Cet article a été publié originellement sur mydatacompany.fr
Les PoC doivent disparaître. La priorité d’un assureur comme Swiss Life sur la Data Science et l’intelligence artificielle, c’est l’industrialisation, indispensable pour prétendre à un retour sur investissement.
Classiquement, en début d’année puis en continu afin d’enrichir la liste des besoins – le backlog -, le Data Lab va recueillir auprès des métiers leurs différents besoins. C’est la finalité des « Data Science learn and lunch », des événements organisés en interne.
Un Data Champion au sein de chaque métier
« Nous organisons de nombreux rendez-vous en début d’année et publions des articles sur l’intranet afin d’inciter les collaborateurs à exprimer leurs besoins à un Data Champion. Chaque direction métier en compte au moins un » précise Cynthia Traoré, responsable du Data Lab Swiss Life.
Ce Data Champion a pour mission d’évaluer et de qualifier, grâce à différentes fiches modèles (ou « templates »), le besoin en cas d’usage. Cette étape permet de s’assurer que les critères sont satisfaits, comme l’utilisation de données conformes avec le RGPD.
Une équipe composée en fonction du cas d’usage
Un tiers des projets seront retenus à ce stade et basculeront sur l’étape suivante, celle du « use case candidat ». Ces projets pourront, dès lors, être présentés en Comex lors d’un rendez-vous intitulé « Data Champions day ». Au programme de cette journée, des « pitchs » de présentation du cas d’usage par les métiers, associés à leur Data Champion respectif.
Le comité exécutif sélectionne les propositions disposant chacune de KPI définis, sur la base de différents critères : intérêt business, valeur ajoutée, objectifs stratégiques, etc. Les cas d’usage retenus passent donc un nouveau filtre avant l’étape 3, qui démarre par une étude d’opportunité.
« Cette étape permet de confirmer que nous disposons des données nécessaires, de définir un planning et la composition de l’équipe, la squad. Ensuite nous entamons la phase d’expérimentation » précise la responsable du Data Lab.
Adieu PoC, place au Proof of Value
Place donc à l’expérimentation. Le vocabulaire a en effet changé, comme la démarche. « On parlait avant de Proof of Concept. Désormais, nous sommes sur du Proof of Value. Ce que l’on veut démontrer, c’est que le use case permet d’atteindre les objectifs métier fixés au départ. »
Et preuve que les PoC appartiennent dorénavant au passé, seul un projet a été arrêté. « Il s’agissait d’un use case sur l’analyse de la voix utilisant des méthodes assez pointues de Deep Learning. Il nécessitait un volume très conséquent de données pour l’apprentissage avant que l’algorithme ne soit autonome. Nous avons jugé que les conditions n’étaient pas réunies pour poursuivre ce cas d’usage » confie la Chief Data Scientist de l’assureur.
Un MVP est testé entre 3 et 6 mois
Deux autres cas d’usage ont, par ailleurs, été mis en attente, en « stand-by ». Pour l’un d’entre eux, c’était pour des raisons de profondeur d’historique sur un produit lancé trop récemment. Dès lors, les données étaient insuffisantes pour l’apprentissage.
La phase de Proof of Value permet globalement de confirmer que les KPI fixés sont atteignables. Durant l’expérimentation, on mesure aussi la performance des algorithmes développés et on démarre également l’accompagnement au changement.
« Nous faisons des ateliers toutes les semaines ou tous les 15 jours avec les métiers, l’IT et les Data Champions de la squad. » Si l’expérimentation répond aux attentes, le produit Data passe à l’étape 4, celle du pilote, au cours de laquelle un MVP est livré au métier. Celui-ci sera testé a minima pendant trois mois et jusqu’à six mois, en fonction de la complexité, et dans le cadre d’une démarche itérative.
Implication d’une ‘Core Team’ Big Data
« C’est une forme de bizutage de la solution dans la vraie vie de l’entreprise. Avant cette étape, on est encore dans la conception. Le pilote se fait en conditions réelles. Il vient s’intégrer dans un processus maitrisé par le métier et ses habitudes de travail » souligne Cynthia Traoré.
