C’était l’un des événements satellites les plus attendus par l’écosystème de la tech française. En marge du sommet de l’action sur l’IA, le 11 février, le « Business Day » a accueilli plus de 4 200 personnes à Station F : des entrepreneurs, mais également beaucoup de politiques venus envoyer des messages au monde économique. Et un invité surprise, en la personne d’Emmanuel Macron, venu dire « merci » aux entreprises mobilisées.
« Hier était un jour comme il n’en arrive pas beaucoup dans la vie d’un homme. » Eric Lombard, ministre de l’Économie, n’y est pas allé par quatre chemins pour résumer sa vision du Sommet pour l’action sur l’IA qui s’est tenu les 10 et 11 février à Paris. En ouverture du « Business Day » coorganisé par la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, mardi 11 février, le ministre a mis en avant le fait que le Sommet dans son ensemble était l’occasion de « démontrer que l’IA n’est pas une bulle » et qu’elle « touche toute l’économie, et pas seulement l’économie digitale, avec des solutions pour le climat, la santé, les chaînes d’approvisionnement, les administrations… ». Avec un message martelé : « les initiatives du secteur privé sont clés ; entrepreneurs et investisseurs sont au centre du jeu ». Des propos taillés pour ce « Business Day », événement satellite du Sommet officiel, qui avait pour objectif d’animer l’écosystème tech français dans l’un des hauts lieux emblématiques de la French Tech, le campus de start-up Station F. La promesse de l’événement était clairement de faciliter les rencontres professionnelles, avec des emplacements dédiés au speed dating, des stands présentant des start-up, ainsi qu’une application de networking. Pragmatisme business avant tout, les conférences et ateliers ont également fait la part belle à des témoignages d’organisations relatant leurs projets IA, même si les sujets réglementaires et macro-économiques ont occupé la matinée sur le « Master Stage » qui a accueilli le ministre de l’Économie.
Répondre aux critiques sur le poids de la bureaucratie de l’Union
Toutefois, la politique n’est pas restée aux portes de Station F. Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie, des technologies numériques, était venue passer ses messages sur l’attractivité de l’Europe comme un « continent IA », et pour répondre aux critiques sur le poids de la bureaucratie de l’Union. Avec en ligne de mire les investissements annoncés le même jour par Ursula von der Leyen de 200 milliards d’euros (dont 150 portés par les investissements de grandes entreprises privées européennes). L’ambition de multiplier par cinq les capacités des supercalculateurs européens pour que les start-up, les chercheurs, les PME, puissent avoir accès aux puissances de calcul qui leur manquent actuellement, s’est ajoutée à celle d’ouvrir des « gigafactories » sur le Vieux Continent. Autant de preuves, selon la commissaire, de l’attractivité d’un environnement digital « juste et démocratique » pour favoriser le business. Le secrétaire d’État allemand du ministère fédéral de l’Économie et du Climat, Bernhard Kluttig, ne disait d’ailleurs pas autre chose sur scène, en appelant l’Europe à « mener des actions rapides, audacieuses et de grande envergure » plutôt qu’à seulement « parler » d’IA.
« On veut continuer à avoir un max d’ambition »
Mais c’est surtout l’arrivée « surprise » d’Emmanuel Macron à Station F dans l’après-midi, qui a donné un tour encore plus politique à la rencontre. Si le président de la République n’apparaissait pas dans le programme officiel, il a en effet tenu à remercier de vive voix les participants et les entreprises présentes. « Je suis là pour vous dire un grand bravo. […] On veut continuer à avoir un max d’ambition, alors continuez de rêver grand, en portant les valeurs et principes qui sont les nôtres, ceux de la nation France », a-t-il lancé devant le public qui se pressait devant la scène centrale et sur les hauteurs des mezzanines du bâtiment. La courte prise de parole avait tout d’un exercice de style pour renouer avec la French Tech, qui a dû serrer les dents en 2024 devant les incertitudes budgétaires. Le président s’est en effet contenté de rappeler les annonces qu’il avait déjà égrenées depuis dimanche soir à l’occasion du Sommet, comme la captation de 109 milliards d’investissements venus du privé, signe de confiance des grands investisseurs internationaux dans l’écosystème français et la mobilisation de ses plus grandes entreprises notamment. Mais pour le Business Day, le bain de foule du président n’a pas été sans conséquences.
Selfie d’Emmanuel Macron avec les participants du Business Day à Satation F lors de l’AI Action SUlmmit le 11 férvier 2025. (Photo Aurelien Morissard / POOL / AFP)
Quand l’apparat politique triomphe des bonnes résolutions pragmatiques et business
Avec la mise en place des mesures de sécurité supplémentaires pour permettre sa venue, dans un lieu victime de l’affluence, l’événement s’est retrouvé paralysé pendant une bonne partie de l’après-midi. En attendant pendant près d’une heure l’arrivée du président, il n’était en effet presque plus possible pour la foule de circuler dans le bâtiment, pour rejoindre les rendez-vous business programmés ou encore les conférences et ateliers de la seconde partie de la journée. La logistique sur place a été mise à rude épreuve face à l’incertitude du timing de l’opération de communication présidentielle. À la fin de la journée, il restait donc beaucoup moins de participants pour écouter Clara Chappaz, secrétaire d’État au numérique, interviewer le pourtant très attendu Sam Altman, patron d’OpenAI, et Lisa Su, l’emblématique dirigeante du spécialiste des semi-conducteurs, AMD. Le passage imprévu mais paroxystique d’Emmanuel Macron avait en effet « conclu » l’événement avant l’heure en quelque sorte. Signe, s’il en est, que l’apparat politique peut facilement triompher des bonnes résolutions pragmatiques et business.