À près d’un mois des élections européennes, le collectif Convergences Numériques, avait donné rendez-vous, à plusieurs candidats pour entendre leurs positions sur le numérique. Entre enjeux de souveraineté et place du digital dans la transition écologique, le numérique divise.
Placer le numérique au centre des débats, c’est le souhait de Convergences Numériques. Alors que le 9 juin prochain, 360 millions d’Européens seront appelés aux urnes pour élire leurs députés à Bruxelles, le collectif composé d’acteurs du numérique comme le syndicat Numeum, le réseau de grandes entreprises Cigref, ou les association Afnum, Eurocloud et France Datacenter, a donné rendez-vous aux principales listes candidates dans l’Hexagone. Sept y ont répondu présents jeudi avril dans le 8e arrondissement de la capitale. Le Rassemblement National, pourtant favori des sondages, n’en faisait pas partie. “Le développement de l’Europe du numérique doit être un enjeu majeur pour les cinq années à venir”, indique en préambule Véronique Torner, présidente de Numeum, rappelant les contextes géopolitiques, sociaux et environnementaux dans lesquels le numérique joue un rôle croissant, alors que l’Europe se rêve en leader mondial technologique d’un autre genre.
“Le besoin d’Europe est absolument massif”, estime Clément Beaune, député Renaissance et porte-parole de la liste au nom évocateur, “Besoin d’Europe”, portée par Valérie Hayer (Renaissance). L’ancien ministre délégué chargé des transports prêche pour la nécessité de règles instaurées au niveau continental pour accompagner la révolution numérique. “Nous avons un modèle européen du numérique à défendre”, poursuit-il, empruntant comme contre-modèle, le schéma étatiste et antidémocratique chinois, ainsi que la vision dérégulée des États-Unis. Pour autant, le porte-parole de la liste de Valérie Hayer, pointe la nécessité d’une approche normative plus claire, prenant l’exemple du RGPD (Règlement général sur la protection des données) : “C’est une très belle avancée mais nous n’avons pas assez différencié les grands et les petits acteurs”, indique-t-il, estimant que cela peut être un frein à l’innovation.
Les propositions liées au numérique de la liste “Besoin d’Europe” portée par Valérie Hayer :
- 20% du budget européen consacré au numérique à travers notamment la mobilisation de la Banque Européenne d’investissement.
- Régulation du e-commerce en renforçant les moyens de contrôles des acteurs non-européens.
- Traiter le numérique comme un secteur hétérogène avec une logique de croissance des entreprises du numérique dans tous les secteurs de l’économie.
Comme première cible, Flora Ghebali pointe les réseaux sociaux, les jugeant responsables du fait qu’en France, un enfant sur deux ait “des pensées dépressives”. Puis l’ancienne chroniqueuse et fondatrice de Coalitions, agence œuvrant à la transformation écologique, la candidate sur la liste de Marie Toussaint, pour Europe Écologie Les Verts, pointe l’importance du numérique dans cette transition. “Le numérique et l’environnement sont un duo gagnant”, indique-t-elle avant d’ajouter, “Il est un levier incontournable pour faciliter et accélérer la transition écologique”. Après l’évocation du “IT for Green”, elle ne manque pas de pointer le “Green for IT”. “On ne peut pas nier le digital sur la crise écologique et l’Europe n’a pas de cap clair. On va devoir casser les silos.”
Les propositions liées au numérique de la liste Europe Écologie les Verts portée par Marie Toussaint :
- Renforcer le Green Data Space avec un meilleur partage de données entre le public et le privé.
- Mise en place d’un congé européen pour former aux métiers de la transition écologique y compris dans le numérique.
- Intensifier les ponts entre les créateurs de valeurs numériques et les politiques sous la forme d’une coalition.
Dans la longue série de propositions centrée sur l’Hexagone terminée, Nicolas Dainville (Les Républicains) est venu représenter la liste de François-Xavier Bellamy, a dessiné les contours d’un modèle singulier du numérique français dans lequel la protection des données et la conception d’un cloud souverain ont toute leur place.
Les propositions liées au numérique de la liste Les Républicains portée par François-Xavier Bellamy :
- Renforcement de l’agence de l’Union Européenne pour la cybersécurité ainsi que le renforcement d’Europol pour lutter contre la cybercriminalité.
- Création d’une loi extraterritoriale sur les données, inspirée du modèle américain.
- Un quota de 50% d’achats français et européens sur les logiciels provenant du continent.
