Les promesses des nouvelles façons d’exploiter la donnée sont nombreuses, mais les DSI font face à de multiples défis alors que les entreprises se transforment. Stéphane Berthaud, director technical sales France de Veeam, livre son analyse des priorités immédiates.Cette interview est extraite du guide stratégies data réalisé en partenariat avec Veeam.
Alliancy. Quelle est votre perception des stratégies que mettent en place les entreprises pour exploiter plus intelligemment leurs données ?
Stéphane Berthaud. En quelques années nous avons vu un vrai gain de maturité sur le sujet. Des acteurs très avancés, repensent complètement leur SI pour l’aligner sur une stratégie data. Seules les entreprises qui prétendent que leur activité n’est pas encore impactée par la transformation numérique décident d’ignorer le sujet. Le point commun des entreprises qui changent de stratégie, c’est qu’elles sont souvent challengées par de nouveaux entrants sur leur marché, qui eux se sont construits littéralement autour de la data. C’est le cas dans de nombreux secteurs : bancaire, transport, services…
Et quels sont leurs points de départ quand elles se remettent en question ?
Stéphane Berthaud. Les résultats de l’enquête (voir p.21) montrent l’importance des fondamentaux, pour espérer construire son avenir sur un socle solide. Rêver d’intelligence artificielle ne suffit pas à la mettre en œuvre s’il n’y a pas des fondations qui vont assurer la disponibilité, la fiabilité, la performance du système. Le paradoxe est que les DSI sont très prosaïques sur les sujets de la protection des données, sur la fiabilité… mais pour autant, ils sont tellement pris par le quotidien qu’ils déclarent aussi qu’ils aborderont ces thématiques « après » Or, s’occuper de ces sujets data après la transformation d’un datacenter par exemple, cela revient à réfléchir à son assurance déménagement après avoir changé de maison ! En résumé, le risque est bien perçu, mais souvent de façon déformée. La réalité est que ce sont les actuelles transformations intenses, très prenantes en temps et en énergie, qui provoquent de nouveaux risques non négligeables, qu’il faut anticiper.
Le gain de maturité des entreprises sur le cloud aide-t-il à mieux définir les priorités ?
Stéphane Berthaud. En fait, on retrouve ce paradoxe avec le cloud. Beaucoup de DSI, y compris parmi les grandes entreprises, se rassurent sur les questions de fiabilité et de disponibilité en déclarant avoir signé des Service-Level Agreements, et faire confiance aux engagements des fournisseurs. Rappelons qu’en réalité, les grands opérateurs de cloud prennent des engagements sur la disponibilité et la résilience de leur plateforme, mais pas de la data en tant que telle. Ils ne garantissent donc pas toujours les corruptions et sinistres sur la donnée.
Qu’est-ce que cela implique ?
Stéphane Berthaud. Les conséquences sont multiples vu la dépendance actuelle des activités à la donnée. En cas d’interruption d’accès à la donnée, il y a des coûts financiers directs et indirects, des impacts sur la production et sur l’image de l’entreprise. On oublie souvent aussi l’impact sur le moral des collaborateurs et les dommages ainsi faits à la confiance envers le numérique. Malheureusement, la complexité du sujet fait que les DSI n’ont souvent en place que des stratégies incomplètes. Par exemple, la réplication des données se fait régulièrement au sein du même cloud, chez le même fournisseur. Chez Veeam, nous défendons au contraire une stratégie dite « 3-2-1 ». Autrement dit, les jeux de données doivent exister en 3 exemplaires, dans 2 types d’environnements différents, dont au moins 1 sur un autre site géographique.
Les DSI doivent donc littéralement changer leurs habitudes, au-delà même de leurs outils ?
Stéphane Berthaud. Nous sommes sur des changements culturels majeurs. Toutes les DSI s’engagent sur le sujet brûlant du DevOps, qui a été très médiatisé. Cependant, il faut garder à l’esprit que même les changements en termes d’infrastructure, comme avec les architectures hyperconvergées, ont des impacts forts sur les équipes, sur les silos dans l’organisation, sur les compétences à rendre plus pointues et plus transversales, sur les actions de mutualisation… Et le monde va beaucoup trop vite pour espérer tout anticiper en amont. L’émergencedu multi-cloud en est l’illustration : ce n’est pas un choix maîtrisé par les DSI, mais une réalité souvent
jetée en travers de leur route, dont ils doivent soudainement s’accommoder.
Quelle est la problématique du multi-cloud à ce niveau ?
Stéphane Berthaud. C’est l’hétérogénéité de fournisseurs différents qui utilisent des sous-jacents technologiques différents – y compris pour les clouds privés – et des SLA différents. Cette hétérogénéité percute de plein fouet la construction des stratégies data. Les DSI -qui ont souvent eu des surprises avec leurs audit concernant les données et qui travaillent d’arrache-pied pour repenser la gouvernance data- doivent donc coordonner de nombreux sujets pour finalement garantir une chose simple : quand on déplace un workload d’un environnement à un autre, on doit obtenir le même niveau de service. Simple sur le papier, plus compliqué techniquement, si on ne renouvelle pas sa façon d’appréhender le sujet.
Les DSI peuvent-ils espérer gagner en maîtrise dans les mois à venir ?
Stéphane Berthaud. Les entreprises vont évidemment accélérer sur leurs chemins digitaux et beaucoup d’entre elles vont devenir l’équivalent d’éditeurs de logiciels. Les changements vécus par les DSI et ceux mis en œuvre par les offreurs de technologies vont donc se confondre de plus en plus, car nous avons les mêmes enjeux. Un point positif est que la maturité croissante autour du machine learning et de l’intelligence artificielle, va permettre également des avancées au service des stratégies data et d’assurer les fondamentaux désirés par les DSI. Les périmètres possibles des remédiations vont être beaucoup plus étendus dans les mois à venir. On se dirige également vers des systèmes où la détection automatique d’anomalies dans les systèmes, que ce soit des menaces ou des ennuis techniques, va appeler des réactions automatisées, comme la duplication immédiate vers un environnement sécurisé, pour que les données continuent toujours à être disponibles, accessibles, et au service de la stratégie de l’entreprise.
> Retrouvez les 3 points clefs selon Stéphane Berthaud pour les DSI dans le guide stratégies data.