Pour notre chroniqueur invité Imed Boughzala, l’intelligence digitale des dirigeants actuels doit passer par une remise en question de ce qui fait le succès d’un business model. Avec le plus souvent la nécessité de faire un pas de côté par rapport aux habitudes passées.
Développer l’intelligence digitale à grande échelle au niveau sociétal permet d’atteindre trois objectifs principaux. Tout d’abord, la citoyenneté digitale permet à toute personne de mobiliser les technologies digitales et post-digitales de manière efficace, responsable et durable. Ensuite, faire preuve de créativité digitale permet aux individus et aux organisations de créer de nouveaux contenus et de nouvelles connaissances ainsi que des technologies. Pour ce faire, ils transforment des idées, des fictions en réalité ou encore ils font d’un problème une opportunité. Enfin, la compétitivité digitale permet aux organisations et aux Etats de développer de nouvelles stratégies et de nouveaux modèles d’affaires dans l’économie numérique et collaborative (i.e. Digital Business Models). Pour cela, il faut créer un cadre stimulant l’esprit d’intra/entrepreneuriat, l’emploi et la croissance, tout en se préoccupant de la sobriété et de la souveraineté numériques.
Un modèle d’affaire ou Business Model est une représentation systémique et synthétique d’un domaine d’activité de l’entreprise durant une période donnée. Dans le monde économique et des affaires, « se tromper de modèle d’affaire, et il n’y a presque aucune chance de succès… » selon le professeur David Teece de l’University of California à Berkley.
Le business model décrit la manière dont l’entreprise crée, livre, capitalise de la valeur pour en tirer des revenus. C’est une formalisation de la création de valeur par l’entreprise, expliquant comment, pour qui et avec qui. Souvent confondu avec le Business Plan, qui est la déclinaison concrète, opérationnelle et chiffrée du Business Model. C’est en réalité un document détaillé et chiffré à produire après avoir défini le business model. Il sert généralement à convaincre des investisseurs potentiels ou de futurs partenaires. On parle de Digital Business Model lorsque le modèle d’affaire est opéré dans le domaine de l’économie numérique et souvent orienté donnée – Data Driven. Le plus connu est l’Uberisation, un terme qui fait référence au phénomène de transformation économique et commerciale inspirée par le modèle d’affaires de la société Uber. Uber est une entreprise de technologie qui a perturbé l’industrie du transport en proposant un service de réservation de voitures avec chauffeur via une application mobile.
Différents types de business models
Cependant, il existe plusieurs business models à l’ère du digital comme les modèles Add-on[1] (utilisés par les compagnies Low cost comme easyJet et Ryanair), Pay as You Go[2] (utilisés par les opérateurs de télécoms ou du Cloud), Experience Selling[3] (utilisés par Nike), Peer to Peer[4] (utilisés par les plateformes Pourdebon ou allovoisins), Crowdfunding[5] (utilisés par kisskissbank ou kickstarter), circulaires (utilisés par Recommerce), etc.
Les stratégies et les modèles d’affaires numériques sont devenus le moteur essentiel de l’économie contemporaine, redéfinissant la manière dont les entreprises créent, fournissent et capturent de la valeur. À l’ère de la numérisation rapide, ces modèles transforment fondamentalement la façon dont les entreprises opèrent et interagissent avec leurs clients, leurs partenaires, leurs fournisseurs et plus largement concurrents.
L’un des piliers fondamentaux des modèles d’affaire numériques réside dans la maximisation de l’utilisation des technologies digitales. Les entreprises exploitent des plateformes en ligne, des applications mobiles et d’autres solutions numériques pour atteindre un public à l’échelle mondiale, facilitant ainsi l’expansion de leur portée et de leur impact. Ces modèles favorisent également une personnalisation accrue des produits et des services, offrant aux clients une expérience plus ciblée et adaptée à leurs besoins individuels.
