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Stockage de données du futur : que prévoient les géants de la tech ?

Stockage de données du futur

IBM et Microsoft comptent parmi les acteurs majeurs du stockage de données. Si le premier domine le marché actuel, le second n’a pas dit son dernier mot quant aux développements futurs. Enquête.

Plus de données dans moins d’espace. C’est la quête essentielle des entreprises de stockage de données. Et leur quête est aussi existentielle. La production mondiale de données suit une courbe exponentielle qui fait que dans deux cents ans, si rien ne change, le poids de toutes les données stockées ici et là sera équivalent à celui de la moitié du poids de la Terre, selon Melvin Vopson, un physicien britannique. Vous n’y croyez pas ? Rien qu’en 2023, selon Statista, les données produites dans le monde depuis l’origine de l’informatique représente 50 zettaoctets (c’est-à-dire 50 x 10 puissance 21 octets, soit un 5 suivi de 22 zéros) et… devrait doubler d’ici 2025, c’est-à-dire que lors des années 2024 et 2025, nous produirons autant de données que le total jusqu’alors.

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Pour appréhender ce secteur clé en croissance constante, nous avons choisi de comparer le leader IBM avec l’un de ses plus farouches concurrents, Microsoft. Pour ces deux entreprises, nous avons conversé avec des responsables de R&D afin de rendre compte de leurs pistes de recherches. Pour Microsoft, nous avons obtenu des réponses collectives de la part de chercheurs de Redmond. Pour des raisons de commodité, nous attribuons donc les citations de ces derniers à « Microsoft ».

La bande magnétique fait de la résistance

Avant d’aborder le futur, concentrons-nous sur le présent. Actuellement, la plupart des données froides sont stockées sur des bandes magnétiques, des disques optiques, des disques durs et, dans une moindre mesure, des disques SSD.  « Tout le monde a beau dire que la bande magnétique, c’est fini, mais à l’heure actuelle, pour des raisons de coût, la grande majorité des offres de stockage massifs sont proposées sur de la bande magnétique. Or, IBM est le dernier fabricant de lecteurs. Pour stocker des exaoctets, il faut avoir la capacité matérielle de le faire, et ce de manière économique et durable. Le fait de se dire que des données non utilisées ne consomment pas d’énergie, ça change la donne pour l’époque empreinte d’écologie que nous vivons », prévient Benoît Vautrin, Storage France Business Development chez IBM.

IBM poursuit ses recherches sur ce type de stockage avec pour ambition de le rendre encore plus économique et plus performant. La sortie récente du Storage Scale System 6000 a mis en lumière quelques innovations comme le computational storage. « Si on exécute toutes les tâches avec les microprocesseurs, cela demande une consommation d’énergie électrique élevée et une puissance de calcul de plus en plus grande. Notre approche est d’exécuter une partie du traitement au niveau des disques, des contrôleurs de données, des cartes réseaux ou HBA. En fait, nous mettons de l’intelligence un peu partout. De plus la technologie Storage Scale, que nous portons, permet d’afficher un système de fichiers qui va être unique et donc de mettre de la NVMe, du SSD plus classique, du disque HDD et de la bande magnétique de façon transparente. », explique Benoît Vautrin. L’on peut affirmer que IBM maîtrise cette technologie puisque déjà il y a plus de 20 ans, à une époque où les disques durs coûtaient très cher, les chaînes de télé stockaient le début des émissions sur disque et tout le reste sur bande magnétique. Storage Scale qui s’appelait à l’époque GPFS, permettait de lire le début sur disque et de rapatrier le reste depuis la bande.

Certes IBM ne se contente pas de son avance et travaille sur des pistes de stockage telles que l’ADN, le verre ou les hologrammes, notamment pour satisfaire les besoins de la future informatique quantique. « Le plus inquiétant, ça serait de ne plus nous voir innover sur ces sujets-là. Très honnêtement, je n’ai pas le droit de vous dire quoique ce soit sur ces projets-là, mais vous pouvez vous référer à ce que nous publions sur les sujets », affirme Benoît Vautrin.

Les plus belles promesses

Microsoft Research, par l’intermédiaire du projet Silica, utilise de son côté les récentes découvertes en matière d’optique laser et d’intelligence artificielle pour stocker des données numériques dans du verre de quartz. Selon eux, « Silica est la toute première technologie de stockage conçue et construite à partir de ce support, avec du matériel et des logiciels coconçus, pour le cloud. » Contrairement aux autres supports, le verre est inerte et durable. Vous pouvez le faire bouillir dans l’eau, le mettre au micro-ondes ou au four. Vous pouvez lui faire presque tout ce que vous voulez et vous ne risquez pas de détruire les données qu’il contient. En outre, contrairement à la bande, le verre n’est pas sensible aux changements de l’environnement, comme l’humidité, la température ou la dégradation des bits. Une fois écrites, les données resteront dans le verre pendant plus de 10 000 ans. « Aujourd’hui déjà, par mm3, nous avons une densité de stockage supérieure à celle des bandes magnétiques disponibles dans le commerce, et nous sommes en mesure de concevoir l’ensemble du système de stockage depuis le début pour répondre aux charges de travail du stockage Cloud. », affirme-t-on à Redmond.

Un petit réfrigérateur pour stocker des zettaoctets d’informations

L’ADN synthétique est une méthode qui, elle, a le potentiel de stocker des ordres de grandeur plus importants de données que les dispositifs actuels, d’une manière qui promet d’être beaucoup plus durable. « C’est pourquoi nous sommes fiers d’avoir cofondé la DNA Data Storage Alliance, une organisation qui compte aujourd’hui plus de 50 membres, permettant de stocker des données numériques dans l’ADN synthétique et de créer un écosystème de stockage interopérable », affirme Microsoft. Les technologies permettant d’écrire des données sur de l’ADN synthétique s’améliorent assez rapidement et les développements récents, comme le graveur de stockage d’ADN à l’échelle nanométrique, que Microsoft a mis au point avec l’université de Washington, montrent la voie vers le stockage de données sur de l’ADN à visée commerciale. L’ADN synthétique est extrêmement dense. Il est possible de stocker jusqu’à environ 1 exaoctet par pouce cube, soit plusieurs ordres de grandeur de plus que ce que peut offrir une bande magnétique : « Il faudrait des millions de cartouches de bande magnétique – le support de stockage commercial le plus dense donc actuellement – pour stocker des dizaines de zettaoctets d’informations, alors qu’il suffirait d’un petit réfrigérateur si elles étaient stockées dans l’ADN synthétique », compare Microsoft.

La compagnie dirigée par Satya Nadella étudie aussi l’utilisation du stockage holographique pour des charges de travail non archivistiques pour lesquelles des disques durs seraient normalement utilisés. La firme fondée par Bill Gates et Warner Bros ont mené à bien une collaboration visant à stocker et à récupérer l’intégralité du film Superman de 1978 sur un morceau de verre de la taille d’un dessous de verre de 75 x 75 x 2 millimètres d’épaisseur : « Depuis ce premier test, nous avons pris plusieurs engagements avec d’autres collaborateurs. Au début de l’année 2023, nous avons travaillé avec le Global Music Vault pour mettre au point un plateau en verre de démonstration qui comprend les données de certains fichiers musicaux les plus importants au monde », dit-on chez Microsoft. Qui verra, stockera.

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