Dans sa deuxième chronique consacrée aux défis des territoires connectés, Henry Schwartz épingle les déclarations à l’emporte-pièce sur « l’Humain » et la « Data ».
A l’image de l’information et de l’expertise dont elle en est un support, la data est un outil. Elle est comme un marteau qui permet de frapper sur un pied ou d’enfoncer un clou, de taper droit ou de travers. Les données offrent aussi bien des perspectives enthousiasmantes que relatives. Elles participent à déterminer les trajectoires dans un sens ou dans l’autre. La valeur des données peut donc être réelle comme artificielle.
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Nul ne doutera par exemple de l’intérêt des « données de santé pour la recherche médicale et le développement de traitements personnalisés en fonction des pathologies du patient ». Par contre la perplexité est légitime lorsqu’il s’agit d’installer des capteurs de mesure de l’air intérieur afin d’indiquer aux utilisateurs l’instant idoine pour ouvrir une fenêtre fixe, ou des capteurs pour la qualité de l’air extérieur tout en situant le visage d’un individu devant le pot d’échappement d’un véhicule dont les critères le définiraient comme polluant.
Pour chacun de ces exemples, la place accordée aux données est considérée comme étant au service de l’être humain. Pourtant, certains en doutent et font de la promotion de l’être humain au centre des démarches un élément stratégique, de singularité d’une offre, d’une approche en opposant ce qui serait humain et son contraire.
Remettre l’Humain au centre ou la bataille des silos
Sans s’opposer absolument à la data (Open et Big), la heurter est un angle d’attaque qui permet à des acteurs d’évoquer la question du sens, de la vision, des projets, etc. Face à la quantité on évoque la qualité. Enrichissement par les données et appauvrissement par la vision. Binaire.
Un acteur privé de la planification territoriale pourra ainsi valoriser sa démarche qu’elle promeut plus qualitative face à des écosystèmes qu’il considère comme hors sol. Il s’agit d’un exemple que j’ai à l’esprit où ledit acteur évoque tant sa représentation de son métier que celle d’acteurs de l’urbanisme opérationnel.
Ce qui est important ici, ce n’est pas de souligner la puissance ou l’impuissance de l’argumentation d’un acteur français qui, en défendant son organisation plutôt que son métier, déprécie les acteurs de son secteur (promoteurs, décideurs…), mais bien le fait que pendant ce temps, des acteurs situés hors de nos frontières occupent des espaces laissés vacants tant par les promoteurs que ledit expert en planification territoriale, et sans grand discours sur la data ou le numérique. Et l’attractivité du territoire y gagne. Il est un fait que la data peut être aussi synonyme de perte de compétitivité comme le sont des propos sur le sens ou le ré-enchantement.
Aucun territoire n’accueille d’écosystèmes hors sols
Il arrive qu’en qualifiant des écosystèmes territoriaux d’hors sol, on révèle surtout les vulnérabilités du sien. En outre, un écosystème qui se veut plus centré sur l’Homme ne l’est pas forcément plus que celui dont il est dit l’être moins.
Prenons maintenant l’exemple du Développement Durable lequel fait aujourd’hui l’objet de nouveaux questionnements. N’a-t-il jamais été l’expression d’une volonté de remettre l’Homme au centre des démarches ? Qu’il s’agisse du DD ou de l’idée de remettre l’humain au cœur, chacun y va de sa conception. Bien que datés, les résultats qui suivent n’en demeurent pas moins actuels. Que conclure quand 22% d’un échantillon des Directeurs du DD en 2016 considéraient que les missions étaient tournées vers l’avenir, l’humain (26% en 2015 et 28% en 2014) ; que 23% des répondants font confiance aux entreprises (34% en 2015 et 51% en 2014), 3% aux responsables politiques nationaux, 4% aux élus locaux, 13% aux consommateurs ? Que penser des désaccords entre les Directeurs des départements Administratif et Financier, RH ou Marketing quant à l’intégration du changement climatique, de la santé, de la pollution de l’air et des eaux et des sols dans les stratégies et actions de développement durable ? (source : C3D).
Je ne crois pas que l’on puisse dire que l’Homme ne soit pas au centre de leurs démarches, qu’ils soient saints ou bourreaux.
La promesse consistant à remettre l’Humain au centre est au mieux un constat, au pire un aveu d’échec ; mais jamais une réponse car elle ne saurait tout simplement l’être.