La collecte et l’analyse de données massives jouent un rôle central dans les modèles d’affaire numériques. Les entreprises utilisent ces données pour comprendre les comportements des consommateurs, anticiper les tendances du marché et améliorer continuellement leurs offres (e.g. Netflix). Cependant, cela soulève également des questions importantes concernant la confidentialité des données et la nécessité d’une gestion éthique des informations personnelles.
Les revenus dans les modèles d’affaire numériques proviennent souvent de sources diverses, telles que la publicité en ligne, les abonnements, les transactions électroniques et les modèles freemium. Ces approches innovantes permettent aux entreprises de diversifier leurs flux de revenus tout en offrant une flexibilité aux consommateurs quant à la manière dont ils accèdent aux produits et services.
Les plateformes collaboratives et les modèles basés sur le partage sont également des caractéristiques notables des modèles d’affaire numériques. Des entreprises comme Uber et Airbnb ont révolutionné les secteurs des transports et de l’hébergement en créant des plateformes où les utilisateurs peuvent partager des biens et des services de manière efficace, perturbant ainsi les modèles traditionnels.
Cependant, ces modèles ne sont pas sans défis. Les préoccupations liées à la cybersécurité, à la concurrence déloyale et aux conséquences sociales de la numérisation rapide nécessitent une attention constante. Les entreprises doivent naviguer avec précaution pour assurer un équilibre entre l’innovation numérique et la responsabilité sociale.
L’exemple emblématique d’Uber
Le concept d’uberisation implique une stratégie de plateformisation pour faciliter la mise en relation directe entre les fournisseurs de services et les consommateurs (désintermédiation – ré intermédiation), souvent de manière décentralisée. Cela permet une économie de partage plus efficace, où les ressources existantes sont utilisées de manière plus optimale.
Dans une perspective plus large, l’uberisation peut être considérée comme un changement de paradigme économique, où les entreprises cherchent à fournir des services sur demande, souvent à la demande du consommateur et avec une plus grande flexibilité. Cela peut toucher divers secteurs tels que le transport (e.g. Blablacar), l’hôtellerie (e.g. Airb&b), la livraison de repas (e.g. Deliveroo et Just Eat), les services de bricolage (e.g. Bricolib), la formation (e.g. Coursera) etc.
Cependant, l’uberisation peut également susciter des préoccupations telles que la précarité de l’emploi, la concurrence déloyale et la régulation des travailleurs indépendants. Elle suscite donc des débats sur la manière dont les gouvernements et les entreprises doivent répondre à ces changements dans le paysage économique.
En résumé, les modèles d’affaire numériques représentent une évolution majeure dans la façon dont les entreprises fonctionnent et prospèrent à l’ère digitale. La capacité à exploiter les technologies de manière stratégique, à gérer les données avec responsabilité et à anticiper les besoins changeants des consommateurs sont les clés du succès dans ce paysage commercial dynamique et en constante évolution.
[1] où les clients sont facturés des frais supplémentaires pour des fonctionnalités ou des services supplémentaires qui complètent ou améliorent leur expérience principale.
[2] payez à l’usage est un modèle de tarification dans lequel les clients paient uniquement pour les biens ou services qu’ils utilisent réellement, sans engagement à long terme ni obligation de souscrire à un abonnement.
[3] met l’accent sur la création et la commercialisation de produits qui évoquent des émotions fortes ou offrent des expériences mémorables aux clients. Il est étroitement lié à la psychologie du consommateur et à la création de marques émotionnelles.
[4] Le modèle de pair à pair, est un modèle économique dans lequel des individus ou des pairs interagissent directement les uns avec les autres pour acheter, vendre ou échanger des biens, des services ou des informations sans passer par une tierce partie traditionnelle comme une entreprise ou une institution.
[5] Le financement participatif est une alternative au prêt bancaire classique. Il permet à un porteur de projet de collecter des fonds sur internet, par le biais d’une plateforme en ligne dédiée, auprès d’investisseurs pour financer un projet spécifique.