Réindustrialisation ou re-désindustrialision ?

[Billet d’humeur] Les annonces de plans sociaux se multiplient, notamment chez des industriels comme Michelin, au moment même où partent les invitations pour l’évènement de référence Global Industrie, qui se tiendra début 2025. Les messages sur la réindustrialisation française se heurtent donc à l’amer réalité d’un regain de désindustrialisation.

Coup de tonnerre à Cholet et Vannes le 5 novembre avec l’annonce choc du groupe Michelin, l’un des leaders mondiaux de la fabrication de pneus, de fermer ces deux usines. Avec, à la clé, la suppression de plus de 1250 emplois. Les déclarations par la direction du groupe d’un accompagnement « individualisé » au reclassement (externe) ne change évidemment rien. Dénoncée par les syndicats comme unilatérale et brutale, la décision nous renvoie une nouvelle fois au spectre de la désindustrialisation.

Car le problème n’est pas spécifique à Michelin. De nombreux groupes ont maintenu leurs effectifs malgré les tensions ces dernières années, espérant une reprise économique plus franche. Ils sont aujourd’hui face au mur. Si l’industrie n’est pas la seule touchée (Auchan a annoncé le même jour que Michelin vouloir fermer plusieurs magasins et entrepôt, menaçant ainsi près de 2400 emplois salariés), elle est particulièrement mise sur le devant de la scène. Les équipementiers tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois. Et des sites spécialisés, chez des tiers 1 ou 2, notamment liés à un secteur automobile en grande tension, sont en toute logique frappés eux-aussi.

Selon un sondage Reichelt Elektronik/OnePol, réalisé en octobre auprès de 250 décideurs français de l’industrie manufacturière, 60% des industriels déclarent que les difficultés d’approvisionnement ne vont pas s’améliorer. Malgré une embellie en 2024 par rapport à l’an dernier, les arrêts de production dû à des manques de composant sont encore de 21 jours…

La transformation numérique ne parvient pas à compenser les difficultés

Pour couronner le tout, sur le front des start-up, les Echos soulignent aussi le « rapport glaçant » de l’association Start Industrie, qui révèle que plus de la moitié des 2500 start-up industrielles françaises ont moins de six mois de trésorerie à disposition. Et plus de 60% d’entre elles déclarent avoir de grandes difficultés à lever des fonds.

Autrement dit, cela craque de partout et même l’élan de la transformation numérique ne parvient pas à compenser les difficultés. Pourtant, la « réindustrialisation » est présentée comme un objectif majeur par les politiques de tout bord, et en particulier le camp présidentiel depuis 2017. Mais rien n’y fait : les espoirs et promesses incantatoires ressemblent au combat de Don Quichotte contre les moulins à vent. Les causes, françaises, européennes et mondiales, des difficultés industrielles, sont profondes et complexes. Malgré les enjeux en termes de résilience, d’indépendance et d’emploi, revenir à une économie qui fait la part belle à l’industrie hexagonale ressemble aujourd’hui à une gageure.

Bpifrance, la Banque des Territoires et la Caisse des Dépôts sont engagés depuis des années dans la bataille de la réindustrialisation et une étude montre encore les attentes fortes des Français sur le sujet en 2024. Mais les annonces récentes jettent un froid sur la dynamique qui semblait enclenchée.

Dans ce contexte très difficile, nul doute que Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’Industrie et Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, seront attendus au tournant le 21 novembre prochain alors qu’ils présenteront à la presse la nouvelle édition du salon Global Industrie, qui aura lieu en mars 2025. Dans son invitation, la grand-messe française des industriels ne peut que promettre : « A l’heure où l’industrie française a plus que jamais besoin d’être reconnue et soutenue, il est primordial de souligner l’esprit collectif, la résilience et la capacité de rebond de ce secteur. Son rassemblement annuel, Global Industrie, est un pilier sur lequel les industriels peuvent s’appuyer pour exprimer leurs ambitions et faire valoir l’innovation qui anime chaque jour leurs activités. En valorisant les expériences positives tout en replaçant l’humain au cœur de cette transformation, Global Industrie aide le secteur à poursuivre sa reconstruction. »

Il faudra sans doute plus que cela pour espérer changer la donne.