Reprenant les propos d’Emmanuel Macron, “L’Europe peut mourir”, prononcés à la Sorbonne jeudi 25 avril, Jean-Marc Germain (Parti Socialiste), a précisé : “Ce n’est pas l’Europe qui peut mourir, mais ce sont les démocraties européennes qui sont menacées et c’est l’Europe qui peut les sauver”. Le représentant de la Liste Parti Socialiste – Place Publique portée par Raphaël Glucksmann (Place Publique) s’est dit fier de la capacité de l’UE (Union Européenne) de se hisser à la hauteur des enjeux numériques. Selon lui, la souveraineté sur le sujet est supranationale : “Elle est profondément européenne et nous assumons de pousser pour un protectionnisme européen”.
Les propositions liées au numérique de la liste Parti Socialiste – Place Publique portée par Raphaël Glucksmann :
- L’Europe doit passer d’un continent de consommateurs à un continent de producteurs pour contrer les ingérences étrangères, investir dans la transition écologique et la technologie.
- Utilisation de la commande publique pour acheter des produits européens dans le numérique notamment à l’échelle des collectivités.
- Uniformisation des règles dans toute l'Europe pour éviter les distorsions de concurrence.
Sa nationalité allemande pourrait induire en erreur, mais Sven Franck est bien la tête de liste pour Volt en France. Ce parti transeuropéen présente, à l’occasion des élections du 9 juin prochain, un programme commun sur l’ensemble du continent, de Paris à Lisbonne en passant par Athènes ou Dublin. “Nous voulons faire avancer de grands projets européens”, indique Sven Franck. À côté des droits sociaux et de la transition écologique, le numérique a une place de choix.
Les propositions liées au numérique de la liste Volt de Sven Franck :
- Une interopérabilité des outils numériques dans de nombreux domaines comme la défense, l’éducation ou encore le cloud.
- Soutien financier dans la création de logiciel, dans lesquels l’intervention d’autrui est possible, à destination de l’industrie ou du domaine public.
- Vers plus d’harmonisation pour aider les PME et faciliter leur accès au marché unique européen.
Rénover la démocratie par les moyens du numérique représente le leitmotiv du Parti Pirate dont la devise “Liberté, égalité, partage”, trahit la volonté de protections des individus. “Nous ne sommes pas étatistes mais un parti européen”, explique le porte-parole Pierre Beyssac. Dans ce projet commun à travers l’Europe, comme Volt, les “pirates” mettent le numérique en premier plan. “Nous sommes techno-réalistes”, précise le numéro deux sur la liste des élections européennes. Entendez par-là que le numérique doit servir d’outil d’émancipation, en éliminant les outils oppressifs de surveillance et d’hégémonie d’entreprises.
Les propositions liées au numérique de la liste Parti Pirate de Caroline Zorn :
- Pour une souveraineté personnelle grâce à la protection des libertés sur des systèmes étatiques et commerciaux souverains.
- Création d’écosystèmes libres pour la mise en place d’intelligences artificielles financée par les pouvoirs publics.
Dans un contexte de démocratisation massive et de forte montée en compétence des intelligences artificielles (IA), peu de candidats se sont emparés du sujet ce jeudi 25 avril. Kevin Vercin (La France Insoumise), assistant parlementaire de Manuel Bompart à l’Assemblée nationale, a souhaité la placer au centre du programme des Insoumis pour les Européennes. “Nous devons investir pour ne pas manquer le tournant de l’IA”, juge-t-il. Pour LFI (La France Insoumise), la montée en puissance des IA doit se faire dans un certain cadre, au service du progrès humain.
Les propositions liées au numérique de la liste La France Insoumise de Manon Aubry :
- Réglementer les Intelligences artificielles au service du progrès humain.
En tête des sondages pour les élections européennes, le Rassemblement National (RN) de Jordan Bardella a brillé par son absence, au rendez-vous donné par le collectif Convergences Numériques. Mais tout comme le parti Reconquête, la souveraineté nationale est également la clé de voûte de leur programme en matière de numérique. Aucunes propositions formelles n’ont encore été formulées par les listes de Marion Maréchal (Reconquête) et de Jordan Bardella (RN) pour les Européennes mais à l’occasion des Présidentielles de 2022, les deux candidats respectifs, Éric Zemmour et Marine Le Pen, mettaient en avant l’importance de créer des champions du numérique, ainsi que des solutions pour une protection des données et la création de clouds souverains, internes aux frontières de la France.