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[Tribune] Repenser de nouveaux objectifs pour manager mieux

Comment, face à la crise sanitaire actuelle fixer des objectifs qui fassent sens ? Comment mesurer ce que peut être un succès dans un contexte général de recul des résultats ? La seconde vague secoue nos conceptions du leadership – peut-être pour le meilleur. Emmanuel Stanislas, fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement spécialiste du Digital et de l’IT, nous livre son avis.

Emmanuel Stanislas, fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement du digital et de l'IT

Emmanuel Stanislas, fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement du digital et de l’IT

Les directions et le management des entreprises se retrouvent aujourd’hui dans une position assez semblable à celle du gouvernement français : ils doivent assumer revirements et volte-face au risque de leur crédibilité et ce, afin de ne pas hypothéquer l’avenir et la reprise attendue.

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En effet, si le caractère exceptionnel du premier épisode de confinement a pu excuser l’impréparation et le comportement erratique de certaines organisations (restrictions inutiles, chômage partiel non respecté, maintien d’objectifs irréalistes, mauvais timing décisionnel, etc.) il n’en va plus de même en situation de « seconde vague » dans une crise sanitaire durable. L’absence d’anticipation est perçue sans indulgence par les collaborateurs, de même que l’oubli des difficultés et des sacrifices consentis.

La demande forte d’un discours de vérité

La pseudo familiarité des événements (nous avons déjà vécu un confinement) ne doit pas endormir la vigilance ni la réflexion. Les inquiétudes persistantes des uns et des autres ne peuvent être ignorées du management car une foule de questions se posent à nouveau : l’entreprise peut-elle affronter un second épisode de confinement ? Quelles mesures ont été mises en place ? La demande d’un discours de vérité est forte et en faire l’impasse serait contre-productif. A titre d’exemple et sur le marché des candidats digitaux, l’épisode Covid-19 laissera des traces dans la mémoire des talents ; trop d’entreprises ayant pris dans l’urgence des décisions extrêmes : contrats de travail dénoncés sans concertation, équipes démantelées, recrutements annulés, positions contradictoires ou ambiguës concernant le télétravail, remise en question d’arbitrages coûteux (budget de fonctionnement, séminaires, formation, recrutements additionnels…). Des profils rares (et démissionnaires suite à un accord) se sont retrouvés sans droits suite à la dénonciation de leur contrat. Quel regard porteront-ils sur ces organisations aux valeurs de bienveillance ostentatoires et qui ont perdu pied dans les premières 24h de la crise ?

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Réévaluer les objectifs au regard du contexte

La nécessité d’assurer la survie de l’entreprise doit-elle dispenser d’une vision à plus long terme ? Dans un tel contexte, et parmi les multiples questions qui se posent au management figure celle de l’évaluation – particulièrement sensible en cette période. Quid des objectifs initiaux ? La majorité des entreprises enregistrant un défaut d’activité record, comment aborder le chapitre des objectifs individuels ? Se pose aussi la délicate question des primes : top managers et commerciaux peuvent aujourd’hui recevoir 30 à 50 % de leur rémunération sous forme de variable indexé sur des objectifs posés en période pré-Covid-19, à partir du réalisé, en 2019. Faut-il considérer ces primes comme la variable d’ajustement dans la trésorerie de l’organisation ? Ou bien sont-elles une rémunération indexée à la performance du collaborateur et tenant compte de la situation ? A ces questions il n’existe pas de réponse unique, toutefois, les valeurs fondatrices de l’entreprise ne doivent pas être oubliées lors d’un épisode de perte de performance.

Vers un leadership de sincérité et de réassurance collective

Distinguer les résultats des efforts consentis par l’équipe est plus que jamais nécessaire pour maintenir la confiance. Où se situe désormais la performance ? Qui doit être encouragé, qui doit être félicité ? Quels nouveaux objectifs fixer ? L’absence de certitudes fait peser sur l’entreprise une responsabilité nouvelle qui invite à repenser son type de leadership. Ce dernier est ce qui confère au management sa véritable dimension et en fait plus qu’une activité routinière de gestion d’indicateurs. Diriger n’est pas seulement prévoir, c’est aussi savoir redéfinir ce qu’est un succès et ce que sont les attendus, individuels et collectifs. Le leadership ne repose pas tant sur la rapidité des prises de décision que sur la capacité à proposer une « lecture » de la situation traversée, c’est-à-dire une interprétation des événements qui ne se fasse pas uniquement en termes de risques encourus et de pertes enregistrées mais également en termes de possibilités (d’évolutions, de changements en sortie de crise, etc.).

N’oublions pas que la survie et la pérennité d’une organisation reposent sur la collaboration de tous à un objectif commun identifié comme porteur de valeur, mais aussi comme « atteignable ». A ce titre, la réévaluation des objectifs, à court et moyen terme n’est pas un détail mais l’un des leviers décisifs dans une stratégie de management efficiente en période troublée ; c’est aussi la plus claire façon pour un leader d’affirmer que la crise s’affrontera ensemble, « dans le même bateau ».

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