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[Edito] Sobriété numérique et réparabilité : la Californie fera-t-elle mieux que la France ?

Gavin Newsom, gouverneur de Californie, vient de signer coup sur coup deux lois qui visent à changer les modes de consommation des biens et services numériques. La première, le Delete Act, renforce nettement la capacité des Californiens à supprimer leurs données personnelles captées par des entreprises, avec un portail étatique pour centraliser et faciliter les demandes.

Surtout, en parallèle, Gavin Newsom a aussi intégré la réparabilité dans la loi. Les appareils électroniques ayant une valeur de plus de 100 dollars devront pouvoir bénéficier de pièces de rechange (et de mises à jour pour leurs logiciels), assorties de documentation, pour permettre la réparation pendant au moins sept ans. Les entreprises s’exposent sinon à une amende de 1000 dollars par jour, qui pourrait doubler en cas de récidive. Quelques autres États américains avaient déjà ouvert la voie en ce sens, mais la Californie est l’État le plus peuplé du pays et abrite les entreprises majeures de la Silicon Valley : l’impact de ses choix législatifs sur les États-Unis et le reste du monde est donc sans commune mesure.

Il est d’ailleurs intéressant de voir qu’Apple, après s’être opposé au projet, le soutient aujourd’hui. De son côté, Google a annoncé que son dernier terminal révélé en octobre, le Google Pixel 8, aurait bien sept ans de pièces détachées permettant la réparation. Alors que le « hardware » représente au moins 70% de l’impact environnemental du numérique, et qu’historiquement la réparabilité des smartphones, tablettes et ordinateurs portables a toujours été mauvaise, un tel changement est donc une petite révolution.

En France, la loi REEN (réduire l’empreinte environnementale du numérique) de 2021 a été pionnière sur ces sujets. Elle intègre par exemple noir sur blanc l’objectif de limiter le renouvellement des appareils numériques. Mais le diable est dans le détail.

Ainsi, la version votée n’est pas allée aussi loin que le souhaitaient ses soutiens au Parlement. Elle n’a par exemple pas allongé de deux à cinq ans la garantie des appareils, pour en réduire le remplacement. Et la séparation des mises à jour essentielles de sécurité avec celles plus superficielles (mais générant de forts effets d’obsolescence d’évolution dans les comportements des consommateurs) n’a pas non plus été entérinée. Pas plus que les dispositions pour soutenir massivement les activités de reconditionnement de matériel.

Le 9 octobre, l’Arcep et l’Arcom, les deux autorités administratives en matière de télécommunications et d’audiovisuels, ont cependant annoncé le lancement d’une consultation publique pour établir, à l’horizon 2024, le « référentiel général de l’écoconception des services numériques » prévu par la loi REEN. Au programme : la définition des pratiques pour allonger la durée de vie des terminaux, promouvoir la sobriété dans les usages ou encore diminuer les ressources informatiques utilisées, notamment par le streaming, l’IA, l’utilisation d’applications… Un autre objectif est d’accroître le niveau de transparence concernant l’empreinte environnementale des services numériques.

Ce référentiel doit ainsi permettre le calcul d’un « score d’avancement » pour suivre les performances environnementales d’un service numérique. Les fournisseurs de services et produits numériques seront aussi invités à publier une « déclaration d’écoconception » pour informer les consommateurs.

Faire des recommandations et proposer, in fine, un nouveau « label » peut certes aider les entreprises à rationaliser leurs efforts ; mais ces changements s’inscriront forcément dans le temps long. « Inciter sans contraindre », c’est effectivement le mot d’ordre de « l’écologie à la française » telle que définie par le président Emmanuel Macron lors du conseil de la planification écologique du 25 septembre. Mais est-ce vraiment suffisant ? L’impact de nos activités sur l’environnement, et en particulier sur le climat, est devenu tellement urgent qu’il s’accommode de moins en moins de demi-mesures. La France est-elle prête à entendre qu’elle pourrait bientôt être moins exemplaire en la matière que la Californie, pourtant le temple de la consommation numérique ?


Cet édito est issu de notre newsletter de la semaine du 9 au 13 octobre 2023, à découvrir dès maintenant : https://alliancy.fr/newsletter/13-10-23

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