Au printemps 2022, Salesforce a lancé un plan de développement en France de 3,5 milliards de dollars sur cinq ans, en investissant notamment sur de nouveaux talents. L’occasion d’échanger avec Yaëlle Leben, directrice des Ressources humaines de la zone Europe du Sud (*) du groupe américain, éditeur de solutions de gestion de la relation client dans le cloud.
Alliancy. Salesforce a affiché des valeurs fortes dès sa création en 1999. Pouvez-vous les rappeler ?
Yaëlle Leben. Dans le groupe, nous avons une culture d’entreprise basée sur cinq valeurs très présentes, à commencer par la confiance, un élément clé qui débouche notamment sur l’organisation du travail. Suivent l’égalité qui s’assure que tout le monde a une place dans le groupe ; puis l’innovation ; la satisfaction de nos clients et, depuis un an, la durabilité.
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En lien avec ces cinq valeurs, il est important de rappeler également qu’à la création de l’entreprise, le CEO Marc Benioff a souhaité mettre en place le « modèle 1-1-1 », déjà très visionnaire à l’époque. L’objectif ? 1 % des capitaux, 1 % des produits, et 1 % du temps de travail sont consacrés à des projets philanthropiques. Ainsi, 57 heures par collaborateur sont données chaque année qu’ils peuvent dédier à des causes qui leur tiennent à cœur. C’est un élément très important de notre culture, mais aussi une des raisons pour lesquelles nous avons une vraie attractivité sur le marché et que l’on réussit à garder nos collaborateurs.
Auriez-vous des exemples ?
Yaëlle Leben. Lorsqu’une cause lui tient à cœur, un salarié peut rejoindre une communauté d’intérêt (les « equality groups »), que ce soit sur le thème du développement durable (EarthForce), des femmes dans la Tech, du handicap, de la diversité (BoldForce, LatinoForce…), de la religion (FaithForce)… Quasiment tous les collaborateurs font partie d’un ou de plusieurs de ces groupes.
Ce sont clairement des éléments qui nous définissent et dès que vous êtes accueilli chez Salesforce, ces groupes vous sont présentés et l’on vous encourage à y participer. C’est un élément culturel fort et collectif qui a justifié et justifie encore que l’on soit nommé, pour la deuxième année consécutive, au 1er rang du classement « Great Place to Work 2022 » en France. De même, Salesforce a reçu pour la 5ème année consécutive en 2022 le Prix du Choix des employés Glassdoor… Les jeunes générations sont très intéressées par tous ces sujets aujourd’hui, qui font largement écho à leur recherche de sens au travail.
D’autres éléments viennent-ils alimenter cette « culture » spécifique à Salesforce ?
Yaëlle Leben. On peut citer aussi l’organisation du travail, sur laquelle nous souhaitons rester très agiles. En mars 2020, à l’annonce du confinement, nous avons tous basculé en 100 % virtuel en deux heures et sommes restés dans cette configuration jusqu’en septembre 2021. Suite à cette expérience contrainte, nous avons fait évoluer notre approche du télétravail et sommes passés à ce que nous avons appelé « Success from Anywhere », avec l’idée que quel que soit l’endroit choisi par le collaborateur pour travailler, on doit être efficace.
Est-ce un mode de travail qui perdure encore ?
Yaëlle Leben. Depuis plusieurs mois, nous avons évolué vers un nouveau paradigme. Nous pensons qu’il faut équilibrer le virtuel et le présentiel, et souhaitons aujourd’hui que les collaborateurs aient une conscience de là où ils veulent travailler et pourquoi.
En conséquence, nous avons créé des « Flex Team Agreements », soit des accords d’équipes autour de la flexibilité du travail, pour les inciter à s’organiser. Les salariés ont besoin de se retrouver, mais c’est à eux de trouver la bonne fréquence pour le faire, que ce soit en mode hybride, présentiel ou virtuel…
Cette évolution du travail s’est faite avec le soutien de nos équipes Real Estate, qui avaient en charge de réorganiser nos espaces pour favoriser et encourager le retour des collaborateurs. D’où l’importance d’investir dans nos locaux que ce soit à Paris proche de la Tour Eiffel (siège social), Lyon, Nantes et Grenoble (pôle R&D), comme nous l’avons fait récemment. Et ça marche ! En France par exemple, 85 % des gens reviennent au bureau et, sur la dernière année, plus de 1 200 événements ont été organisé dans nos locaux avec les clients.
