Le parcours de Walid Bellili est emblématique d’une nouvelle génération de profils Tech, qui après une première vie professionnelle loin des écrans, trouvent leur voie dans le numérique et apportent à leur nouvelle entreprise leur curiosité, souplesse et enthousiasme.
« J’ai passé un bac L, je me suis inscrit en fac de droit, mais ce n’était pas mon truc, et j’ai commencé en parallèle à travailler dans la restauration. D’abord en tant que commis, puis j’ai monté les échelons : chef barman, chef de salle, responsable… Je formais les plus jeunes. C’était inspirant, mais je sentais que c’était physiquement épuisant. J’avais 29 ans et je commençais à me poser des questions. Le Covid est arrivé : pour moi comme pour beaucoup, il a été synonyme d’introspection. A la cinquantaine, certains de mes collègues avaient du mal à trouver du travail ou étaient physiquement cassés. Difficile d’y voir un avenir, sauf à ouvrir son propre bar ou resto, et encore. »
Quatre ans plus tard, Walid a changé de voie : il occupe désormais la fonction de développeur web. Et il suffit de l’écouter quelques minutes pour se laisser gagner par son enthousiasme.
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Une histoire de langages
Durant le confinement, Walid met les mains dans le numérique, presque à son insu, pour utiliser des logiciels de montage – il est musicien – et pour régler les problèmes informatiques de ses voisins. « Quand je n’y arrivais pas, j’allais chercher des tutos sur YouTube. C’est l’algo de la plateforme qui m’a poussé une annonce de type “Tu peux devenir développeur web en six mois.” J’ai regardé, je suis tombé sur du concret, du vrai code. J’ai essayé et c’était complètement fou. Je pouvais monter moi-même une page web. J’ai commencé à apprendre tout seul : en autodidacte, comme pour la musique. »
Et Walid se révèle « bluffé » par ce nouveau langage, qui lui rappelle beaucoup les accords et les gammes. « Il y a une véritable analogie. Pour être développeur, il faut penser en poupées gigognes. Vous pouvez être un développeur « en mode Jazz » ou « en mode punk rock »… Il y a vraiment une architecture, quelque chose de créatif. Ce qui m’a surpris, c’est que ça ne m’énervait pas. »
Pour Walid, résoudre des bugs est une source de plaisir, mais il atteint rapidement une limite technique : « J’étais au chômage et je me suis dit qu’il fallait que je donne un second souffle à ma vie. J’ai commencé par une petite formation chez Konexio (lire encadré) : initiation au code HTTML – CSS – Javascript. J’ai passé le test haut la main, c’était passionnant et ça m’a donné confiance en moi. Les bénévoles chez Konexio m’ont fait comprendre que j’en étais capable et j’ai décidé d’en faire mon métier ».
Walid intègre alors un bootcamp de trois mois : « C’était intensif, avec un concours d’entrée, et une fois admis vous codez des projets chaque mois. J’ai adoré. Le second défi, à la sortie, était de trouver un employeur. Finalement, c’est le plus difficile. Sur les soft skills, aucun problème pour un ancien barman. Mais sur la partie technique, les DRH sont un public difficile à convaincre. J’avais un portfolio, mais j’ai passé beaucoup d’entretiens qui n’ont jamais eu de suite. Finalement, j’ai rencontré le fondateur d’une start-up, ID Protect – lutte contre l’usurpation d’identité – lors d’un salon organisé à la station F, où m’avait invité David Cornilleau, le directeur des programmes de Konexio. Il faut savoir qu’on a des hauts et des bas quand on se lance là-dedans, mais David a toujours été avec moi. »
« Être libre »
La rencontre en direct avec le CEO se passe très bien et Walid intègre ID Protect. Une première concluante. Contraint à regret de quitter la société le mois dernier – la start-up n’a pas les moyens d’embaucher en CDI – il cherche aujourd’hui à signer son premier CDI en tant que développeur.
« Si vous pensez à vous reconvertir, n’écoutez pas ceux qui vous disent que vous n’êtes pas à votre place. Nous sommes une nouvelle génération de développeurs, avec des profils différents et notre propre valeur ajoutée. Ne soyez pas découragés par la recherche d’emploi – il faut rester ouvert dans la vie, tout change tout le temps et c’est bien ça aussi, la reconversion professionnelle. Le mouvement aide à passer les épreuves les plus difficiles. J’étais nul en maths, je n’aurais jamais cru devenir développeur web full stack. Ce métier me donne un pouvoir incroyable. Avec le code, on peut travailler dans la santé, lutter contre le harcèlement scolaire, etc. On peut être libre. »
S’inspirer des nombreux exemples du marché
Autre source d’inspiration : l’expérience des entreprises qui ont sauté le pas, comme Stéréograph à Lille. Positionnée sur le jumeau numérique pour la gestion, l’exploitation et la valorisation du patrimoine immobilier dans les secteurs tertiaires et industriels, la société compte actuellement six personnes en reconversion dans son effectif de cinquante personnes. Un choix estimé compatible avec son hyper-croissance, alors que l’entreprise ne comptait que quinze collaborateurs début 2023.
« Quand nous embauchons des personnes en reconversion, nous regardons principalement les soft skills et nous faisons très attention à ressentir l’envie d’apprendre du candidat, explique Fabien Rondeau, directeur Technique & Produit chez Stéréograph, qui s’est investi personnellement dans la démarche pour en faire un succès. « Il m’a contacté directement sur Linkedin » témoigne Dimitri Martin, devenu développeur front end au sein de l’entreprise, après dix ans dans le milieu de la restauration. « Durant ma formation de six mois, on m’a appris à développer mon réseau professionnel, car certaines entreprises restent frileuses par rapport aux reconversions. Mais les échanges entre pairs, les rencontres directes avec ceux qui font le même métier, c’est ce qui fonctionne ! »