Thomas Hindré, VP Europe du Sud, Fluent Commerce, revient sur l’avenir de la livraison dans le retail. L’année qui vient de s’écouler, marquée par la pandémie et les confinements, a provoqué un changement sismique dans le monde du retail, provoquant une hyper-accélération des tendances qui avaient déjà remodelé ce secteur, parmi lesquelles l’omnicanal, les livraisons autonomes et l’essor de l’intelligence artificielle.
- Les habitudes, les comportements et les attentes des consommateurs vont continuer de changer. Les retailers doivent poursuivre leur mutation pour rester compétitifs et offrir le type d’expérience que les clients attendent.
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Prenons deux exemples : la durabilité et l’impact environnemental s’imposent de plus en plus comme un critère de choix chez les consommateurs. La question de la livraison également. Le coût, la fiabilité, la flexibilité et la rapidité restent en tête des préoccupations pour la plupart des consommateurs. Mais les conséquences sur l’environnement engendrés par la livraison de produits provenant de l’autre bout du monde entrent de plus en plus dans la décision d’achat des consommateurs.
Le critère de la durabilité
Le « dernier kilomètre » est au cœur de campagnes très médiatisées, menées par des leaders du marché, tels qu’Amazon ou Ikea, qui mettent en avant leur utilisation de camions électriques. Ils sont loin d’être les seuls. De nombreuses grandes marques du retail se sont engagées à utiliser des véhicules écoresponsables. Naturellement, cela contribue à une meilleure performance environnementale globale, mais cela n’atténue pas l’impact écologique de la logistique longue distance, qui nécessite toujours des flottes de transport fonctionnant au diesel.
Alors, où va nous mener cette quête de durabilité ? Les consommateurs vont continuer de demander aux enseignes de s’améliorer sur ce point et de démontrer leur engagement à protéger la planète – sachant que si elles ne le faisaient pas, elles risqueraient de compromettre la fidélité des clients d’une part et la confiance qu’ils accordent à la marque d’autre part.
L’importance de l’éthique
Si le respect de ces exigences jouera un rôle dans l’expérience globale du client et aidera les marques à protéger leur image, il contribuera avant tout à la réalisation d’un objectif plus fondamental et global, à savoir la protection de la planète à une époque marquée par un consumérisme de masse.
De nombreux autres points doivent être considérés, comme par exemple le bien-être de la main-d’œuvre qui joue un rôle important dans la durabilité globale et le comportement éthique des entreprises. Les retailers doivent désormais se préparer à être régulièrement dénoncés publiquement pour leurs mauvaises conditions de travail ou leurs mauvaises pratiques en matière de santé et de sécurité – à l’image de la récente controverse sur la distanciation sociale à laquelle BooHoo a dû faire face.
À l’avenir, les détaillants devront simplement intégrer des processus d’assurance dans les chaînes d’approvisionnement – de la production à la livraison – pour affirmer avec confiance leurs références en matière de durabilité et d’éthique. Il en va de même pour la diversité. Car, comme le montrent les études menées par Gartner, les femmes ne représentent que 14 % des cadres supérieurs de la chaîne d’approvisionnement. Il incombe aux détaillants de joindre l’acte à la parole et de s’attaquer d’urgence à ces questions majeures.
La flexibilité est primordiale
Bien d’autres facteurs influenceront également la nature et le rythme des changements dans le commerce au cours des années à venir. De nombreux retailers ont déjà réalisé des investissements afin d’améliorer le contrôle et la visibilité de l’infrastructure de leur chaîne d’approvisionnement. Par exemple, des solutions Cloud permettent désormais de gérer et d’expédier les commandes au sein d’un tableau de bord unique qui agrège et compare les données de ces différents flux.
À l’instar de nombreux secteurs, les données et l’analytique sont de plus utilisés dans la livraison et la fullfilment pour observer et gérer les performances des différents transporteurs (ou des magasins) dans une ville ou dans une région en particulier. De même, l’innovation technologique contribue à améliorer les prévisions. Grâce à des données historiques sur les volumes de vente, combinées à des données en temps réel telles que les conditions météorologiques ou politiques, les retailers peuvent avoir accès à un ensemble de données précises et détaillées leur permettant de faire les choix les plus efficients, comme par exemple savoir où répartir les stocks, voire même s’il faut ou non fabriquer les produits.
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Tout cela s’inscrit dans un schéma plus général d’innovation technologique au sein duquel l’automatisation passe d’une fonction de niche à une norme générale. Ainsi, la robotique des entrepôts devrait être l’un des principaux bénéficiaires de la pandémie de Covid-19. Malgré l’annonce de programmes de vaccination massifs et la perspective d’un retour progressif à la normale, les retailers constatent que le coût du déploiement de la robotique devient, pour la première fois, compétitif par rapport à celui de l’emploi de personnel humain.
De plus, la polyvalence du modèle « as a service », qui permet de déployer des robots sur la base d’un abonnement mensuel, accélère encore l’adoption de ces technologies transformationnelles. Cet exemple, comme de nombreux autres changements observés dans le secteur, nous montre que la pandémie a créé les conditions favorables à l’émergence de technologie plus rapide que ce que l’on aurait pu prévoir au début de l’année 2020.
Améliorer l’expérience du client à chaque étape
Pour les retailers, ces changements ne sont pas seulement dictés par un souci d’efficacité et la volonté de réaliser des économies. Ils sont également motivés par la nécessité d’améliorer l’expérience du client à chaque étape de son parcours. Les études montrent que le coût et la communication restent les facteurs clés de la satisfaction du client en matière de livraison. Ainsi, l’enquête annuelle d’UPS a révélé que 55 % des clients envisageraient une option moins chère mais plus lente si elle était disponible, tandis que l’enquête Covid-19 de Royal Mail Delivery Matters a montré que la majorité (87 %) des clients considérait comme une priorité absolue le fait d’être tenu informé de l’avancement de la livraison.
En outre, si la plupart des consommateurs associent l’idée de « livraison » au colis qui arrive à leur porte, l’expérience de la livraison commence en réalité dès la page d’accueil de la marque lorsque les promesses de livraison sont initiées. Les consommateurs veulent avoir une idée précise des options de livraison qui leur sont offertes ainsi que de la disponibilité des produits, comme ils veulent être sûrs que leur commande ne sera pas retardée ou annulée. En clair, une visibilité précise est essentielle pour pouvoir construire une promesse client fiable à 100%. Les acteurs du retails qui parviennent à répondre à ces différentes priorités seront alors en bonne position pour poursuivre leur développement face à des consommateurs de plus en plus conscients du sens qu’ils donnent à leurs achats et de leur fidélité à une marque.
Avant même la pandémie, le secteur du retail était déjà en évolution permanente. Depuis environ un an, les acteurs de ce secteur doivent aussi pouvoir s’adapter rapidement et faire preuve d’agilité face à une crise sans précédent, afin de satisfaire les attentes toujours plus importantes des consommateurs. De nombreux retailers ont ainsi acquis une expérience précieuse des stratégies et des comportements nécessaires pour survivre dans les circonstances les plus difficiles.
En étant capables de s’adapter rapidement aux situations les plus délicates, les plus grands acteurs du retail ont donné le ton à un secteur qui restera en mutation pendant de nombreuses années encore, mettant la qualité de l’expérience client au cœur des enjeux de 2021.