Cette flexibilité totale est aussi une question de productivité…
Yaëlle Leben. Absolument. En optimisant nos déplacements et notre organisation, c’est une question de productivité mais qui va bien au-delà de l’outil. C’est aussi un élément de culture car nous avons recruté pendant la pandémie plus de 20 000 collaborateurs. Pour autant, si l’intégration a très bien fonctionné en « full remote », il manquait la culture de l’entreprise… D’où notre évolution vers ces « Flex Team Agreements », dans lesquels chaque équipe définit son organisation interne.
« Ce qui compte, c’est notre écosystème. Nos clients ont aussi besoin de ressources pour grandir… Notre priorité est donc d’attirer des candidats pour nous, comme pour nos partenaires et clients », Yaëlle Leben, DRH de la zone Europe du Sud chez Salesforce.
Que dire de l’usage des outils collaboratifs sur toute cette période ?
Yaëlle Leben. Il faut en effet avoir les outils de collaboration qui vont bien et, surtout, rester agiles. A ce sujet, nous avons évolué en interne suite à l’acquisition de Slack mi-2021 [pour 27 milliards de dollars, NDLR]. L’innovation est une valeur qui nous porte et notre nouvelle plateforme collaborative (appelé « The Digital HQ ») permet à l’entreprise de connecter à la fois salariés, clients et partenaires entre eux, le tout dans les flux de travail existants. Nous avons ainsi basculé d’un fonctionnement de tâches à un fonctionnement de gestion de projets… Ce qui est un autre élément-clé de notre stratégie de « Flex Team Agreements » autour du travail hybride.
Il y a une pénurie de profils dans la Tech… Quels sont les différents moyens que vous mettez en place pour faciliter vos recrutements ?
Yaëlle Leben. Nous continuons de croître en France et en Europe du Sud. A date, Salesforce a atteint ses objectifs de recrutements sur l’année calendaire. A noter toutefois que ce qui compte pour nous, c’est notre écosystème de clients et partenaires et qu’il est vrai qu’il y a une réelle pénurie de talents sur le marché.
Nous lançons donc de nombreuses actions un peu partout qui servent l’ensemble de cet écosystème, comme « 1 000 femmes dans la tech » par exemple, première initiative de notre « Talent Factory » pour la formation et la création de 1 000 emplois pour les femmes dans le numérique. Nous accompagnons également des associations comme Social Builder et la Fondation Emmaüs, sur du coaching dans des formations qu’elles organisent. Nous sommes aussi associés au modèle P-TECH, qui œuvre en faveur de l’inclusion, de l’égalité des chances et de la formation de talents divers pour les métiers de demain. Tous les emplois dans le numérique ne sont pas de très haut niveau, mais les gens ne le savent pas…
Enfin, nous proposons Trailhead, une plateforme gratuite de formation en ligne dans le numérique, accessible au grand public comme aux professionnels. C’est notamment un outil de conduite du changement pour se familiariser aux outils Salesforce.
(*) La zone Europe du Sud de Salesforce intègre la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, Israël, le Moyen Orient, le Maroc et l’Afrique du Sud, où le groupe compte des entités dans les cinq premiers pays.
Chiffres clés de Salesforce
- +78 000 salariés dans le monde
- 26,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022
- 12 000 collaborateurs environ en Europe, dont 1 700 en France (+ 20 % par an)
- Selon le cabinet d’études IDC, Salesforce et son écosystème de clients et partenaires en France devraient générer plus de 53,64 milliards d’euros de revenus à travers leurs activités, et créer 211 300 nouveaux emplois directs ou indirects d’ici 2026 dans tous les métiers techniques et non techniques autour de la vente, du service client, du marketing digital et du e-commerce.