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Signature électronique : La France se voit leader en Europe

Clarification de la réglementation, simplification des solutions… Toutes les conditions semblent réunies pour que la signature électronique se démocratise au quotidien. Mais, au-delà du Web où la signature électronique s’est imposée comme une évidence, tour d’horizon des secteurs en pointe et des forces qui accélèrent cette transformation.

Avec le règlement eIDAS (Electronic Identification and Trust Services) qui s’imposera aux 28 États membres au 1er juillet 2016, l’Europe a posé les premiers jalons d’un marché européen de la confiance numérique.

C’est sans doute l’opération la plus significative depuis le rachat d’EchoSign par Adobe en 2011, l’Américain DocuSign, présidé par Keith Krach, qui postule au titre d’Entrepreneur de l’année 2015 décerné par le cabinet EY [il a reçu le titre en Californie du Nord, Ndlr], vient d’acquérir la branche signature de son partenaire français Opentrust. « Il est prévu que 64 personnes rejoignent DocuSign. La séparation des activités a été définie dans les détails, il faut attendre les autorisations administratives pour la mettre en œuvre », explique Pascal Colin, directeur général d’Opentrust, au lendemain du deal qui, de façon symbolique, s’est conclu par une signature électronique ! « Mais, comme ce n’est pas une petite signature que l’on fait tous les jours, nous avons organisé une cérémonie le lendemain pour se voir et se serrer la main », précise-t-il.

Les banques mutualistes pionnières 

Si rien n’a filtré sur le montant de la transaction, DocuSign, qui revendique 50 millions d’utilisateurs, avait levé 206,3 millions d’euros (233 millions de dollars) en mai pour financer sa croissance externe. Après le Brésilien Compova l’an dernier, l’Israélien ARX en mars, le groupe réalise, ici, sa première acquisition en Europe. Grâce à ce rachat et aux recrutements déjà prévus d’ici à la fin 2015, il devrait doubler son effectif sur le VieuxContinent. DocuSign employait environ 80 personnes principalement à Dublin. Ce que nous confirme, Sébastien François, Country Manager au bureau parisien de DocuSign : « Nous construisons un réseau mondial de confiance. Pour prendre l’image du paiement par carte bancaire, le réseau mondial a été construit dans les années 1970 et 1980, aujourd’hui, on ne se pose même plus la question de savoir si sa carte va être compatible dans tel ou tel pays. » C’est donc la France que DocuSign a choisie comme tête de pont de son développement en Europe. « C’est une grande fierté pour nous, mais aussi un motif de fierté pour l’écosystème français. La France a adopté la signature électronique plutôt mieux et plutôt avant les autres pays européens », analyse Pascal Colin.

Un constat partagé ? Chez Wacom, le fabricant de tablettes avec stylet, on semble plus mitigé. « Nous fournissons les notaires de France qui ont été les premiers dans le monde à adopter la signature électronique, témoigne Thomas Kaeb, responsable Business Solutions France chez Wacom. Mais, dans le secteur bancaire, qui est notre premier marché, la France est plutôt en retard par rapport à l’Espagne ou l’Italie pour la signature en agence. Les banques françaises ont d’abord investi dans la banque en ligne. » 

En France, les banques mutualistes ont montré la voie, la BPCE d’abord, suivie du Crédit agricole. « 32 000 postes de travail en agence sont équipés pour la signature électronique », assurait François Pérol, PDG de BPCE, lors de la dernière présentation des résultats annuels. La Bred s’est lancée en premier en 2011, suivi de la Caisse d’épargne et de la Banque populaire. Si elles ont choisi le même tiers de confiance, Dictao [renommé division Digital Security & Authentication/DSA depuis son rachat par Morpho, Ndlr], les deux banques ont choisi deux façons de signer différentes : la Banque populaire, avec des iPads et par code SMS ; la Caisse d’épargne, avec signature manuscrite sur les tablettes Wacom. « Ce geste est compris et accepté par le grand public, il recueille très clairement l’engagement du client, bien plus qu’un simple clic. Par ailleurs, notre solution peut inclure la dynamique de signature, pression et vitesse, donc en cas de litige, un graphologue peut l’authentifier. » Un risque de moins pour la banque. « Fin 2014, nous avions livré 25 000 tablettes dans les agences Caisse d’épargne. En juin dernier, Crédit agricole a finalisé le déploiement de 38 000 tablettes Samsung équipées avec des stylets Wacom. Pour les autres banques, elles sont toutes, au minimum, en phase d’expérimentation. »

