faut créer une communauté porteuse du changement dans la maison. »
Au printemps dernier, la RATP avait présenté son projet « Diapason » aux organisations syndicales, qui anticipe la suppression d’environ 1 100 postes dans les fonctions support (RH, achats, informatique…) entre 2018 et 2024. Objectif : gagner de 2,5 à 2,7 % par an de productivité en vue de l’ouverture à la concurrence du marché des autobus en Ile-de-France (à partir de 2025). Selon la direction, il s’agit d’un plan de performance classique, sur sept ans, sans licenciement, afin de diminuer le poids des fonctions support qui représentent 20 % des dépenses totales de l’entreprise (environ 15 % chez les concurrents).
Chiffres clés de la RATP
- 16 millions de voyages par jour
- Près de 5 milliards de voyages par an, dont 1,5 milliard hors Ile-de-France
- Huit modes de transport différents (bus, tram, câble, métro, rail, téléphérique, navettes fluviales…)
- 61000 collaborateurs (213 métiers), à 80% en France
- 5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017
- 1,6 milliard d’investissements (3000 projets/2000 ingénieurs)
De l’innovation ouverte… et un fonds d’investissement
Via Urbanopolis, le réseau des lieux d’innovation du groupe RATP, vise à innover et à capter rapidement les meilleures idées au sein du groupe RATP. Fédéré par le Hub situé à la Maison de la RATP à Paris, Urbanopolis s’appuie sur cinq autres lieux d’innovation en France et au Maroc : l’Atelier (Val de Fontenay) ; la Fabrique (Paris/métro République) ; la Factory (Noisy-le-Grand) ; Casaroc (Casablanca) et la Plateforme (Noisy le Grand).
Le fonds d’investissement (RATP Capital Innovation) est dédié aux TPE, PME et start-up. Il a déjà investi dans Cityscoot (leader du scooter en libre-service) ; Klaxit (Ex-WayzUp), plateforme communautaire de covoiturage domicile-travail ; Communauto au Canada et à Paris (auto-partage) ; CityZen Mobility (réseau de Chauffeurs Compagnons privé pour accompagner les sorties de personnes âgées/fragiles). Il est également présent dans Paris-Saclay Seed Fund, un autre fonds commun à une dizaine de grands groupes et géré par Partech Ventures, pour soutenir l’écosystème entrepreneurial de l’Université Paris-Saclay.
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