Les projets de Supply Chain durable montent en puissance dans les entreprises et intègrent de plus en plus fréquemment leurs partenaires. La bascule vers plus de circularité n’en est cependant qu’à ses débuts, selon le cabinet de conseil Kepler.
Selon la deuxième édition du Baromètre de la Supply Chain durable publiée par le cabinet de conseil Kepler, la forte appétence des Supply Chain Managers pour les projets comportant un contenu durable se conforte d’année en année, plus de 85 % des entreprises ayant des projets de Supply Chain durable en cours. Jugés stratégiques, ces projets sont pilotés directement par la direction générale ou la direction RSE des entreprises.
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« Ce qui marque l’évolution entre les éditions 2021 et 2022 du baromètre, c’est le positionnement de ces projets à un niveau stratégique, avec un pilotage par les directions générales ou les directions de business units », déclare Alain-Bernard Duvic, directeur associé chez Kepler.
La sensibilisation des salariés aux enjeux durables a elle aussi gagné en maturité et leur mobilisation est désormais la règle (les actions de sensibilisation sont en hausse et un responsable Supply chain sur deux en est satisfait).
Le baromètre souligne par ailleurs une progression majeure des pratiques avec l’ensemble des parties prenantes, avec quelques disparités selon les secteurs d’activités comme la distribution, les services ou l’industrie. Les pratiques RSE s’intègrent progressivement dans les critères de performance et les objectifs contractualisés. Cette progression se comprend jusque dans les échanges de données entre partenaires, ce qui était loin d’être le cas en 2021.
« L’an dernier, l’intégration d’objectifs RSE avec les partenaires se faisait plutôt au niveau des appels d’offres. Cette année, l’intégration dans les revues de performance a très fortement progressé, notamment avec les fournisseurs. Il y a eu en quelque sorte un effet de rattrapage. La supply chain intégrée commence véritablement à positionner la RSE dans ses critères de performance », complète Alain-Bernard Duvic.
Les entreprises face au paradoxe de la volonté RSE
Toutefois beaucoup de défis persistent et la mise en place de nouveaux modes d’organisation se révèle parfois complexe. En effet les entreprises peuvent même se trouver confrontées à un « paradoxe de la volonté RSE ». Par exemple, un choix de relocalisation en France peut entraîner une hausse des émissions de CO2 par la hausse du trafic routier vers le site de production. Tant que les entreprises n’auront pas une parfaite maîtrise de bout en bout de la Supply Chain, des effets collatéraux de ce type sont possibles.
« Le véritable enjeu est celui de la circularité. Tant que les acteurs de la supply chain resteront dans la recherche de gains d’efficience marginaux, dans une économie linéaire, rien ne basculera vraiment. Le vrai ‘game changer’ est de passer d’une supply chain linéaire à une supply chain circulaire. Nous sommes aujourd’hui au T0 de la circularité : les organisations ne sont pas encore calées, ni les offres, notamment celles concernant la fin de vie des produits. Pour y parvenir, les acteurs de la supply chain doivent développer de vrais processus collaboratifs entre eux », note Alain-Bernard Duvic.
Les entreprises font donc face à un nouveau paradigme et cette transformation ne se fera que de manière collective. Le baromètre montre que, pour l’instant, la circularité porte plus sur les processus amont de la Supply Chain (sourcing, relation fournisseur, revue des matériaux et des procédés de fabrication), et encore trop peu sur l’aval, par manque de collaboration avec les équipes ventes et marketing.
Le client, oublié de la Supply Chain durable ?
Autre enseignement du baromètre : le client n’est pas encore au centre des Supply Chains durables. Les interactions entre les Supply Chains et les services commerciaux sont encore trop faibles et les nouvelles offres ne sont pas encore nativement circulaires. Si quelques secteurs affichent des maturités plus fortes comme le textile et l’habillement, le reste du marché ne co-conçoit pas sa circularité avec le client en préoccupation majeure.
Enfin, le baromètre montre que la mise en œuvre de circuits courts n’est pas encore assez considérée dans les critères de performance Supply Chain (filières industrialisées, panels de sous-traitance). « La crise sanitaire a mis au jour l’importance de nos chaînes d’approvisionnement. La pénurie des composants ou encore la hausse des coûts – transports et matières premières – révèle le besoin impérieux de maintenir la Supply Chain sous contrôle. Pour autant, ces récents événements, aussi marquants soient-ils, ne doivent pas faire oublier l’autre nécessité, plus grande encore, de maîtriser les impacts environnementaux et humains entourant ce maillon essentiel de nos économies », conclut Alain-Bernard Duvic.
Méthodologie du baromètre :
Ce baromètre résulte d’une analyse quantitative et qualitative menée durant l’automne 2022 auprès de plus de 120 professionnels : logistique, approvisionnement, RSE, opérations et directions générales, dans des PME, ETI et grands comptes de plusieurs secteurs d’activités. L’étude a été menée en partenariat avec les Mastères Spécialisés Management Industriel, Projets et Supply Chain de CentraleSupelec et l’Institut Supérieur de Logistique Industrielle (ISLI).