Directrice RSE / Numérique Responsable et Excellence du groupe La Poste, Anne Tozzolino est aussi très fortement impliquée au sein de l’INR. Elle décrit les différentes étapes qui ont amené La Poste à passer du Green IT au numérique responsable, dans une approche transverse à toutes ses activités.
À quand remonte la démarche « numérique responsable » de La Poste ?
Nous avons commencé en 2010 par une démarche Green IT, comme beaucoup d’entreprises. Depuis la fondation de l’INR en 2018, nous parlons désormais de « numérique responsable », car les impacts sociaux et sociétaux du numérique doivent également être pris en considération. Nous ne nous limitons plus à la seule « sobriété » numérique.
En 2021, le numérique responsable est entré dans la stratégie de La Poste, au coeur même des engagements de l’entreprise à mission qu’elle est devenue. Il se décline en trois axes : éthique, inclusion et frugalité. Nous portons un regard systémique sur ce sujet et adoptons une démarche transverse au sein du groupe.
En 2010, quelles ont été vos premières actions sur le Green IT ?
En 2010, La Poste a décidé de mesurer l’impact de ses activités. Nous avons voulu commencer par la mesure des parcs « utilisateurs » et « infrastructures ». Nous avons réalisé une analyse d’inventaire, implémenté les données dans une application et obtenu des indicateurs par métier (Banque Postale, Courrier / Colis, Branche Grand public et numérique…). Une fois que chaque branche a pu disposer de ses analyses, nous lui avons demandé des plans d’action.
Combien de chantiers différents comporte votre gouvernance ?
Dans notre gouvernance, nous avons 11 ateliers au total. Nous avons ainsi un atelier sur les achats IT responsables, pour lequel nous avons construit un référentiel de critères. Nous avons également mis en place des communautés pour animer les postiers sur le thème du numérique responsable. Un autre atelier est consacré à la mesure, qui se décline en trois parties : la mesure d’empreinte du parc réalisée tous les deux ans, l’empreinte du scope 3 côté hébergement depuis 2020, et le benchmark de l’INR.
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Un atelier est dédié à la conception responsable de services numériques : nous regardons de manière systémique la construction de ces services de bout en bout, sur l’intégralité de leur cycle de vie. Nous traitons aussi du réemploi et de la maîtrise des DEEE (Déchets d’équipement électrique et électronique). Nous avons procédé à de nombreuses expérimentations sur le réemploi, ce qui nous permet aujourd’hui de lancer deux consultations distinctes pour le traitement des déchets au niveau groupe, l’une pour la réparation et le réemploi, l’autre pour le recyclage.
Ensuite, nous disposons d’un groupe de travail pour capitaliser sur les actions de sensibilisation que nous menons, comme les fresques du numérique ou du climat. Nous avons également commencé à travailler sur une cartographie des parcours de formation sur les acteurs clés du numérique.
Quant à l’accessibilité numérique, elle fait bien entendu partie de notre périmètre. C’est devenu un sujet de conformité, pour lequel nous construisons des schémas pluriannuels et des plans d’action associés. Nous confions aussi des activités et des missions à un référent accessibilité numérique dans chacune de nos DSI.
Qu’en est-il de l’éthique et plus particulièrement de l’IA ?
Il n’est pas aisé d’évaluer une IA. Nous avons commencé par mettre en place une charte de l’IA éthique, qui est annexée à la charte sur les données du groupe. Nous avons été un des premiers groupes français à nous engager dans cette voie, avec Orange.
Par la suite, un comité « IA de confiance » a été formé, au mois de mai dernier. Il intègre la direction de conformité, le CDO du groupe et les CDO des branches, la directrice de l’engagement sociétal, le directeur juridique, … ainsi que des personnalités extérieures. Son rôle est de permettre de valider les travaux d’un comité plus opérationnel composé de toutes les branches et dans lequel sont élaborés et testés une grille d’évaluation de l’IA et une grille de préfiltrage, cette dernière étant très utile pour qualifier le type d’IA impliqué dans les projets (avec une capacité de blocage).
Depuis le mois de juin 2021, La Poste a officiellement adopté le statut d’entreprise à mission. Est-ce la suite logique de tout ce que vous venez de décrire ?
Oui, et je dirais même que l’engagement sociétal représente 90 % du cœur de la stratégie de La Poste aujourd’hui. La Poste a toujours été à l’écoute de ses parties prenantes et proposé des produits et services utiles à ses clients. Nous avons ainsi créé de nombreux services de proximité ou à la personne, que ce soit sur le numérique ou non.
La Poste est attentive aux besoins de son temps, par exemple sur le terrain de l’inclusion numérique, 13 millions de personnes étant aujourd’hui en situation de fracture numérique en France. Dans la stratégie de réemploi de nos équipements obsolètes, nous nous donnons des objectifs de réemploi à visée d’inclusion. Nous avons aussi formé des collaborateurs en interne afin d’accompagner les citoyens dans l’apprentissage du numérique, dans le cadre du réseau des Formateurs du numérique qui interviennent notamment dans les Maisons France Service et dans les bureaux de poste.
Comme vous le voyez, le numérique responsable s’intègre largement dans les autres engagements pris par La Poste : contribuer au développement et à la cohésion des territoires, favoriser l’inclusion sociale et œuvrer à l’accélération de la transition écologique pour tous… Tout est lié.