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Souveraineté numérique : penser l’intelligence artificielle à l’échelle de l’Europe  

Mardi 15 octobre, au salon Big Data AI, les acteurs du numérique ont plaidé, lors d’une table ronde, en faveur d’une collaboration européenne et non de souverainetés numériques nationales. L’évolution des modes d’investissements, de partages des données et d’utilisation de l’IA semble urgente pour résister aux géants outre-Atlantique. 

La France se classe troisième parmi les leaders de l’IA, pourtant elle reste largement distancée par les États-Unis, notamment en matière d’adoption et d’investissement. Le pays de l’oncle Sam a drainé 67,2 milliards de dollars d’investissement à destination de cette technologie. Cette somme colossale crée un fossé de compétitivité entre les start-up États-uniennes et les françaises. “Grâce aux collectivités locales, nous ne sommes pas limités sur le marché français. Mais, dès qu’on affronte la concurrence américaine, on se fait manger. C’est le cas pour les jeunes pousses qui visent le marché international”, estime Maxime Joly, consultant avant-vente chez Blueway. Cette hégémonie met à mal la souveraineté de la France, c’est-à-dire sa capacité à maîtriser l’ensemble des technologies – tant d’un point de vue économique que social et politique – et à se déterminer pour avoir sa propre trajectoire technologique. “Si on ne pense pas l’IA à l’échelle européenne, on est mort”, scande Caroline Chopinaud, directrice générale de Hub France IA. Pour elle, le concept de souveraineté est en inadéquation avec la compétitivité internationale. Il faudrait oublier le national au profit du continental. 

Créer une entité européenne 

“Il faut harmoniser les réglementations et les pratiques pour créer des champions européens”, explique Caroline Chopinaud. Dès 2018, l’Union Européenne s’est  positionnée en précurseur de la régulation numérique, avec le RGPD (règlement général sur la protection des données), suivi du DMA (digital markets act) et du DSA (digital services act) en 2024. Des start-up du salon Big Data, moteurs de l’innovation, réclament dorénavant une législation non seulement de régulation, mais qui encourage l’innovation. C’est l’objectif de The European AI Forum (EAIF), une association de plus de 2000 acteurs de l’intelligence artificielle qui échangent pour créer des pratiques communes et un marché européen. L’idée est d’y mêler législateurs et entrepreneurs. À l’image de cette organisation, l’UE met en place l’IA Act, une réglementation à destination des entreprises européennes qui définit les limites des usages de l’intelligence artificielle. “La régulation de l’IA permet aux acteurs d’évoluer dans un environnement de confiance, de l’utiliser sereinement, considère Ulrich Tan, directeur adjoint d’Etalab et chef du Datalab. Quand on utilise une voiture, on a confiance en elle, donc le marché s’épanouit. Sans ça, on crée des freins.”  

Une conjoncture pour investir   

En ce sens, l’Union européenne a donné un cadre aux start-up et leur nombre augmente à nouveau. Selon l’association Hub France IA a recensé 328 start-up en IA en 2023, contre 150 en 2020 et reçoit entre 10 et 15 demandes d’adhésion par semaine, de la part d’entreprises créées en 2023. Un boom économique marqué par la diversification des domaines et l’intensification du hardware, des audits, de la vectorisation verticale. L’innovation est un écosystème vivant où des jeunes pousses apparaissent, mais nécessitent de l’aide. “L’Europe est dans un momentum où il faut tout accélérer. Beaucoup de start-up spécialisées dans des sujets précis ont besoin de collaborer avec des grands groupes”, déclare Caroline Chopinaud. Les quatre participants de lala table ronde, Ulrich Tan, Xavier Vasques, Caroline Chopinaud et Fatiha Gas se sont accordé sur la frilosité des investisseurs à l’encontre des petites structures. Dans le village start-up du salon Big Data AI, les exposants ont repositionné la question de la peur du risque qui, selon eux, n’est pas nationale, mais européenne. Alors, pour inverser cette tendance, Caroline Chopinaud a encouragé la création d’une dynamique européenne à travers la collaboration des entreprises, l’achat de technologies et l’investissement sur le vieux continent. C’est toute une culture de l’investissement à repenser. 

L’intelligence artificielle en quête de confiance   

« Les données sont au centre de la transformation numérique de l’État (français). Le département du DINUM, Etalab considéré comme le Chief Data Officer de l’Etat, a ouvert ses données au public. Le commun du numérique permet la souveraineté », énonce Ulrich Tan, directeur adjoint d’Etatlab et chef du Datalab Dinum. L’objectif : rendre les données accessibles à tous dans l’espace français. Xavier Vasques, vice-président et CEO de IBM technology, recherche et développement et IBM France, soutient ces propos. D’après lui,“pour établir une souveraineté, il faut être maître des données utilisées”. Pour entraîner sa technologie Lea Alliance avec Meta, IBM a utilisé 6,5 Téraoctets de données et en a écarté deux tiers qui se révélaient issues de copyright. À l’inverse des boîtes noires, l’open source dévoile l’architecture et les données utilisées pour entraîner l’intelligence artificielle. Si Etalab propose un partage des données à l’échelle nationale, IBM, lui, voit cet échange à l’échelle européenne et internationale. “L’enjeu de la souveraineté, c’est d’avoir le choix des LLM”, explique Caroline Chopinaud. De cette manière, chaque startup a sa place sur le marché, puisque chaque entreprise propose un système différent. Cette transparence permet d’adopter les nouvelles technologies avec plus de confiance.  

Mettre fin à la course aux gros modèles  

Reste que “pour innover, malgré la baisse des investissements, il faut lutter contre l’idée que les modèles les plus gros sont les meilleurs. Le marché pousse aux gros modèles parce qu’ils demandent plus de place cloud et donc plus de coûts”, expose Xavier Vasques. Pour lui, le prix élevé de ces innovations décourage les entreprises. Un plus petit modèle permet notamment un plus gros retour sur investissement sur un lapse de temps réduit. “On ne doit pas faire de l’IA pour faire de l’IA, rappelle Ulrich Tran. Elle doit répondre à un besoin, s’inventer à partir d’un cas d’usage.” Les besoins des entreprises ne peuvent pas tous être comblés par l’intelligence artificielle. “Il faut privilégier le concept d’agent, soit distribuer des tâches précises et pointues à de petits modèles qui collaborent pour résoudre des problèmes plus complexes”, assure Caroline Chopinaud pour promouvoir une collaboration entre les start-up européennes.  

 

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