Ce nouveau lieu d’innovation, situé dans le 2e arrondissement de Paris, accueillera près de 200 résidents en octobre 2016. Start-up, grandes entreprises, services publics, étudiants, artistes et chercheurs collaboreront ensemble pour inventer les innovations sociales de demain.
La « Silicon Sentier » ne finit pas de grandir. Début avril, le quartier parisien des start-up a accueilli un nouveau lieu d’innovation : Liberté. Un nom symbolique mais difficile à porter. Situé rue d’Alexandrie, ce bâtiment encore en chantier ouvrira ses portes en octobre 2016 et sera accessible tous les jours au grand public. Une cinquantaine de personnes, des « résidents », sont déjà sur place pour imaginer les innovations de demain. « Créer un lieu n’est pas compliqué, mettre des gens dedans non plus. Le risque est que ça ne produise rien. On ne veut pas faire un lieu cool où on a du temps à perdre. Ce n’est pas un café philo mais un lieu d’actions et de réflexions », explique Jérôme Richez, cofondateur du projet. Avant de s’installer dans cet immeuble de six étages, cet ancien directeur de communication de SFR et Marylene Vicari, une consultante, ont créé un prototype, Le Player. Ce laboratoire d’innovation de 500 m², également dans le quartier du Sentier, vient de fêter son premier anniversaire. Le bilan est positif : une belle notoriété et un budget à l’équilibre grâce à un business model qui a déjà fait ses preuves dans les tiers-lieu. Aujourd’hui, 80% du chiffre d’affaires provient du conseil aux grandes entreprises et le reste des loyers des résidents.
Pour les créateurs de Liberté, les grandes entreprises sont indispensables pour plusieurs raisons. « Ce sont des accélérateurs de projets qui ont une puissance de feu financière et géographique absolument incroyable. Il sera intéressant de voir ce qu’elles sont devenues dans quelques années : une myriade de petites entités fédérées ou des grandes entreprises providence ? » s’interroge Jérôme Richez. En un an, plus de 750 collaborateurs de La Société générale sont passés au Player pour travailler sur des projets innovants. D’autres grands comptes sont ensuite venus frappés à leur porte comme EDF, Vinci ou encore Unibail Rodamco. A côté de ses grands noms, cinq autres catégories de résidents se côtoient : les start-up, l’Etat, des équipes diverses de chercheurs, artistes ou étudiants, des médias et des adolescents. « Nous voulons être pluridisciplinaires, multiculturels et intergénérationnels », insiste le cofondateur.
« Pas de golden boys »
Ce brassage ne signifie pas non plus que tout le monde peut devenir résident. Pour sélectionner les start-up, plusieurs critères ont été déterminés. Tout d’abord, les jeunes pousses doivent avoir un effectif réduit car les espaces sont limités, bien que le nouveau bâtiment fasse 1600 m². Ensuite, les sociétés doivent avoir une orientation « social business ». Liberté souhaite faire émerger des innovations pour le bien commun, appelée « la Tech for Good ». La démocratie participative, le social, l’éducation, la donnée, la réinvention du monde du travail…autant de sujets qui ont un impact positif sur la société. « Les sélectionnés doivent aussi être excellents dans leur domaine. Nous ne voulions pas uniquement des gens qui fluidifient un marché, pas de golden boys mais des entrepreneurs visionnaires, explique Jérôme Richez, ce n’est pas simple mais on en a trouvé. » Certaines ont déjà pris leur quartier dans les nouveaux locaux comme HelloAsso, une plateforme de crowdfunding pour les associations, ou encore Ticket For a Change, une jeune pousse organise chaque année un voyage dans villes françaises pour les entrepreneurs, ou encore Fluicity, un site qui met en relation élus locaux et citoyens.
D’autres sont seulement de passage, comme Jam, une start-up qui a conçu un assistant doté d’intelligence artificielle, pour les étudiants. « Nous n’avons pas nos bureaux à Liberté car nous sommes trop nombreux mais j’écris à Jérôme deux fois par semaine pour des évènements ou une mise en relation. Nous allons prochainement tourner une vidéo chez eux. On est dans l’écosystème Liberté », explique Marjolaine Grondin, CEO de cette jeune pousse. Liberté ambitionne aussi d’accueillir 25% d’internationaux. « Nous souhaitons être un point d’entrée des étrangers en France et un point de départ des Français vers l’international. Pour les attirer, nous comptons sur les Français, qui ont un réseau large à l’international. En en plus, je constate que la mouvance de la « Tech for good » converge vers la France », assure Jérôme Richez.
Sortir des stéréotypes sur l’Etat
La question du bien commun intéresse aussi l’Etat. La secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire, a d’ailleurs visité le lieu pour la pré-ouverture. Les créateurs ont entamé des discussions avec la ministre et ses collaborateurs pour les intégrer au projet. « Il faut sortir des stéréotypes sur les équipes de l’Etat. Il y a des gens absolument incroyables. Mais comme les grandes entreprises, ils sont confrontés à des problématiques de transformation monstrueuse. Ne pas vouloir travailler avec l’Etat ou avec les acteurs publics c’est se priver d’une puissance d’action incroyable », soutient Jérôme Richez, qui souhaiterait que des représentants de l’Etat intègrent le board de Liberté. Il salue également l’ouverture des données de l’Etat et encourage à poursuivre cette initiative, qui serait un outil essentiel pour les résidents de Liberté.
En réunissant tous ces acteurs, Jérôme Richez est plutôt confiant. L’appel à candidatures sera lancé en mai prochain pour accueillir d’autres pépites en octobre. Mais la pression est quand même là pour le co-fondateur : « Pour nous, le principal risque n’est pas économique, mais de médiocrité. Si on est médiocre avec un nom comme Liberté, ça se verra beaucoup plus vite ».