Or Lenchner, CEO de Bright Data, analyse l’importance de maintenir l’accès à la data publique dans un contexte d’aggravation de la désinformation et de la mainmise d’acteurs privés sur ces mêmes données.
Les données publiques doivent servir au bien public.
L’information publique est vitale pour continuer à évoluer au sein d’une société libre et d’un marché ouvert. Cette affirmation était vraie il y a des siècles, et l’est toujours à l’ère d’Internet. La question se pose aujourd’hui de savoir si les données publiques doivent rester entre les mains des citoyens ou être transférées sans entrave à celles des entreprises privées.
Les données publiques du web appartiennent aux utilisateurs, et non aux monopoles privés. Si l’on souhaite garantir la sécurité de ces mêmes utilisateurs, l’accès de tous aux données publiques du web demeure vital.
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Collecter, analyser, anticiper
Quel est le point commun entre les luttes contre le trafic d’êtres humains, la cyberintimidation et la désinformation ? La réponse se trouve en face et tout autour de nous : les données web accessibles au public.
Ces données nous permettent de mettre en lumière les recoins sombres de la toile et, ce faisant, de dissuader ceux qui veulent nuire. Les données publiques conduisent en effet régulièrement les enquêteurs aux portes virtuelles des criminels et de leurs réseaux. A titre d’exemple, près de la moitié des victimes de trafic sexuel aux États-Unis sont recrutées en ligne. Cette crise s’aggrave de manière exponentielle, et 29,3 millions d’éléments de matériel pédopornographique ont été identifiés et supprimés sur Internet en 2021, soit une augmentation de 35% par rapport à l’année précédente.
La lutte contre la traite des êtres humains n’est qu’un exemple de la manière dont les quantités de données publiques disponibles en ligne permettent d’identifier les activités déviantes et de combattre la criminalité. Elles sont également cruciales pour lutter contre la propagation de la désinformation, en recherchant dans les fils et messages sur les réseaux sociaux publics des signes de haine, de discrimination, de manipulation et de propagande politique. Certains organismes à but non lucratif se consacrent d’ailleurs déjà à la démocratisation de la lutte contre les discriminations en ligne à partir de bases de données ouvertes.
L’accès aux données publiques de ce type est donc absolument essentiel pour anticiper et analyser les tendances susceptibles de se transformer en violence à l’échelle mondiale, et tenir pour responsables les plateformes qui laissent se développer les discours haineux et discriminants.
Des données libres au service du bien commun
Le succès de ces actions de lutte et de prévention ne peut être atteint que si les données publiques restent publiques. Internet peut être un puissant outil au service du bien commun, tant que le droit de chacun à accéder aux données du web accessibles au public est respecté. Les intentions initiales du web étaient de garantir un libre flux de données. En gardant notre sens de l’éthique et de la transparence, et dans le strict respect de réglementations telles que le RGPD et les lois sur la protection de la vie privée des consommateurs, nous pouvons continuer à tendre vers cette promesse initiale.
Le savoir est synonyme de pouvoir. Dans ce contexte, le pouvoir est celui de faire le bien. Rendre les données web publiques accessibles, analysables et compréhensibles est un travail devant être effectué pour le bien commun. Il est une des clés de la protection de la démocratie, de la circulation de l’information, et du maintien de la libre concurrence.
Les chefs d’entreprise ont la responsabilité de respecter et faire respecter cette transparence. Chaque fois qu’une entreprise s’approprie des données publiques, Internet rassemble un peu plus à un alignement de fiefs privés plutôt qu’à la ressource publique ouverte qu’il était censé être.
Lutter contre les monopoles privés
Si l’information demeure synonyme de pouvoir, il est crucial de se prémunir contre les efforts visant à placer les données publiques dans les mains des seuls puissants. Tout au long de l’histoire de l’humanité, certains acteurs ont cherché à restreindre l’accès à l’information pour renforcer leur emprise sur le pouvoir, qu’il soit commercial, social ou politique. Cette tendance persiste aujourd’hui. La libre circulation de l’information est cependant une caractéristique des sociétés libres, où les gens peuvent accéder aux ressources dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées.
Il faut donc continuer à se battre pour que chacun ait le droit d’accéder et d’utiliser les données publiques du web. Aucune entreprise ou entité ne devrait être autorisée à thésauriser des informations accessibles au public pour son seul profit financier. Ces informations doivent rester démocratisées et accessibles à tous.
Il est clair que les avantages des données accessibles au public l’emportent sur les coûts. En les utilisant mieux, les gouvernements, institutions, ONGs et entreprises pourraient mieux anticiper les vagues d’opinion, aider à mettre un terme aux crimes de haine raciale et ethnique, et protéger les personnes vulnérables aux trafics.
En donnant la priorité à l’accès sans entrave aux données publiques sur le web, Internet a le potentiel de devenir un espace de collaboration et d’innovation où l’exploitation de l’information se fait au profit de tous. Encore faut-il y parvenir.