Depuis quelques années, notamment avec la montée en puissance du e-commerce, le parcours du consommateur a changé. Selon une étude menée fin 2013 par le cabinet Sens’O, 88 % des français font des recherches online avant d’acheter en magasin, 66 % font les deux et 69 % vont en magasin avant d’acheter sur le web. Et ils achètent beaucoup ! 50 milliards d’euros ont été dépensés sur internet en France en 2013 selon IBM, soit une hausse de 13,5 % sur un an.
Pour les points de vente physiques, l’enjeu est majeur : il leur faut s’adapter à l’attrait que les nouvelles technologies exercent sur le client. Beaucoup misent sur la digitalisation et de nombreux concept-stores fleurissent, principalement à Paris. Bornes automatisées, écrans plats connectés, QR Codes, paiement par mobile, Wifi et enfin de plus en plus de tablettes fournies aux salarié(e)s ou laissées en libre-service.
Un objectif de divertissement
Dans ce domaine, McDonald’s s’illustre depuis plusieurs années. L’enseigne de restauration rapide, qui a lancé en novembre la commande en ligne, propose le wifi gratuit et illimité depuis 2005. Il y a deux ans, elle installe dans des restaurants de Limoges ou de Tours, des IPads en libre-service, puis, en 2012, a lancé une initiative pilote dans le centre commercial de Vélizy 2, près de Paris.
La chaîne y propose de nombreux supports interactifs, notamment des tables digitales et douze IPads connectés à internet avec des applications gratuites. « C’est un bel objet qui n’est pas encore présent chez tous les Français et qui, du coup, les attire. L’idée est d’offrir une large gamme de services avec du divertissement. On ne traque pas ce que les utilisateurs font, on ne fait pas de statistiques. Mais ce qui est flagrant, les premières places occupées sont toujours celles situées face aux tablettes », explique Éric Caen, directeur Digital Europe de McDonald’s.
Le succès de ces initiatives dépend, selon Thierry Spencer, spécialiste de la relation clients, de la valeur ajoutée immédiate qu’elles amènent. « Il y a un effet de mode évident dans les entreprises ayant un réseau physique. On observe des initiatives répondant plus au courant de la digitalisation du point de vente qu’à une réelle réflexion sur la relation client enrichie ». Le risque serait donc de tomber dans un effet « vitrine », destiné non pas à améliorer la qualité des services, mais à impressionner le consommateur.
Aller au-delà du gadget
Un risque que mesure Arthur Philbé, co-fondateur de la start-up Weblib, qui accompagne les grandes enseignes dans la digitalisation de leurs points de vente, avec des solutions-clés en main (tablettes et solutions wifi avancées). Fondée en 2009, la jeune pousse francilienne est presque seule sur ce marché et compte Monoprix, McDonald’s, BNP Paribas ou encore Total parmi ses clients.
Témoin et acteur des débuts de la digitalisation, son dirigeant a assisté à la sortie de l’IPad et à l’engouement général pour le support tablette qui en a découlé. « Le digital est arrivé un peu comme un gadget, un argument de modernité et d’image pour les enseignes, mais cette utilisation n’a qu’un temps, elle a ses limites. Ce qui est intéressant, c’est quand il y a une vraie stratégie et derrière, un retour sur investissement », estime-t-il.
Pour cela, la start-up qui a, pour l’heure, équipé 200 points de ventes et déployé 400 tablettes, s’adapte aux spécificités de chacun. Si une chaine de café ou un Mac Do souhaite des tablettes connectées non-stop et offrant des services pratiques et de détente, des établissements comme la Banque Populaire ou les Galeries Lafayette, privilégieront une utilisation métier.
BNP Paribas a, par exemple, déployé des tablettes dans certaines petites agences régionales dotées de peu de personnel, qui permettent de discuter en visioconférence avec un conseiller en patrimoine, basé à Paris. « Il y a une forte appétence pour le digital dans le secteur bancaire, puisqu’il y a une volonté de dématérialisation importante », souligne Arthur Philbé. A terme, les clients des banques devraient donc pouvoir effectuer un virement, un devis, commander un chéquier et même parler avec un conseiller depuis des tablettes laissées en libre-service.
Les modèles économiques, sujet d’avenir
Apporter un service supplémentaire qui simplifie la vie des clients et les fidélise par là même, telle est donc la promesse du numérique pour les points de vente. Weblib travaille actuellement à un projet avec les Galeries Lafayette qui permettrait aux clients d’échanger leurs achats grâce à des tablettes réparties dans le magasin. Le groupe pétrolier Total de son côté, a doté de nombreuses aires d’autoroute d’iPad et propose, à proximité des stations de ski, de les utiliser pour acheter des forfaits en ligne.
Peut-on alors imaginer une ville où les métros, trains et hôpitaux seraient équipés de supports digitaux, où des tablettes seraient installées dans l’espace public permettant, par exemple, aux égarés de retrouver leur chemin ? Oui, affirme Arthur Philbé, mais pas tout de suite. Ce genre d’initiatives à grande échelle, notamment dans le service public, nécessite une réflexion en profondeur sur le modèle économique. « Les vidéos publicitaires pourraient être, à terme, une solution de financement viable »
En attendant, les habitué(e)s du taxi auront noté que la centrale de réservation TAXI G7 a équipé fin 2013 ses 1 000 voitures VIP/Club Affaires de tablettes numériques permettant de lire la presse ou de découvrir la programmation culturelle de la capitale. Pour les adeptes des transports en commun, la RATP, en partenariat avec SFR, s’est engagée à équiper en 3G et en 4G, les 170 principales stations du réseau (métro et RER) d’ici fin 2014. A défaut d’être équipés, les voyageurs seront au moins connectés !