Le 5 septembre dernier, le groupe SNCF et l’École polytechnique annonçait de concert la création de Chaire ‘Intelligence artificielle et optimisation pour les mobilités”. Julien Nicolas, directeur numérique groupe SNCF, a accepté de répondre à nos questions pour nous en dire un plus, notamment sur les enjeux liés à cette Chaire.
Que représente pour la SNCF la création de cette Chaire intelligence artificielle et optimisation pour les mobilités ?
Pour le groupe SNCF, la signature de cette convention de mécénat avec l’Ecole Polytechnique et sa Fondation est un partenariat stratégique de recherche qui s’inscrit dans une vision long terme d’innovation pour l’avenir et pour le développement de la mobilité ferroviaire décarbonée. Elle marque le renforcement du partenariat de long terme entre SNCF et l’École polytechnique avec qui nous développons des travaux depuis plusieurs années. Ce partenariat permet à la SNCF de collaborer avec une institution de recherche de premier plan pour bénéficier de l’expertise académique de ses étudiants chercheurs afin de renforcer ses compétences internes, notamment en matière d’IA, ce qui est essentiel pour améliorer les services de mobilité et rester compétitif dans un secteur en rapide évolution. Cette collaboration permet aussi un échange de connaissances et de savoir-faire entre les chercheurs de l’École Polytechnique et les professionnels de la SNCF, enrichissant ainsi les deux parties. Chaque projet de recherche mené au sein de la chaire vise à produire des solutions tangibles et immédiatement applicables contribuant ainsi à l’amélioration continue de nos services et à la satisfaction de nos clients.
A quels besoins spécifiques l’IA peut-elle répondre quand on parle de transport ?
L’IA n’est pas un sujet nouveau chez SNCF, aujourd’hui, elle devient un levier de contribution de plus en plus fort à la stratégie du Groupe : L’IA fait partie de ces technologies sur lesquelles nous avons toujours misé pour transformer le ferroviaire, elle est largement l’utilisée pour améliorer et optimiser le service aux clients et contribue à l’excellence industrielle. C’est, depuis toujours, un sujet sur lequel nous sommes proactifs et SNCF s’est structurée très tôt pour prendre en main le sujet avec, notamment, un centre de compétence Data / IA doté de 70 experts composé de 10 data scientists et 20 data engineers. De même, au sein du groupe des équipes spécifiques ont été formées pour prévenir l’utilisation de la donnée (en qualité, en respect des règles RGPD, etc.) Nous avons beaucoup de projets qui répondent à des objectifs et à des enjeux servant autant nos clients que nos collaborateurs.trices. D’une part, contribuer à l’excellence industrielle en optimisant les opérations et en renforçant la sécurité et la fiabilité des services. En effet, pour l’appareil industriel, l’IA permet l’optimisation du temps et des coûts, de contribuer à une meilleure efficacité/performance et donc à un meilleur service au bénéfice de l’exploitation et du client. La maintenance préventive et prédictive par exemple. Cela permet détection au plus tôt des anomalies sur les matériels roulants, les équipements en gare (escalators), sur le réseau, nos infrastructures. C’est en moyenne -20% sur les coûts de maintenance en main d’œuvre directe sur les séries de matériel.
Pouvez-vous nous donner d’autres exemples ?
Oui, cela permet également l’optimisation sous contrainte des plans de transport en fonction des flux voyageurs, travaux, disponibilité du matériel ; la mise en place de systèmes de détection d’anomalies situés en entrée des centres de maintenance ; la facilitation de l’usage quotidien des référentiels internes, favorisant un accès plus rapide et plus efficaces pour tous à notre base documentaire (services supports et assistance RH et IT, pour les agents terrain, etc.) ; le traitement de tous les cas d’usage autour de la décarbonation. D’autre part, cela permet aussi d’améliorer l’expérience client en proposant des modèles de prédiction de trafic, de montée en charge pour optimiser le yield et adapter l’offre ainsi que les dessertes par exemple ou encore le traitement automatique des réclamations clients, de la gestion et personnalisation de son compte, de ses offres… Rien que sur le site et l’application c’est plus de 1,5 To de données collectées. Enfin, cela nous permet d’innover en continu notamment avec l’arrivée de l’IA gen nous avons passé un cap : Après l’ouverture de SNCF GPT en décembre 2023 (outil interne d’intelligence artificielle au service des collaborateurs. ) et les ateliers d’acculturation sur l’IA gen réalisés dans le Groupe (7000 personnes à date, 10k en octobre prochain), une démarche a été structurée pour avancer de manière coordonnée dans le Groupe. Depuis mars, la création d’un comité GenAI Groupe qui a permis de définir 3 convictions autour de l’IA générative : l’IA doit être prise en mains par le plus grand nombre, parce qu’elle sera utile au plus grand nombre. L’IA, pour créer pleinement de la valeur, nécessite un travail approfondi sur les usages ; Les impacts de l’IA doivent être véritablement maîtrisés. En paroles et en actes.
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Sur quels travaux d’IA (même embryonnaires) ou d’application, la SNCF est-elle déjà engagée ?
Nous avons quelques projets très concrets parmi lesquels on retrouve l’avatar de Simone, la voix de la SNCF que nous connaissons tous. L’avatar, animé par l’intelligence artificielle, informe et guide les voyageurs, et rend l’orientation en gare plus intuitive. C’est actuellement en test gare du Nord. Il y a aussi Trad SNCF qui va permettre à nos agents d’échanger en 130 langues avec les voyageurs du monde entier cet été et, enfin, SNCF Optim’ Service qui regroupe toute une gamme de services et d’accompagnement aux salariés (services médicaux, aide sociale, organisation des déplacements professionnels…) travaille sur une assistance basée sur l’IA Gen en intégrant l’ensemble de sa base documentaire et de ses fonctionnalités. Enfin il ne faut pas sous-estimer notre engagement permanent sur les impacts de l’IA, avec une attention particulière sur trois types d’enjeux : Les enjeux éthiques et cyber, le dialogue social et l’empreinte environnementale de l’IA, tout particulièrement de l’IA générative. L’IA, la data doivent se coordonner avec un principe de responsabilité, au service de l’entreprise, des métiers, des clients…etc cela implique que nous devons être dans une position de responsabilité numérique. Car oui ce sont des moyens de développer de nouveaux services, du business, de la performance mais le pilotage et la gouvernance sont stratégiques.
Les attentes sont-elles plus côté grand public (services, etc.) ou côté pro (maintenance, etc.) ?
À la SNCF, les attentes vis-à-vis de l’IA sont significatives tant du côté grand public que du côté professionnel comme vu précédemment. Côté grand public, l’accent est mis sur l’amélioration de l’expérience voyageur, la personnalisation des services, et la sécurité et côté professionnel il s’agit davantage de maintenance prédictive, d’optimisation des opérations, et d’analyse de données pour améliorer l’efficacité et la sécurité. Mais ces deux aspects sont interdépendants : une meilleure maintenance prédictive et une gestion optimisée du trafic peuvent directement améliorer l’expérience des voyageurs en réduisant les retards et les pannes.