Le président réélu débute son mandat sur fond de grogne populaire (inflation, réforme des retraites, réforme du RSA…) et a déclaré lors de son tout premier déplacement officiel, le 27 avril à Cergy, qu’il nommerait un Premier ministre « attaché à la question sociale ».
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Pour chacun d’eux, il est intéressant de constater que nous sommes au milieu du gué : il s’agissait déjà de promesses de campagne en 2017, qui restent d’actualité pour ce nouveau mandat. Ce second quinquennat doit donc avant tout apporter la preuve d’une capacité à aller jusqu’au bout de ces transformations qui resteront, sinon, décevantes.
Industrie 4.0
L’avenir de l’industrie française est au cœur de la question sociale. Au travers notamment de deux thèmes. D’abord, le pilier de l’Industrie 4.0, c’est-à-dire la mise en réseau et la collecte de données sur les équipements industriels. Il s’agit là d’un sujet 100% Tech, soutenu par l’État français dès le mandat de François Hollande et repris par Emmanuel Macron.
Mais entretemps, la pandémie a mis en lumière l’importance de relocaliser une partie de notre production industrielle. Et la réindustrialisation est devenue le deuxième thème remis au goût du jour. En dix ans (2012-2022), l’économie française a perdu plus d’un million d’emplois industriels et la part de l’industrie dans le PIB est passée de 20 % à 10 % (source Mediapart).
Ces deux chantiers sont donc à mener de front.
En octobre dernier, Emmanuel Macron a annoncé un nouvel investissement de 30 milliards d’euros (Plan France 2030) pour réindustrialiser la France et la projeter vers les secteurs d’avenir : numérique, industrie verte, biotechnologie, espace, santé…
Une enveloppe de 800 millions d’euros a été allouée à la robotique industrielle : 400 millions d’euros sont dédiés aux offreurs de solution et l’autre moitié servira à accompagner la transformation des sites industriels vers l’industrie 4.0.
Numérisation des services publics & illectronisme
« D’ici 2022, 100 % des démarches administratives pourront être effectuées depuis Internet », promettait le candidat Macron de 2017.
Nous n’y sommes pas, mais les progrès sont réels. « On compte 212 démarches numérisées parmi les 250 les plus utilisées par les usagers », annonçait Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, en septembre dernier.
Certaines démarches, comme les procurations de vote ou le permis de conduire, se font désormais en ligne, quand d’autres, comme le renouvellement d’un passeport, nécessitent de se déplacer en mairie – avec des délais post-pandémie particulièrement longs.
En parallèle, FranceConnect, le dispositif public d’identification sur internet, a dépassé les 30 millions d’utilisateurs, en avance d’un an sur ses objectifs prévisionnels, a indiqué en octobre dernier la Dinum. En ce mois de mai, nous sommes à 37 millions. Parmi les priorités à venir de l’État : éviter que les identifiants des Gafam (« Je me connecte avec mon compte Gmail ») ne deviennent le sésame universel d’Internet.
Autre promesse tenue d’Emmanuel Macron : le droit à l’erreur. « Le cœur de la mission de l’administration ne sera plus la sanction, mais le conseil et l’accompagnement », promettait-il en 2017. La mesure a bien été instaurée dans le cadre de la loi « pour un État au service d’une société de confiance » votée en 2018. Les entreprises et citoyens français sont désormais présumés de bonne foi : charge à l’administration de prouver le contraire.
En filigrane de ces mesures : la volonté de simplifier la vie des Français et d’améliorer l’accès aux services publics. Mais des freins subsistent, d’abord de manière très terre-à-terre en matière de couverture Internet. Même si les zones blanches ont diminué, selon l’UFC Que Choisir, 32 % des consommateurs en zones rurales sont encore privés de « bon haut débit ».
Dernier frein, culturel et social : l’illectronisme. Dans le cadre du plan France Relance, une enveloppe de 250 millions d’euros est dédiée à l’inclusion numérique. Elle comprend notamment le recrutement et le déploiement de 4 000 conseillers numériques (France Services) dans les territoires français. Certains y voient « un pansement sur une hémorragie ».
3 069 ont déjà été recrutés – 2 378 d’entre sont sur le terrain et 691 en formation – selon les derniers chiffres. Si le numérique peut simplifier la vie, il se retrouve donc aussi une nouvelle fois au cœur de la question sociale du fait de « la fracture numérique ».
Transformation numérique de Pôle Emploi & basculement vers France Travail
La lutte contre le chômage est le troisième grand axe social à prendre en considération. La transformation numérique de Pôle Emploi s’est essentiellement traduite sur le terrain par la généralisation de l’inscription en ligne des demandeurs d’emploi, et par l’automatisation du traitement des demandes d’allocation.
Selon le dernier rapport d’activité de la Cour des Comptes, Pôle emploi a ainsi pu réaliser des gains de productivité importants, qui « ont permis de redéployer une partie des conseillers vers l’accompagnement des demandeurs d’emploi ».
Mais la Cour estime aussi que les bénéfices de cette transformation « restent insuffisants pour permettre un redéploiement significatif de moyens au profit des demandeurs d’emploi les plus en difficulté », et notamment les publics touchés par la fracture numérique.
La Cour des comptes remet en cause également l’efficacité d’un autre dispositif numérique lancé par Pôle emploi : l’Emploi Store. Cette plateforme reste « peu utilisée », en raison d’une offre de services trop abondante : un véritable « maquis ».
Dans le programme 2022 du chef de l’État candidat à sa réélection, on pouvait lire : « Pôle emploi sera transformé en France Travail par la mise en commun des forces de l’État, des régions, des départements et des communes » (chapitre « Atteindre le plein-emploi et mieux vivre de son travail »).
Il s’agirait d’un guichet unique en matière d’accompagnement, d’indemnisation et de formation. En coulisses, il faudrait donc un « logiciel commun à tous les intervenants », regroupant les données des demandeurs d’emploi, ont souligné Les Echos. Comment mener efficacement cette transformation ? Et sera-t-elle suffisante face aux enjeux ? Voici deux autres questions auxquelles il faudra apporter des réponses dans les prochains mois pour ne pas décevoir.
Egalité hommes-femmes, le talon d’Achille du président ?
« L’égalité hommes-femmes : la grande cause devenue toute petite », titrait Mediapart en début d’année, pointant notamment la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur alors qu’il était encore visé par une plainte pour viol.
Un autre rapport, publié par Oxfam France, Equipop et CARE France, avec la participation d’associations telles que la Fondation des Femmes, le Planning familial et ONE France, s’intitule « Grande cause, petit bilan ».
Le verdict est sévère : « la politique en faveur de l’Egalité femmes-hommes représente 0,25% du budget de l’État », « il manque 230 000 places de crèches en France et 40% des parents d’enfants de moins de 3 ans sont sans solution de garde », peut-on notamment y lire.
Le nouvel index d’égalité professionnelle, qui devait permettre de faire du « Name and Shame », est dénoncé comme un outil de « gender washing ». La moyenne des entreprises françaises est de 85 points / 100. « Il s’agit de 4 à 5 indicateurs en fonction de la taille des entreprises. L’un des indicateurs, c’est le nombre d’augmentations pour les femmes et pour les hommes. Donc une entreprise peut augmenter toutes les femmes de 5 euros et tous les hommes de 100 euros et elle aura tous les points de l’indicateur. Et c’est pareil pour tout », expliquent les auteurs du rapport.
Alors, à quand un outil numérique, Data et IA, pour nous aider à y voir (vraiment) plus clair ?