Sensibles aux engagements RSE des entreprises, les consommateurs vont cependant de désillusions en désillusions. Pour redresser la barre, les dirigeants se doivent d’intégrer ces enjeux au cœur même de leur modèle économique.
De plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux et sociétaux, les consommateurs accordent une importance croissante aux engagements RSE que les entreprises prennent. Les effets de cette sensibilité sont bien réels. Selon la 22e édition du baromètre annuel d’Edelman sur la confiance (Edelman Trust Barometer 2022), 58 % des consommateurs se déclarent prêts à acheter ou défendre une marque si elle correspond à leurs valeurs.
Cela se manifeste dans tous les secteurs d’activité. Pour les entreprises spécialisées dans l’e-commerce, par exemple, le constat est sans appel : les retailers qui ne s’intéressent pas aux enjeux environnementaux risquent gros face à cette nouvelle exigence des consommateurs.
Plus de 60 % des acheteurs déclarent en effet être vigilants vis-à-vis de ces questions, recommandant aux marques d’utiliser les nouvelles technologies pour rendre l’exécution de leurs commandes plus écologique, selon l’édition 2021 du Baromètre Omnicanal OneStock, intitulée « Comment s’adapter à l’acheteur post-Covid ? »,
Entre l’essor de la seconde main et les préoccupations liées aux modes de consommation, les marques doivent montrer patte blanche, faire preuve de responsabilité dans l’exécution des commandes et de transparence sur l’impact des différents modes de livraison (empreinte carbone).
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Greenwashing : de nombreuses entreprises ne jouent pas le jeu, voire trichent
Mais dans les faits, un certain nombre d’entreprises ne semblent pas avoir réellement pris la mesure des enjeux les concernant. Dans une étude publiée mi-février 2023 et intitulée « Corporate Climate Responsibility Monitor 2023 », deux ONG – NewClimate Institute et Carbon Market Watch – pointent du doigt les manquements de 24 multinationales quant à leurs déclarations en matière de « neutralité carbone ».
Périmètre flou de la mesure de l’impact de leurs activités sur le climat, réduction insuffisante des émissions en regard des objectifs de l’accord de Paris, définition vague et utilisation inappropriée du terme « compensation »… Des entreprises aussi connues que Carrefour, ArcelorMittal, Stellantis, mais aussi Apple, Google, Volkswagen et Nestlé, sont épinglées pour leur communication ambigüe en matière de neutralité carbone.
En mai 2022, c’est la coupe du monde de football au Qatar qui a été accusée de greenwashing par l’association Carbon Market Watch. Construction de stades climatisés à usage unique, multiples déplacements en avion des différentes équipes avant et après les matches… Les 3,6 millions de tonnes de CO₂ affichées par le Qatar sont contestées par l’ONG, ainsi que la méthode de compensation mise en avant par l’émirat.
Les consommateurs sont entrés dans une « ère du cynisme »
Dans ce contexte, la défiance monte en puissance côté consommateurs. Dans un rapport appelé « Meaningful Brands », l’agence Havas met en avant le fait que moins de la moitié des marques (47 %) sont considérées comme dignes de confiance et que 71 % des consommateurs ont peu confiance dans le fait qu’elles sont réellement en mesure de tenir leurs promesses en matière d’engagements environnementaux, ce qui pourrait conduire à la disparition de 75 % d’entre elles.
« Les consommateurs sont entrés dans une ‘ère du cynisme’. Ils sont entourés de ce qu’ils perçoivent comme des promesses vides ou non tenues – à tous les niveaux de notre société – et nous commençons à voir l’impact de cette méfiance sur les marques. Plus les entreprises prétendent apporter des changements au niveau collectif et sociétal et plus ces promesses ne sont pas tenues, plus le fossé se creuse entre ce que nous attendons et ce que nous obtenons réellement, et plus le cynisme s’installe », déclare Mark Sinnock, Global Chief Strategy Officer chez Havas Creative Group.
Le rapport de l’agence Havas montre en outre que 66 % des consommateurs souhaitent vivre des expériences plus significatives et que 77 % des répondants attendent des marques qu’elles apportent leur soutien en temps de crise. Quant à la génération Z (les « digital natives »), elle attend avant tout de l’inclusion, se concentrant particulièrement sur la réduction des inégalités, dans des domaines tels que l’origine ethnique, la sexualité et les opportunités d’offres d’emplois. Elle apprécie les marques qui prennent l’initiative sur les questions sociales et embrassent la diversité.
Vers une transformation du modèle économique des entreprises ?
Selon l’Observatoire de la consommation responsable, publié par l’ObSoCo et Citeo, les entreprises œuvrant sur les marchés de consommation ont des marges de progrès importantes à exploiter. Les Français ayant participé à l’enquête ont ainsi pointé un certain nombre de pistes prioritaires, au premier rang desquelles se trouve l’innovation, afin de mettre au point des produits plus écologiques.
Ensuite, c’est sur l’information que les entreprises sont attendues : l’information sur le caractère écologique / responsable de leurs modes de production et de leurs produits, mais aussi l’information sur les usages les plus écologiques des produits. Une incitation de plus pour les marques de sortir de la seule logique transactionnelle pour accompagner leurs clients dans l’acte de consommation.
Mais plus globalement, il existe selon ce rapport deux manières d’envisager que la responsabilité trouve sa place au cœur du business model des entreprises. La première appelle une révision de la gouvernance des entreprises et une atténuation des pleins pouvoirs des actionnaires par son ouverture à l’ensemble des parties prenantes.
« La loi Pacte a ouvert un espace dans ce domaine dont certaines grandes entreprises se sont déjà saisies en se dotant d’une ‘raison d’être’ stipulant la mission que se donne l’entreprise au travers de son activité économique, sa contribution au bien commun, et en acceptant de faire contrôler le respect de ses engagements par un comité de mission indépendant composé de représentants des parties prenantes. Il conviendra d’observer la capacité de ce type de démarche à renforcer les engagements des entreprises, à ramener de la confiance et à crédibiliser leurs actions et leurs allégations après des consommateurs », peut-on lire dans le rapport.
La seconde consiste à internaliser la sobriété au cœur même du business model des entreprises. Le modèle de l’économie de la fonctionnalité semble à cet égard un modèle particulièrement intéressant.
« Rappelons qu’il s’agit pour un prestataire d’apporter une solution à un ‘problème’ de la clientèle visée au travers la vente d’un service, le prestataire restant propriétaire des moyens matériels nécessaires à la production de la solution. Outre que ce modèle peut conduire à une intensification de l’usage des moyens matériels (d’où une élévation du rapport effets utiles produits / ressources consommées), le prestataire est incité, pour être rentable, à optimiser la durée de vie des biens mobilisés, à les concevoir afin d’en faciliter la maintenance et la recyclabilité en fin de vie », conclut l’étude.