La région a fait du numérique responsable un de ses fers de lance pour doper l’innovation de ses PME, ETI et grands groupes. Elle a co-créé une formation « ambassadeur » avec l’Institut du Numérique Responsable et ambitionne de créer un pôle de compétitivité sur cette thématique. Entretien avec Anne-Cécile Petit, Directrice adjointe à la Délégation Numérique de la région Nouvelle-Aquitaine.
La région Nouvelle-Aquitaine a mis en place une stratégie d’accompagnement des entreprises en matière de numérique responsable. À qui s’adresse-t-elle en priorité ?
Nous accompagnons principalement les PME et ETI de la filière numérique. Les entreprises avec lesquelles nous échangeons sont des éditeurs de logiciels, des agences web, des sociétés de conseil en stratégie digitale ou des ESN. Pour l’essentiel de notre filière, ce sont de petites entreprises employant moins de 20 salariés. Ces structures sont conscientes de l’importance du numérique responsable, mais elles n’en font pas leur priorité absolue. À cela deux raisons principales : leurs clients ne leur en font pas encore expressément la demande et ce n’est pas une contrainte réglementaire qui s’impose à elles.
Nous nous adressons bien entendu aussi aux grands comptes, mais notre stratégie n’est pas la même. Notre objectif avec eux est de faire en sorte qu’ils soient des acteurs du développement économique territorial, même si leur centre de décision n’est pas situé dans la région. Notre but est qu’ils collaborent de façon optimale avec les acteurs académiques (laboratoires de recherche), mais aussi avec leurs fournisseurs et sous-traitants (PME et ETI), et les acteurs de l’innovation comme les start-ups.
Notre dernière cible concerne les entreprises qui engagent des plans de transformation numérique. Ce sont des clients qu’il faut sensibiliser aux enjeux d’un numérique plus responsable et plus sûr. Nos programmes d’accompagnement et de financement de la transformation numérique ont été densifiés sur cette double obligation.
Dès 2020, nous avons initié les premiers dispositifs pour encourager l’innovation dans le domaine du numérique responsable, l’innovation étant la marque de fabrique de la région. Nous mettons l’accent sur l’innovation numérique à impact, c’est-à-dire celle qui réduit l’impact du numérique ou celle qui accélère la transition d’autres secteurs.
Concomitamment, nous avons lancé deux appels à projets : le premier est dédié aux prototypes numériques à impact, le second aux logiciels libres. La région a en effet la particularité d’être le deuxième écosystème français, après l’Île-de-France, en matière de logiciels libres. En trois ans, nous avons accompagné plus de cinquante projets d’innovation numérique responsable, pour 3,3 millions d’euros de financement.
En quoi les logiciels libres sont-ils un facteur d’innovation pour le numérique responsable ?
Les logiciels libres sont un facteur clé de résilience et de maîtrise des données. Ils permettent aussi de réinterroger les modèles économiques en place. Nous accompagnons un des programmes du cluster « Nouvelle-Aquitaine open source » dont l’objectif est de favoriser l’émergence de start-ups du libre, en lien avec toutes les technopoles de la région.
Nous avons pour cela créé un dispositif dédié à l’innovation dans les logiciels libres, dont les modèles sont la plupart du temps originaux. Cela permet de donner un coup de projecteur à ces projets et de les accompagner jusqu’au prototype numérique et au premier POC.
Quels exemples de projets avez-vous accompagnés ?
Je peux par exemple citer la solution OKO, développée par Metapolis, qui constitue une aide à la décision, à la planification, au pilotage et à l’évaluation des projets des collectivités pour accompagner la transition écologique des territoires. Quant à Kerdos, un bureau d’études spécialisé dans la transition énergétique des entreprises, il a lancé le développement d’une plateforme intitulée « Les systèmes énergétiques de demain ». Ce logiciel permet à ses utilisateurs d’optimiser leur efficacité énergétique.
Citons également Netcarbon qui met la donnée satellite au service du stockage carbone. Cette entreprise s’adresse prioritairement aux agriculteurs, viticulteurs et aux acteurs de l’urbanisme. Citons aussi Denergium qui répond au besoin de rendre plus efficace l’usage des infrastructures informatiques en proposant des solutions logicielles d’optimisation qui s’adressent aux gestionnaires et aux utilisateurs. Enfin, Quanteec propose une technologie de streaming vidéo permettant à chacun d’économiser sur ses coûts de diffusion, tout en augmentant la qualité de ses flux et en adoptant une démarche d’économie d’énergie.
Quelles sont vos orientations stratégiques actuelles ?
En 2023, nous avons regroupé l’ensemble de nos appels à projets dans un seul dispositif intitulé « Aide à l’innovation numérique responsable ». Ce dernier soutient tout projet axé sur la sobriété énergétique, l’écoconception, l’inclusion, la maîtrise et la souveraineté des données, etc. Nous accompagnons aussi des innovations qui utilisent le numérique au service de la transition d’autres secteurs d’activité.
En parallèle, nous sommes en train de réorganiser l’ensemble de notre écosystème d’innovation avec la création d’un pôle de compétitivité numérique responsable. Il verra le jour au plus tard en juin 2024. Ce pôle « ENTER » rassemblera des entreprises de toutes tailles, des laboratoires de recherche et toute la chaîne de valeur du numérique, depuis les infrastructures, réseaux et datacenter jusqu’aux services, en passant par les composants électroniques. Il sera notre « bras armé » pour favoriser l’émergence de projets d’innovation collaboratifs en matière de numérique responsable. Un appel à projets verra le jour pour financer les projets qui impliquent, par exemple, plusieurs PME et un laboratoire de recherche. Il sera doté de trois millions d’euros.
La Région n’oublie pas néanmoins les petites entreprises du numérique, première cible, qui n’ont pas toutes vocation à innover, mais dont il faut encourager la trajectoire vers un numérique responsable. Nous réfléchissons à la mise en place de programmes d’accompagnement en la matière.
Quelles actions avez-vous mises en place sur le terrain de la formation ?
Le premier volet concerne la formation professionnelle au profit des demandeurs d’emploi. Nous avons enrichi notre catalogue de formation continue avec des modules consacrés au numérique responsable. Il n’y a en effet pas de transition « numérique responsable » possible sans que des personnes ne soient formées à cette discipline.
Nous avons complété ce dispositif par l’Action Régionale de Formation des Salariés du Numérique. Cette action vise les personnes en poste dans les entreprises, et plus particulièrement les PME. Il s’agit d’un contrat État-région qui vient alléger le coût des formations continues des PME. Dans ce cadre-là, nous avons enrichi l’offre sur deux de nos priorités que sont le numérique responsable et la cybersécurité.
Enfin, pour les entreprises dont le dirigeant, convaincu et engagé, souhaite faire monter en compétence un de ses chefs de projet pour mettre en place une stratégie numérique responsable, nous avons co-construit une formation avec l’Institut du Numérique Responsable (INR). Il s’agit d’une formation « ambassadeur numérique responsable » qui dure 10 jours. L’objectif pour les apprenants est de formaliser un schéma directeur numérique responsable qui fait ensuite l’objet d’une soutenance devant un jury de l’INR. L’ensemble de ce parcours donne lieu par la suite à la délivrance d’une certification par l’INR.