La néo-assurance Luko a beau être apparue sur le marché il y a tout juste quatre ans, elle enchaîne les succès, même pendant la crise. En 2018, elle lève 2 millions d’euros. Puis, 20 millions d’euros en 2019. Et, enfin, 50 millions d’euros en décembre 2020. Alliancy s’est entretenu avec son co-fondateur Raphaël Vullierme pour identifier ses objectifs à venir. L’occasion également d’évoquer la nature de leur dernier partenariat d’envergure signé avec Airbnb le 29 avril dernier.
Alliancy. En décembre dernier, vous avez levé 50 millions d’euros et recruter 60 nouveaux collaborateurs. La crise a eu peu d’effets négatifs sur votre activité…
Raphaël Vullierme. Globalement, la crise sanitaire a accéléré la digitalisation de l’économie : il y a une tendance de fond en cours qui favorise notre propre modèle, quand bien même le confinement signifie moins de déménagements. Le fait est que les mouvements de marché nous impactent assez peu. Malgré cette baisse de la demande, notre forte croissance a permis de résister au changement. Nous sommes encore un petit acteur de la néo-assurance, mais qui a réussi à multiplier sa taille par six pendant la crise.
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En fin de compte, la crise a bien accéléré notre croissance car les Français se rendent de plus en plus compte que les services d’assurance sont bien meilleurs en ligne.
Qu’allez-vous faire de ces fonds ?
Raphaël Vullierme. Nous souhaitons proposer encore plus de services pour simplifier la gestion de son logement. Nous nous sommes fixés trois objectifs cette année : entrer dans le top 10 des assureurs français d’une part, renforcer notre offre en termes d’ homecare d’autre part, notamment à l’image de DR House, une nouvelle solution de suivi, de monitoring et de maintenance du logement avec des services intégrés. Enfin, l’idée est aussi de réussir l’implémentation de nos solutions pour préparer notre déploiement à l’international.
Nous comptons sur notre écosystème pour atteindre ces objectifs : nous avons plus de 220 partenaires à ce jour et nous poursuivons cette démarche avec notamment l’officialisation récente d’un partenariat avec l’acteur international Airbnb.
Est-ce qu’une partie de ces fonds va servir à alimenter votre R&D, notamment pour renforcer votre technologie d’imagerie satellite ?
Raphaël Vullierme. L’imagerie satellite fait toujours partie intégrante de notre démarche et nous améliorons continuellement pour délivrer une estimation du risque de plus en plus fine. Notre R&D est surtout consacrée à cette technologie, mais aussi au renforcement de notre moteur et nos bases de données.
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Comment fonctionne ce partenariat avec Airbnb et quel intérêt a-t-il pour enrichir votre offre ?
Raphaël Vullierme. Dans le cadre de ce partenariat, nous nous occupons de gérer tous les services d’assurance intégrés à Airbnb. Concrètement, les assurés chez Luko qui souhaitent louer leur bien sur Airbnb pourront profiter d’une offre « location courte durée » pour couvrir d’une part, tous les risques locatifs habituels comme les dégâts des eaux, les incendies ou encore pour mettre en jeu la responsabilité civile. D’autre part, l’offre prévoit une couverture spécifique contre les vols et les dégradations causées dans leur logement ou leur copropriété par les locataires temporaires. En effet, certains contrats d’assurance ne couvrent pas les dommages lorsqu’ils sont causés par d’autres personnes que les souscripteurs au contrat. Ainsi, si un sinistre se déclare pendant qu’un voyageur Airbnb occupe le logement, tout sera pris en charge.
Il était déjà possible d’assurer des logements Airbnb auprès d’assureurs traditionnels, mais certains risques ne sont toujours pas couverts. Dans la continuité de notre démarche d’adapter notre offre d’assurance au plus près des besoins des particuliers, nous souhaitons donc offrir des garanties supplémentaires, notamment pour les dommages causés dans le cas de soirées clandestines.
