Né dans les années 2000, le concept de souveraineté numérique fait de plus en plus d’émules en cette période troublée de crise sanitaire et économique. Pour Colin Lalouette, CEO d’Appvizer, des axes de travail et d’améliorations forts sont à mettre en place, afin de favoriser nos solutions et ainsi participer à l’essor économique français et communautaire.
Le contrôle des ressources internet est devenu, avec la hausse exponentielle de l’utilisation des outils numériques, une question stratégique. La volonté de limiter l’hégémonie américaine sur la gestion du réseau s’est intensifiée au fur et à mesure des années et la Chine, l’Inde et la Russie ont été les premiers à lancer des politiques industrielles dédiées à cette lutte, suivis de près par de nombreux États, comme le Brésil.
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En France, il faut attendre 2009 et la ministre de l’intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie, pour que l’Etat s’empare du sujet en annonçant vouloir « garantir la souveraineté numérique » et « étendre à l’espace numérique le champ de l’État de droit ». Et ce n’est qu’en 2013 que l’Union européenne commence à s’intéresser au développement de moteurs de recherche ou de systèmes d’exploitation « souverains » … S’il n’y a pas, à ce jour, en France de définition « officielle » de la souveraineté numérique, le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur la souveraineté numérique la détermine, en 2019, comme étant « la capacité de l’État à agir dans le cyberespace », ce qui est une « condition nécessaire à la préservation de nos valeurs » impliquant, d’une part, « une capacité autonome d’appréciation, de décision et d’action dans le cyberespace » et, d’autre part, la maîtrise de « nos réseaux, nos communications électroniques et nos données ». Beaucoup de mots donc, mais peu d’actions.
La nécessité d’actions coordonnées
Certains lobbies, comme France Digitale, se mobilisent sur le sujet, mais nous manquons, aujourd’hui plus que jamais, d’actions coordonnées. En premier lieu à l’initiative de l’Etat, à qui il appartient de montrer l’exemple d’une consommation numérique locale en pratiquant une certaine forme de protectionnisme modéré. Ses organisations (ministères, administrations, collectivités territoriales, etc.) devraient, pour être en accord avec la volonté gouvernementale affichée, être dans l’obligation de considérer avant toutes autres des solutions locales (françaises ou européennes).
Mais la responsabilité ne saurait revenir qu’à l’exécutif. Le privé et les chefs d’entreprises en premier rang ont tout autant de leviers à actionner pour mettre en avant nos outils nationaux et/ou communautaires. Une véritable souveraineté numérique passera en effet par des investissements majeurs. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons rivaliser à grande échelle avec nos compétiteurs issus d’autres continents. Il faut plus d’argent donc, mais également en faire une meilleure utilisation. Si nous sommes aujourd’hui très forts pour booster l’offre, nous le sommes beaucoup moins pour générer de la demande. Il est donc essentiel d’axer une partie importante des investissements vers du marketing, de la communication pour, à la fois, intéresser en interne, mais également partir à la conquête d’autres marchés.
Des solutions souveraines qui n’ont pas à rougir
Le problème réside donc pour beaucoup dans un manque de communication et de mise en avant. D’un point de vue technique, ainsi que tarifaire, nos solutions sont tout à fait pertinentes. L’Europe et particulièrement la France sont même en pointe sur les domaines de la cybersécurité, de l’IA et de l’exploitation des données en général. Les compétences dont nous regorgeons à l’intérieur de nos frontières, nos talents, sont largement aux niveaux de leurs homologues américains ou chinois, avec notamment des cursus de formation (spécifiquement français à nouveaux – Cocorico) des ingénieurs IT très reconnus.
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D’autre part, ces outils made in Europe ou made in France sont bien plus sûrs en termes de protection des données. Il faut rappeler que les sociétés américaines, et même leurs antennes hébergées sur nos territoires, sont soumises au Patriot Act avant de devoir répondre au RGPD… C’est eux avant nous. Faisons pareil, nous en sortirons grandis, « nous avant eux ».