Spécialisée depuis trente ans dans l’étude des matériaux et des procédés, la petite équipe de l’Institut de formation technique supérieure (IFTS) de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, fait tourner, depuis la mi-2013, un FabLab à la fois ouvert au grand public et dédié aux professionnels de la fonderie, de la forge et de la plasturgie, qui forment le tissu industriel encore dense des Ardennes. « Nous avons soutenu ce projet dès son montage. Il répondait aux besoins du territoire et annonçait l’émergence de plusieurs autres projets de fabrication additive », indique Catherine Maieron, directrice du pôle de compétitivité champ-ardennais et lorrain Materalia.
Dénommé Smart Materials, le projet d’un coût de 120 000 euros sur deux ans, a été retenu avec treize autres candidats (parmi 154 dossiers) dans le cadre de l’appel à projets lancé par le ministère du Redressement productif, sur le thème de l’aide au développement des ateliers de fabrication numérique. Cette consécration vaut au FabLab une subvention de 70 % pour recruter une spécialiste du design industriel, augmenter ses plages d’accueil et intensifier ses échanges avec les PME locales.
Rapidité de la démonstration
Docteur en génie mécanique, enseignant-chercheur à l’université de Reims Champagne-Ardenne et secrétaire général de Materalia, Hervé Bonnefoy accompagne avec enthousiasme les ingénieurs, opérateurs et techniciens dans la révolution industrielle numérique. « Lorsqu’ils voient pour la première fois une imprimante 3D produire un objet, les professionnels restent d’abord interdits, puis ils réalisent les potentialités du système. Il s’agit souvent de sous-traitants qui prennent conscience qu’ils monteront fortement en gamme lorsqu’ils seront en mesure de présenter rapidement leurs propres prototypes à leurs donneurs d’ordre », souligne l’enseignant.
A l’appui de sa démonstration, un carton de pièces apparemment banales témoigne de véritables prouesses numériques. Les imprimantes 3D de l’IFTS ont fait émerger du néant une chaîne dont les maillons n’ont requis ni soudage, ni assemblage, ou encore un circuit hélicoïdal impossible à effectuer par usinage. Pour le tarif modique de 6 euros par heure, matière comprise, les entreprises ont accès à trois scanners 3D et à deux lasers à lumière structurée, respectivement dédiés aux motifs de surface et à la triangulation. A cet équipement d’une valeur de 30 000 euros, s’ajoute le parc de machines de l’IFTS lui-même, qui comporte entre autres une imprimante 3D industrielle fonctionnant par projection de polymères et une machine mixte polymère-acier. Le laboratoire compte s’équiper d’une imprimante à sable pour répondre aux besoins spécifiques des fondeurs.
La profession apprécie ce service, qui correspond aux objectifs du Plan de progrès des fondeurs ardennais. Les dix-neuf membres de cette initiative portée par l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) de la Marne et des Ardennes ont visité le FabLab. « Smart Materials leur permet de constater que l’impression 3D fonctionne bel et bien et de réaliser leurs propres essais avant d’investir eux-mêmes dans des équipements coûteux », explique Sandrine Mignolet, chef de projets du plan de progrès.
Pour trouver les profils adaptés
Spécialiste des tubes en acier destinés aux fluides, l’entreprise Fab 21, basée à Fumay, a envoyé l’ensemble de ses 50 salariés, par groupes de cinq, à Smart Materials pour préparer l’installation de nouvelles machines faisant appel à la 3D. « L’initiative nous a permis de cibler les techniciens et opérateurs les plus intéressés et les plus susceptibles de travailler sur nos nouveaux équipements », indique Bruna Cervellera, responsable RH de Fab 21.
En dehors du FabLab, d’autres formations plus pointues portent sur la conception CAO, la mise en œuvre de l’impression, la maintenance des équipements et la rétroconception de pièces. « Ces compétences intéressent les PME, mais aussi les grands groupes qui ne trouvent pas toujours en interne les profils adaptés. Il nous est arrivé de dépanner l’un d’entre eux, qui butait sur un problème de fichiers CAO détériorés », signale Vincent Marquet, ingénieur spécialisé dans la chaîne numérique à l’IFTS. L’institut développe également ses propres matériaux, tels des fils réfléchissants, lumineux ou intégrant des capteurs.