La vision de Luko est d’aider les particuliers à avoir un logement plus sûr et plus vert grâce à nos technologies et nos services. Ce partenariat avec Airbnb est une étape importante pour nous car la plateforme est utilisée par des centaines de millions de personnes dans le monde. Le fait de collaborer avec des grands acteurs technologiques fait partie de notre ADN et cela s’inscrit dans notre projet d’internationalisation. Nous avons d’ailleurs entamé notre ouverture à deux nouveaux pays européens depuis notre levée de fonds deux ans auparavant et le partenariat avec Airbnb va donner un coup d’accélérateur à cette dynamique.
Comme vous le savez sûrement, Airbnb est dans le collimateur de plusieurs grandes villes en crise du logement comme Paris, qui rachète d’ailleurs des immeubles entiers pour éviter que la plateforme ne s’en empare… Est-ce que vous jouez un rôle dans la lutte contre la fraude sur Airbnb ?
Raphaël Vullierme. Nous nous adressons aux particuliers qui mettent ponctuellement leur logement saisonnier sur Airbnb. Et il est vrai que la Mairie de Paris se retrouve face à un problème vis-à-vis de ces biens retirés du marché pour en faire des locations Airbnb. Mais notre produit n’est pas fait pour lutter contre la fraude.
Nous prévoyons aussi de nous intéresser à d’autres cibles comme les propriétaires de maisons secondaires à la campagne ou à la mer et nos investissements vont permettre de renforcer notre gestion de sinistres notamment en alimentant davantage notre réseau d’artisans et prestataires français. L’envoi d’experts va devenir encore plus rapide, de même pour les procédures de remboursements.
En 2019, vous avez obtenu la certification B-Corp, un label octroyé aux entreprises qui répondent à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public…
Raphaël Vullierme. Notre objectif est de rendre notre modèle le plus transparent et vertueux possible. Nous avons obtenu la certification B-Corp notamment parce nous reversons à des associations l’argent qui n’a pas été utilisé pour rembourser les sinistres. Nos offres d’assurance sont aussi construites pour être le plus facile à comprendre et notre temps de réponse aux questions des assurés dure moins de deux minutes en moyenne.
Concernant l’hébergement, nos données sont toutes stockées en Europe et sont conformes au RGPD, notamment pour les informations recueillies sur la consommation électrique des foyers. Nous n’utilisons pas ces données pour déterminer le prix de nos offres d’assurance et aucun partage n’est prévu sans l’accord de nos clients.
Beaucoup craignent de voir les assurances recourir à la technologie pour évaluer le risque, notamment parce que les données deviennent de plus en plus intrusives et frôlent la surveillance… Qu’en pensez-vous ?
Raphaël Vullierme. 80% du risque qui régit l’assurance habitation est lié à la localisation du logement, c’est pourquoi nous mettons l’accent sur l’utilisation des images par satellite. Le risque est par exemple plus élevé si une maison se trouve proche d’une rivière. Il y a aussi l’année de construction, les matériaux de construction utilisés, les personnes présentes dans le logement…
Mais, de manière générale, l’analyse comportementale ne sert pas trop dans l’élaboration des assurances habitation. En revanche, la question qui revient souvent ces derniers temps concerne les zones à risque climatique : est-ce que le coût de l’assurance doit augmenter dans ces zones ? En théorie, le marché impose une souscription proportionnelle au risque. Chez Luko, nous voulons mesurer ce risque le plus précisément possible et c’est en partie grâce à ce travail que nos offres sont 15 à 20% moins chères que sur le reste du marché des assurances.
Il est très difficile pour les particuliers de comprendre ce taux de souscription déterminé en fonction du risque. Nous avons fait le choix de la transparence et notre principal objectif est de leur expliquer clairement comment nous en sommes arrivés au prix proposé. Si bien que notre taux de satisfaction NPS (le fait de promouvoir un service à un proche, NDLR) est de l’ordre des 76 %, quand celui du marché est globalement à 15 %. Après le sinistre, ce taux avoisine les 40 % alors qu’il est à 30 % chez les acteurs traditionnels.