La plus grande organisation française de professionnels du numérique, Numeum, prévoit un repli de la croissance économique sur le marché des TIC. Les entreprises ayant répondu à l’enquête attribuent cette tendance à l’instabilité politique et réglementaire, qui entrave le développement d’un écosystème numérique français, déjà handicapé par une frilosité culturelle.
Avec une croissance économique de 3,5% en 2024, contre 6,5% en 2023, le secteur numérique français entre dans une phase de stabilisation après une décennie de croissance soutenue. Numeum, le premier syndicat des entreprises du numérique en France, a enquêté auprès de ses adhérents pour évaluer les tenants et aboutissants autour de ce constat. Sans surprise, les turbulences politiques de 2024 ont fortement incapacité les entreprises à planifier leurs investissements. L’imprévisibilité politique et budgétaire devant s’estomper en 2025, Numeum prévoit une croissance de 4,1% pour le marché numérique l’année prochaine.
Un fardeau européen
Les membres de Numeum, qui représentent à eux seuls 60% du marché, se confient sur la baisse de leurs investissements, qui s’explique par un changement de paradigme. Si en 2023, le recrutement des talents était la principale difficulté, cette année, c’est la capacité des entreprises à identifier des projets sur le marché. Les opportunités ne manquent pas, mais la peur d’une règlementation paralyse les entreprises membres. Une frayeur qui s’explique par l’abondance de texte de loi générés par la Commission européenne lors de leur dernière mandature, 70 en tout. Le rapport Draghi, sorti en septembre 2024 au sujet de la compétitivité européenne, constate également ce frein juridique et prône une approche pragmatique et proportionnée en matière de régulation numérique pour favoriser l’innovation. C’est pourquoi Numeum se chargera bientôt d’adresser aux gouvernements nationaux et à l’institution européenne une lettre conjointe des 27 pays. Celle-ci a pour but d’éduquer les parlementaires aux enjeux du numérique et de demander une simplification et une clémence règlementaire pour mieux soutenir l’innovation. Surtout face aux géants américains, les MAAMA, que « l’Amérique d’abord » de Donald Trump risque d’avantager.
Mais aussi une faiblesse française
Mais l’Europe n’est pas la seule coupable de cette baisse de la croissance, en témoigne l’Allemagne où continue d’augmenter le chiffre d’affaires du secteur, avec une croissance de 4,3% prévue pour 2024 d’après Bitkom, une grande association numérique du pays. Les freins semblent donc être aussi culturels en France et cela se remarque dans les chiffres. Alors que 90% des membres Numeum identifient des gains de productivité grâce à l’IA, seulement 60% envisagent son adoption. Les entreprises françaises restent frileuses face aux processus transformateurs de l’IA. « En France, on ne vit pas IA comme aux États-Unis », explique un cadre de Numeum. Les investissements privés dans les entreprises françaises du numérique sont aussi plus bas qu’outre-Atlantique, entraînant une certaine dépendance aux aides d’État. 77% des entreprises syndiquées sous Numeum ont recours au moins à une aide publique. Les fonds privés, eux, ont tendance à s’échapper vers les hyperscaleurs, les entreprises disposant d’une infrastructure informatique à grande échelle, dont la Silicon Valley abonde.
Le prochain tournant à ne pas rater pour les entreprises françaises sera les agents d’intelligence artificielle, des systèmes autonomes capables de réaliser des tâches complexes, pouvant révolutionner la manière actuelle de travailler. Les développeurs seniors l’utilisant gagnent 40 à 50% de productivité alors que l’IA générative n’apportait qu’une hausse de 10 %. Cette nouvelle technologie, promise pour 2025 par l’entreprise de service numérique Capgemini, amènera un besoin de formation. Le contexte de repli de croissance met pourtant déjà la French Tech en danger puisque 60% des entreprises adhérentes s’apprêtent à stabiliser ou réduire leurs équipes en 2025.