À l’occasion des « Tech Industry Days » organisés au sein de l’usine de Flins (Yvelines), le groupe Renault a dévoilé un projet de métaverse industriel. François Lavernos, CIO Industrie de la marque automobile, nous en dit plus.
Alliancy. Quel est votre rôle au sein de l’organisation ?
François Lavernos. En tant que Chief Information Officer, je suis en charge des équipes digitales pour l’industrie sur la partie IT. Nous travaillons en binôme avec les métiers pour assurer une réelle transformation de notre activité. Notre industrie comprend 3 grands métiers : le Manufacturing d’une part qui assure la fabrication ; la supply chain qui adresse l’approvisionnement en amont ; la distribution des véhicules jusqu’au point de vente ; et enfin le « process engineering » qui correspond à la conception et le design de nos moyens de production et de maintenance.
L’équipe repartie entre le Corporate et nos sites compte environ 600 personnes – internes et externes – en charge de maintenir nos infrastructures hardware et software en conditions opérationnelles. Ils ont aussi pour mission d’identifier les leviers d’efficacité nécessaires à notre transformation, que cela soit du côté des nouvelles technologies ou bien encore des nouvelles manières de collaborer. Un travail de transformation qui se fait en étroite collaboration avec les équipes d’Eric Marchiol, Directeur Industrie 4.0 de Renault.
Vous venez d’annoncer un projet de métaverse industriel… Pouvez-vous nous donner plus de précisions ?
Ce projet n’est pas apparu par hasard, il découle de plusieurs années de transformation. Depuis 2016, nous avons équipé toutes nos usines et notre supply chain d’infrastructures télécoms performantes – notamment avec du wifi, du LoRa ou encore de la fibre optique.
La deuxième étape a consisté à récupérer, structurer un volume suffisant de données (1 milliard de data par jours) pour commencer à les exploiter et en tirer les bénéfices que ce soit sur des technologies analytiques ou à l’aide de model d’intelligence artificielle ou de machine learning. Cela nous a permis de développer de nombreux cas d’usages toujours portés par la valeur générée. Avec une volonté forte de mettre l’humain au cœur de notre transformation notamment pour faciliter la vie de nos opérateurs et managers. L’autre bénéfice de ces données à été de pouvoir modéliser le monde physique en des jumeaux numériques.
À lire également : Luc Julia (Renault) : « Nous sommes malades de nos datas »
La troisième étape depuis 2019 est de travailler à l’échelle en déployant ces technologies notamment sur toute notre supply chain. Une fois ces données rendues accessibles et notamment a travers les avatars de nos assets Physique. Nous avons mis en place des « Control Towers » qui ont pour rôle de rendre visible en temps réel les flux et les équipements des usines et de notre Supply Chain .
C’est bien toutes ces étapes de transformation qui nous ont permis aujourd’hui d’annoncer un métaverse Industriel car nous sommes en capacité d’avoir un replica en temps réel et persistant du monde physique.
Sur quels piliers technologiques se base ce métaverse ?
Il y a quatre dimensions à prendre en compte. La data d’une part est primordiale car sans elle, nous ne pourrions pas répliquer le monde physique et créer un métaverse. Nous avons connecté 8500 équipements critiques et déployé plus de 10 000 capteurs qui remontent des données structurées de notre Industrie. Nous avons également travaillé à la connexion de nos operateurs et manageurs pour leurs données accès en temps réels à l’information.
Il y a ensuite le travail de modélisation pour les jumeaux numériques. Tout l’enjeu est de rendre visible l’ensemble du pilotage des flux. C’est tout l’intérêt des « Control Towers » qui permettent de modéliser toutes les étapes de production d’une voiture mais aussi d’approvisionnement. Couplés avec du machine learning, les données du trafic ou encore météorologiques servent à anticiper les perturbations de notre supply chain et trouver des zones de contournement pour minimiser l’impact. Ce travail de modélisation sert aussi d’autres usages de simulation en réalité virtuelle pour former nos talents sur des opérations précises en usine.
Le troisième concerne l’enrichissement de notre écosystème. Nous avons la conviction qu’il faut une vision complète de notre activité, quitte à sortir de l’environnement industriel pur. Cela passe donc par la récupération de données externes notamment auprès de nos fournisseurs et partenaires.
