Fin février, l’Internet Society, une organisation mondiale à but non lucratif dont le but est d’assurer le développement, l’évolution et l’usage ouverts d’Internet, a publié son “Global Internet Report 2019”. Elle interpelle les pouvoirs publics sur la consolidation du pouvoir des acteurs puissants de l’économie numérique. Une concentration à la fois asymétrique et bénéfique pour les entreprises et les utilisateurs sur Internet.
Alors que les règles américaines sur la neutralité du net ont pris fin le 11 juin 2018, les cris d’orfraie concernant l’avenir incertain de la Toile se multiplient. En parallèle, les géants du net et autres entreprises issues de la plateformisation capitalisent massivement sur les données qu’elles collectent et entendent – pour que leur modèle économique continue de prospérer – contourner toute forme de régulation.
« La domination croissante d’une poignée d’acteurs pourrait empêcher ce renouvellement et modifier profondément l’Internet des générations futures, précise Internet Society au sein du “Global Internet Report 2019” publié le 27 février 2019. Il est donc crucial que les entreprises, les décideurs et le grand public comprennent ce phénomène complexe qui ne peut être réduit à une ‘bonne’ ou une ‘mauvaise’ chose »
Une concentration inquiétante mais bénéfique
Au sein de son rapport, Internet Society impute au phénomène de concentration des pouvoirs la perpétuation d’un climat de coopétition asymétrique et inégalitaire. L’ONG s’inquiète particulièrement de la dépendance économique croissante des entreprises vis à vis des plateformes ou bien encore la restriction d’accès des internautes à un espace limité. “Si elles offrent de nombreuses perspectives aux entreprises, ces plateformes pourraient également freiner l’innovation en favorisant leurs propres intérêts, limitant ainsi la concurrence et le choix pour les utilisateurs”, est-il précisé dans le rapport.
Toutefois, Internet Society rappelle également les bienfaits de cette concentration d’acteurs. La plateformisation a d’abord contribué au déclin du coût d’accès à Internet, à l’amélioration de l’expérience utilisateur et au renforcement de la sécurité. C’est aussi un facteur d’accélération non négligeable de la transformation numérique du côté des entreprises et entrepreneurs qui ont la possibilité “d’accéder à des services complets, des ressources et des expertises qui étaient inaccessibles auparavant, en raison de moyens et de ressources limités.” Et tout ça, en partie grâce aux solutions proposées par les géants du web.
L’ONG évoque notamment le domaine du développement et de l’application des normes et protocoles d’Internet. Elle affirme que l’influence des plateformes a permis “d’accélérer l’adoption par le marché de normes telles que l’IPv6 (Internet Protocol version 6), qui sont bénéfiques à l’ensemble de l’écosystème numérique.”
Comprendre le phénomène avant d’en changer les règles
Avant que toute décision institutionnelle concernant la régulation d’Internet ne soit prise, Internet Society demande aux pouvoirs publics de se renseigner sur les défis pour l’économie numérique du futur.
« Il est difficile d’évaluer avec précision l’impact de la consolidation de l’économie de l’Internet. Si certains aspects négatifs sont à craindre comme la limitation du choix des utilisateurs, leur expérience en ligne est également devenue plus homogène et donc facilitée, affirme Constance Bommelaer de Leusse, Directrice Politiques Publiques d’Internet Society. Ce bilan nuancé est à prendre en considération avant que les pouvoirs publics ne se précipitent à édicter de nouvelles règles notamment dans le domaine du droit de la concurrence ou de la fiscalité. L’enjeu est de bien comprendre le phénomène de la consolidation de l’économie numérique avant d’en changer les règles.”
Les grandes plateformes du web offrent bel et bien de nouvelles perspectives aux entreprises et utilisateurs. Tant que l’interopérabilité des systèmes informatiques, le choix des utilisateurs et la liberté d’innover sont assurés, l’Internet Society ne se résout pas entièrement à voir l’avènement des GAFAM d’un mauvais oeil.