La période de test en vie réelle s’achève par un bilan avec les métiers et une nouvelle mesure des KPI. A noter que les équipes informatiques planchent aussi sur l’étude de faisabilité technique durant cette quatrième étape. Le travail des métiers et de l’informatique – via notamment l’implication d’une équipe centrale, une ‘Core Team’ Big Data – se traduira ainsi par un « go ou no go » pour la mise en production.
Réserver des ressources IT en amont pour la mise en production
Pour cette cinquième étape, « avoir des membres de la DSI dans le Data Lab et un fonctionnement en mode Core Team changent tout. Passer de la phase 4 à 5 est une étape, mais c’est l’une des plus difficiles dans les entreprises. En industrialisation, le use case sort du laboratoire et rejoint le portefeuille de projets global pour s’intégrer au patrimoine informatique de l’entreprise » témoigne l’experte de Swiss Life.
La réalisation d’études d’opportunités lors des étapes 2 et 3 permet au Data Lab de disposer d’un « macro-chiffrage » utile pour l’industrialisation. Il permet ainsi de « réserver de la charge dans les équipes pour le moment de cette industrialisation et de la mise en production. »
Ce n’est pas encore la fin du parcours. Reste la sixième étape : l’activation et la transformation du cas d’usage en retour sur investissement. Il s’agit, à ce stade, de poursuivre l’accompagnement des métiers et la conduite du changement, de suivre les performances des algorithmes, l’apprentissage automatique et les KPI techniques et business, sur la qualité des données, la stabilité des modèles, etc.
70% des cas d’usage prêts à l’industrialisation
L’assureur suisse n’est toutefois encore pas concrètement parvenu à ce sixième pas. « En 2019, nous avons mis le turbo sur la phase cinq. Environ 70% de nos cas d’usage sont en pilote ou prêts à être industrialisés. Nous mesurons donc les premiers KPI concrets » reconnait Cynthia Traoré. En 2019, un nombre « assez conséquent », de projets entrera en production, avec en priorité ceux « pour lesquels on a une espérance de ROI importante. »
Ces cas d’usage sont qualifiés « d’innovants » et d’autres de plus « classiques », pour des entreprises « matures ». Ils portent, par exemple, sur la lutte contre la fraude, l’amélioration de processus ou l’anticipation du départ des clients, c’est à dire l’attrition.
Des ambitions dans l’analyse des données vocales des clients
Swiss Life développe également des cas d’usage « un peu plus poussés » sur l’analyse de la voix du client, dans une optique d’amélioration de l’expérience client et de conseiller augmenté. « Nous travaillons actuellement sur un voice bot directement intégré » au système d’appel des clients. « Nous avons un patrimoine Data voix assez important ». Car même si l’entreprise s’est digitalisée, elle continue de recevoir des appels téléphoniques de ses clients.
La conformité RGPD évaluée en amont
« Il nous faut être capables de capter ce que nos clients expriment et d’analyser ces données. C’est un impératif de capter la voix du client quel que soit le canal. » Cela, dans une démarche de Data Science accompagnée par la direction juridique et la DPO (Data Protection Officer) de Swiss Life. Il s’agit ainsi de garantir la conformité avec le RGPD – pas uniquement sur les projets voix, et dès les premières étapes.
Si un premier pilote sur les données vocales n’a pas été finalisé, l’objectif demeure inchangé dans ce secteur : « analyser les appels téléphoniques et mettre à disposition des conseillers clients des éléments d’aide à la décision en temps réel dans un objectif d’amélioration de l’expérience et de la satisfaction client. »
Compte tenu de l’activité d’assureur de Swiss Life, de nombreuses applications concernent la lutte contre la fraude. Chacun des métiers de l’entreprise est visé par ce « sujets phare ». D’autres cas d’usage portent sur l’efficacité opérationnelle : classification automatique des mails entrants, l’optimisation de processus, finance, compatibilité et gestion des risques.