Et enfin il y aurait pas de transformation aussi profonde sans technologie. L’enjeu à été de faire converger différentes technologies dans une optique de création de valeur. Cela va de l’usage du Machine learning à des briques de gestion du temps réel. mais aussi à tirer parti des services managés du cloud ; nos usines bénéficiant de ces technologies notamment grâce à de l’edge computing. Notre métaverse est par ailleurs hébergé sur une plateforme en open source et une architecture sur base d’API.
Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre un pied dans le Web3 ?
En tant qu’industriel, nous pensons que cela va contribuer à accélérer la compétitivité du groupe. D’autant plus qu’avec le métaverse, nous pouvons adresser de nouveaux sujets comme celui de la sobriété carbone – notamment en améliorant notre capacité à monitorer la consommation énergétique. Cela s’inscrit dans notre programme de réduction d’empreinte carbone qui vise 50% de réduction des émissions de nos usines pour 2030 en Europe.
Le métaverse va nous permettre d’être plus réactifs sur l’optimisation et la gestion de nos stocks , tout en optimisant à la fois l’empreinte carbone de nos transports et de réduire les temps de livraison. Autre objectif est la reduction des temps de cycle L’industrie automobile opère sur un temps long et il est donc crucial de chercher à réduire ces temps d’innovation.
Certains pourraient rétorquer que votre métaverse ne remplit pas toutes les cases pour être défini en tant que tel… Avons-nous affaire à un espace 3D persistant (qui continue de fonctionner sans y être connecté) ?
Il y a en effet des définitions multiples du métaverse , il s’agit la d’une application au monde Industriel et la 3D ne fait pas partie du plus important de notre projet. En revanche, nous avons déjà modélisé un certain nombre d’assets et des relations que les lie et nos « Control Towers » existent bel et bien numériquement. Ce sont des univers totalement persistants. Les données captées sont en temps réel et nous permettent de nous projeter dans le futur aussi bien de rejouer le passé.
C’est un réplica du monde physique à même de modéliser les ruptures éventuelles et qui permettra bientôt un retour des informations à nos machines connectées pour s’adapter en conséquence. Par exemple, nous avons créé un jumeau numérique de la voiture permettant de tracé l’ensemble de son cycle de fabrication ainsi si nous souhaitons comprendre un problème qualité, il suffit de retracer les étapes.
Nous avons aussi prévu une gestion dédiée des relations entre les jumeaux numériques eux-mêmes et cela permet d’identifier un élément perturbateur au plus vite. Le métaverse a le pouvoir d’identifier des scénarios de détournement de manière proactive.
D’autres défendent aussi l’avènement de métaverses ouverts et interopérables entre eux…
Oui et c’est en ce sens que nous avons choisi un protocole en open source, du moins sur la couche basse de captation de données. Plus les industriels seront capables d’ouvrir leur système, plus nous serons en mesure de faire avancer les communautés dans leur capacité d’agilité.
Lors du Mondial de l’Auto la semaine dernière, Luca de Meo a annoncé la création de la Renault University pour former rapidement 15 000 talents aux métiers de demain… Est-ce que les compétences en Web3 en font partie ?
Depuis le début nous avons voulu un digital au service de l’Humain, la formation sera au cœur de notre Transformation Cela en fera partie et il faut bien avoir en tête que sans humain, il n’y a tout simplement pas de métaverse, ni de digital. Nous allons donc renforcer sa compréhension de ces outils et notre rôle est d’accompagner nos collaborateurs dans leur manipulation des données.
SIEMENS AUSSI SUR LE COUP…
Un nouveau partenariat entre Siemens et Nvidia a été signé pour transformer le secteur manufacturier grâce à des expériences immersives couvrant l’ensemble du cycle de vie des produits, de la conception à l’exploitation. Concrètement, les plateformes Nvidia Omniverse et Siemens Xcelerator vont être connectées ensemble pour créer des jumeaux numériques. Les entreprises de toute taille pourront utiliser ces modélisations avec des données de performance en temps réel, créer des solutions d’IoT industriel innovantes, tirer parti d’informations exploitables issues d’analyses effectuées sur le terrain (edge) ou dans le cloud, et relever les défis d’ingénierie de demain en rendant plus accessibles des simulations visuellement riches et immersives.