Un tiers des aidants sont contraints de démissionner pour prendre soin d’un proche fragilisé, annonçait cette semaine le baromètre « Aider et travailler 2023 ». Or selon l’AGIRC-ARRCO, en France un collaborateur sur quatre sera aussi un aidant, d’ici 2030.
Depuis, le sujet a pris de l’ampleur – ou plus exactement, il est devenu beaucoup plus visible. La journée nationale des aidants, fondée en 2010, c’est demain, 6 octobre. L’occasion de voir publiées deux études sur le sujet.
D’abord, le tout dernier colloque de l’Observatoire des aidants – La Mutuelle Générale, organisé ce 3 octobre, fait état de 11 millions d’aidants, soit un Français sur six.
Rares sont les entreprises à avoir pris des dispositions suffisantes
Il livre des chiffres édifiants, sur la base de 2 500 actifs interrogés :
- À peine une entreprise sur dix a pris des dispositions en faveur des salariés-aidants et l’a fait savoir à ses salariés
- 27 % des salariés-aidants se sont déclarés auprès de leur employeur (contre 70 % de salariés handicapés).
- Seuls quatre salariés sur dix savent qu’il existe des dispositions légales spécifiques pour les salariés-aidants
- Le manager est le premier référent des salariés-aidants dans l’entreprise (devant les collègues et les RH).
Parmi les points positifs, pour cet Observatoire, c’est « l’année de l’expérimentation ». Plusieurs projets ont vu le jour, dont l’un consiste à valoriser les compétences transverses des aidants dans l’entreprise. « L’aidance est souvent une épreuve, mais elle est toujours une expérience de vie très formatrice. Les aidants développent de multiples savoir-faire et savoir-être précieux pour leur employeur, que ce soit en termes de gestion de projet, de management ou de relations humaines. Une question se pose alors : comment valoriser, en entreprise, ces soft skills ou compétences transverses développées par les salariés-aidants ? »
Avec le conseil de Stéphane Hugon (Eranos), membre du conseil d’orientation de l’Observatoire solidaire, et en partenariat avec le Lab RH, association qui fédère les acteurs de l’innovation RH, l’Observatoire solidaire a constitué un groupe de travail inter-entreprises composé de DRH : chez Schneider Electric, le Groupe La Poste, Vinci, Acoss (Urssaf), Centreon, KPMG, Hager Group et La Mutuelle Générale bien sûr.
Des perceptions différentes
Ce groupe travaille sur la valorisation des compétences transverses des aidants en entreprise, dans un objectif de retour ou de maintien dans l’emploi, mais aussi de connaissance de soi pour les salariés. « Les huit séances de travail, qui ont animé ce groupe tout au long de l’année, ont permis d’aboutir à l’élaboration d’une première version d’un questionnaire d’auto-évaluation des compétences transverses à destination des salariés-aidants. Réalisé anonymement, cet auto-questionnaire peut aussi servir d’outil de dialogue entre le salarié et son employeur : il permet à la fois d’aborder le rôle d’aidant et d’identifier les compétences et aptitudes développées dans le cadre de cette situation. »
Schneider Electric, le Groupe La Poste et La Mutuelle Générale ont proposé de l’expérimenter dans les prochains mois auprès de leurs salariés.
Autre enquête qui paraît simultanément : le baromètre Interfacia, en partenariat avec le groupe VYV, l’ANPP, Tilia et le Lab RH (juin 2023, 506 aidant interrogés). Certains résultats viennent contredire les chiffres de la première étude : plus de six responsables RH sur dix (64%) affirmant par exemple avoir mis en place des actions pour les salariés aidants. Les actions en question sont-elles perçues de la même manière par tous ? Sans doute pas.
Mais les deux baromètres se rejoignent sur le sujet des compétences transverses : selon Interfacia, sept travailleurs aidants sur dix ont acquis de nouvelles compétences grâce à leur rôle, que ce soit la gestion des priorités (91%), l’organisation du temps (86%) ou l’efficacité (80%). Un chiffre corroboré par leurs collègues et managers (65%).
Autre chiffre, « aujourd’hui, plus de la moitié des salariés aidants (52%) sont des femmes, contre 48% qui sont des hommes. Et contrairement aux idées reçues, ils ne sont pas forcément des séniors car ils sont près de la moitié à avoir moins de 50 ans (48%). »
Les salariés aidants sont présents dans tout type d’organisation quelle que soit sa taille de manière parfaitement équivalente, à savoir : un tiers dans des entreprises de 249 salariés ou moins (37%), un tiers dans des entreprises de 250 à 4999 salariés (31%), et un tiers dans les entreprises de plus de 5000 salariés (32%).
Un impact direct sur l’emploi
Enfin, le sujet de la précarisation des aidants est sans doute à prioriser : « La part des aidants touchant une rémunération brute mensuelle inférieure à 2 000€ est de onze points supérieure à celle des actifs non-aidants. Une situation d’autant plus marquée qu’un tiers d’entre eux (35%) consacrent entre 500€ et 1 000€ mensuellement pour soutenir leur proche. » Plus d’un tiers des aidants (34%) affirment que cette situation a contribué à leur perte d’emploi. Par ailleurs, elle constitue un frein pour retrouver un emploi pour près de la moitié (48%).
Un quart des aidants travaillent d’ailleurs à temps partiel, un « choix » qui n’en est pas un : il est subi pour 69% de ceux concernés.
A lire
Repéré par Noémie Aubron (15Marches), les « enfants à temps plein » : « Surmenée et épuisée, Julie a abandonné son emploi de développeuse de jeux à Pékin en avril dernier pour devenir une « fille à plein temps ». Cette jeune femme de 29 ans passe désormais ses journées à faire la vaisselle, à préparer les repas de ses parents et à effectuer d’autres tâches ménagères. Les parents de Julie paient la plupart de ses dépenses quotidiennes, mais elle a refusé leur offre d’un salaire mensuel de 2 000 yuans (280 $ ; 215 £).) »