Pour elles, l’avantage est clair : « Il y a un effet d’échelle phénoménal. Plus besoin de stocker du papier, en agence, à la caisse régionale, puis nationale. Et derrière, cela permet de savoir ce qu’on a signé comme crédits, à quelles conditions, donc tout ce qui en découle peut être automatisé », précise Pascal Colin. Ensuite, l’usage des tablettes de signature aide les conseillers à gagner du temps et de la disponibilité pour le client », renchérit Thomas Kaeb. La Caisse d’épargne estime avoir gagné 9 % de temps commercial. Par ailleurs, ses économies de papier ont été évaluées à 365 millions de feuilles, soit 8 millions d’euros. Mais, il reste peut-être une autre raison, moins prosaïque. « Il y a dix ans, il fallait un ticket d’entrée conséquent pour mettre en place une solution de signature électronique. Les banques avaient les ressources de conduite du changement que cela impliquait », reconnaît Sébastien François chez DocuSign. Les entreprises avaient besoin d’un outil rapidement opérationnel, sans rentrer dans des processus complexes d’intégration et de formation du personnel. Aujourd’hui, c’est possible. « OpenTrust s’est lancé dans le cloud, il y a déjà quatre ans, puis il y a eu le partenariat avec DocuSign il y a deux ans. Résultat : une solution 100 % mobile et agile », rappelle Sébastien François. Ce qui a convaincu même les plus petits acteurs. « Pour les artisans, il y a un travail de sensibilisation que les organismes régionaux tels que les CCI ont notamment commencé à faire », témoigne Pascal Colin.

Les contrats de travail électronique

D’autres secteurs ont adopté la signature électronique, avec une croissance très élevée : « De l’ordre de 100 à 300 % selon les secteurs, car on part de zéro », explique Pascal Colin. Le premier département concerné, ce sont les ressources humaines, un domaine où l’on signe beaucoup… Dans les achats, on y vient aussi. J’ai des clients qui ne font plus aucun bon de commande ou facture papier », poursuit Pascal Colin. « Chez Wacom, nous travaillons avec beaucoup de sociétés de crédit à la consommation, comme Carrefour Banque, mais aussi avec la distribution, Leroy Merlin ou, bientôt, Norauto », témoigne Thomas Kaeb.

Dans la dématérialisation RH, BPCE fait encore figure de pionnière : elle a annoncé en juillet être le « premier groupe bancaire européen » à généraliser l’usage du contrat de travail électronique à toutes ses entités européennes. L’adoption se fera progressivement précise le communiqué, à commencer par Caisses d’épargne Picardie, Auvergne-Limousin ainsi que BPCE qui seront pilotes du projet. Toujours en juillet, Primagaz annonçait « 40 à 50 % de contrats signés électroniquement » et ce malgré une clientèle plutôt rurale. L’entreprise a choisi CertEurope (groupe Oodrive) : « un partenaire à l’écoute et réactif », témoigne Alexis Bédeneau, responsable des Systèmes d’information chez Primagaz, qui explique vouloir « étendre la signature électronique à l’ensemble du parcours client ». Enfin, Dictao, vient de signer avec un des grands acteurs de l’aéronautique, pour la maintenance prédictive. « Cette solution permet au personnel habilité à signer électroniquement leurs rapports, à tout moment et partout, même dans les airs et sans couverture réseau, tout en offrant les garanties sécuritaires et juridiques nécessaires », explique Laurent Fournié, directeur Produits et Solutions chez Dictao. L’objectif de l’avionneur : réduire le temps d’immobilisation des appareils en anticipant les opérations de maintenance. 

Polyanna Bigle, Avocate au cabinet Alain Bensoussan

3 questions à… Polyanna Bigle, Avocate au cabinet Alain Bensoussan

Que dit le droit français sur la signature électronique ?

C’est un objet de droit qui vient d’avoir 15 ans. La signature électronique a la même fonction qu’une signature manuscrite, c’est-à-dire manifester le consentement d’une personne. Les conditions de sa validité, en revanche, sont différentes : la nécessité de pouvoir identifier le signataire ; la garantie d’intégrité dans la création et la conservation de l’acte signé.

Que va changer le nouveau règlement européen ?

Il crée un cadre harmonisé pour divers objets de transaction électronique dont la signature électronique. Il consacre le principe de reconnaissance mutuelle des moyens d’identification électronique délivrés par les États membres. A cet effet, les agences allemande et française BSI et ANSSI ont publié les spécifications préliminaires d’un jeton eIDAS compatible avec les objectifs du règlement. Le règlement prévoit également un statut et des obligations pour les prestataires de services de confiance (PSCE).

Quel conseil donneriez-vous aux entreprises ?

La mise en œuvre d’un processus de signature électronique ne doit pas se faire à l’aveuglette. Une analyse juridique en amont est essentielle pour déterminer le niveau de sécurisation. Exemple :  en matière de facture électronique signée, la loi impose un niveau de signature électronique « avancé »  ou « RGS deux étoiles ». S’il n’y a pas de cadre, c’est à l’usager de définir  le niveau qui lui convient.

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