[Edito] Quel sera le leadership des acteurs du numérique pour offrir un avenir sans éco-anxiété ?

« Make a better place for us ». C’est sur ces paroles chantées par la jeune entrepreneuse et artiste-compositrice Sarah Abad que se sont achevées les interventions de la Summer Party de Numeum, le syndicat des acteurs du numérique. Mercredi 28 mai, la jeune femme de 23 ans a ainsi donné de la voix et joué en live au piano, devant une audience qui lui a offert une standing ovation pour son morceau, présenté peu de temps auparavant lors du Festival de Cannes. Cet « hymne d’espoir », tel qu’elle l’a présenté, est consacré au phénomène d’éco-anxiété de plus en plus présent au sein de la jeunesse et à l’idée que la nouvelle génération ne doit pas se résoudre à la fatalité pour pouvoir changer le monde. 

C’est ainsi un air bien différent qu’a insufflé Numeum face à un public dense de professionnels du numérique, qui avaient bravé la pluie diluvienne pour assister à la fête organisée Porte de Versailles. Si l’été n’était pas au rendez-vous, les invités ont pu constater le changement de style impulsé par l’équipe du syndicat. Et en particulier par sa présidente nommée à l’été 2023, Véronique Torner, qui porte une attention très forte au numérique responsable et à l’engagement éthique des spécialistes du numérique. En début d’année, Numeum a, par exemple, dévoilé la transformation de sa commission « Femmes du Numérique » en un nouveau programme, « NOVA in Tech », présidé par Maÿlis Staub, pour faire bouger les lignes et briser le plafond de verre des 29 % d’effectifs féminins dans le secteur du numérique français. Autant de partis pris qui se sont également retrouvés dans les prises de parole qui ont rythmé l’ouverture de la Summer Party. 

« Nous voulions des invités qui parlent de nos enjeux, mais avec leurs propres mots et leurs propres expériences », a résumé la présidente, en soulignant l’intérêt de se nourrir « d’autres angles » que ceux auxquels pouvait être habitué le public. Outre le numérique responsable, l’accent a ainsi été mis sur les dynamiques en région, afin de contrebalancer le reproche régulier d’un écosystème numérique au trop fort tropisme parisien. Une nécessité alors que l’annonce récente du Next 40/French Tech 120 a largement creusé l’écart entre l’Île-de-France et le reste de l’Hexagone. 

Il est pourtant clé de donner la possibilité au numérique d’être vu comme accessible à tous, plutôt que comme un ressort élitiste dont ne s’emparent que ceux qui font déjà la course en tête. C’est un enjeu majeur pour donner effectivement envie à une jeunesse inquiète de croire en un avenir incluant un numérique au service de ses aspirations plutôt qu’antagoniste. Mais il y a également un enjeu très prosaïque pour l’écosystème, afin de permettre l’émergence des talents de demain et leur recrutement par les acteurs de l’économie. « Nous voulons créer une force collective. Nous avons envie de vous entendre pour construire les futurs compétences », a par exemple témoigné Khalil Khater, président fondateur du groupe Accelis, dont les activités vont de l’hôtellerie-restauration à l’éducation, en passant par l’innovation numérique avec sa H-Tech Valley.  

Avec ce projet, dont le déploiement durera jusqu’en 2028 mais qui s’appuie déjà sur l’École 89 à Marne-la-Vallée, l’entrepreneur assume ainsi vouloir provoquer de la « découverte » chez des personnes d’origine variée, afin de pouvoir leur donner le goût du numérique et de les conduire, peut-être, jusqu’à la création d’une start-up. « Gardez en tête que si depuis Paris, le 77 (le département de Seine-et-Marne, NDLR) paraît tout proche, pour beaucoup de ses habitants la capitale peut, au contraire, être très éloignée », a-t-il mis en avant. 

La démultiplication d’initiatives d’inspiration, d’inclusion et de responsabilisation ne se fera pas sans l’engagement de dirigeants du numérique pour en porter l’influence. Numeum l’a bien compris en insistant depuis des mois sur les enjeux du numérique responsable auprès de ses membres, au-delà de la traditionnelle mission « business » du syndicat. C’était aussi le message, le 28 mai, de Myriam Maestroni, ancienne responsable de l’industrie des hydrocarbures, et désormais présidente du fonds E5T spécialisé dans le développement durable et la transition énergétique.  

Invitée à présenter son parcours et son initiative « 100 leaders pour la planète », elle a reconnu que des actions décisives sur les quatre piliers du nouveau paradigme éco-énergétique à créer (décorrélation de la croissance et de l’impact carbone ; économie circulaire et régénérative ; décentralisation territoriale ; nouvelle « renaissance » technologique avec l’IA et le quantique) ne pourront être menées « qu’avec du leadership ». Espérons que les principaux dirigeants du numérique en France réunis pour l’occasion l’aient entendu et montrent l’exemple.